Quand Gwenaël Morin se lance dans le projet Fassbinder, c’est avec un appétit à la démesure de cet auteur prolixe et météorite. Convaincu que cette œuvre peut former une anthologie et une archéologie de la violence, il veut monter tout le répertoire du « Balzac allemand » puis se ravise. Il s’empare alors de quatre pièces dont le style pousse loin l’artifice pour mieux faire claquer la vérité : celle de l’exploitation effrénée des sentiments par le fascisme ordinaire.
Dans les relations amoureuses des quatre protagonistes se dévoile le rapport malsain consommant-consommé… L’« amour » ne saurait échapper aux lois d’une nature humaine de plus en plus corrompue par la consommation.
Ce n'est pas une pièce sur l'homosexualité, mais déjà, comme Les Larmes amères de Petra von Kant quelques années plus tard, une pièce sur le fait que « l'être humain (...) a besoin de l'autre, mais il n'a point appris à être deux... », réflexion que Fassbinder met dans la bouche de Petra et qu'il commente par ailleurs : « l'homme (...) n'est pas éduqué de manière à pouvoir plus tard appliquer le principe d'égalité dans ses rapports avec les autres. (...) Si bien qu'il y a toujours quelqu'un qui domine. En amour, celui qui est le plus fort ne doit pas exploiter l'amour du plus faible. (...) Il est plus facile de se laisser aimer que d'aimer. C'est plus facile pour ceux qui sont aimés et ils en profitent la plupart du temps sans le moindre remords. »
« Que nous disent-elles aujourd'hui, ces pièces ? Que la révolution commence dans la chambre à coucher, mais que ce n'est pas avec des révolutionnaires de salon qu'on la fera. Mais c'est surtout par les processus qu'il met en place, par ces étranges rituels, profondément théâtraux, où victimes et bourreaux s'échangent leurs rôles, que le théâtre de Fassbinder trouble, fascine et agit. C'est cette carte-là, celle des jeux de rôle à l'infini, que jouent à fond Gwenaël Morin et ses excellents comédiens, dans une exultation théâtrale jamais démentie – et communicative. » Fabienne Darge, Le Monde, 23 septembre 2013
« Une écriture lucide et féroce pointe la cruauté sociale, l’attachement aux conservatismes, le poids de la religion qui dicte la conduite morale à suivre, les rapports malsains de domination et manipulation aussi bien dans la sphère publique qu’affective, les ravages du patriarcat (...) une troupe explosive d’acteurs toujours remarquables qui sont pour beaucoup des habitués. Ils se donnent dans le jeu, se fatiguent (...) et enthousiasment par leur engagement, leur frénésie et leur profonde justesse. » Christophe Candoni, toute la culture, 23 septembre 2013
« Par ce quadryptique dont les types de lieux s'agencent en chiasme, Gwenaël Morin met en évidence le propos qui sous-tend toute l'œuvre de Fassbinder, montrant les liens inextricables entre politique et privé. (...) Par sa manière de travailler dans l'urgence avec sa compagnie, Gwenaël Morin propose à ses comédiens un véritable challenge qui crée un état fructueux d'excitation, de panique et d'émulation. (...) N'ayant recours qu'à un minimum d'artifices de mise en scène (...), son art théâtral cherche sa quintessence par le corps et la parole. En parfaite connivence, les comédiens font preuve d'une solidarité qui forge la cohérence de l'ensemble, tout en brillant par leurs personnalités respectives. » Sophie Lespiaux, Une chambre à soi, 25 septembre 2013
« De cette réflexion désespérée sur la barbarie qui sommeille en l’homme, sur l’intime et le politique qui jouent un tango de mort, Morin et ses antiacteurs font un brûlot qui rend le public heureux et tonique. Avec l’envie, en sortant, d’en découdre avec le mauvais théâtre du monde. » Philippe Chevilley, Les Echos, 26 septembre 2013
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