Lieu : 32, rue des Cordes à Caen.
Un pays, une guerre. Dans une maison dévastée, une femme, ses deux jeunes filles. Le matin. Premières répliques brutales, triviales, lapidaires qui disent le total dénuement, l’absolue difficulté à faire les actes les plus simples de la vie quotidienne, le chaos qui a ravagé les corps, les âmes, les valeurs morales, les sentiments. Un homme, un combattant désarmé et aveugle, entre. C’est le père que l’on croyait mort depuis trois ans.
La tête et le corps remplis des horreurs des terrains de bataille, il réclame ce à quoi il a droit pour oublier : sa maison, sa femme, ses enfants, son frère, ses amis, leur tendresse, leur amour. C’est son droit de soldat qui a beaucoup souffert, c’est son droit d’être humain méritant la compassion et l’amour de ses proches. Sauf que la guerre est aussi passée dans les populations civiles, dans le corps et l’âme de sa femme, de ses filles, de son frère, de ses amis. Mais l’homme, père, soldat ne veut pas le savoir. Là où la guerre est passée, les lois qui régissent les relations humaines changent, les systèmes de pensée changent.
Guerre est une tragédie moderne. Dans cette situation du retour du soldat, généralement, c’est de sa vie à lui dont on parle, c’est de la geste guerrière qui est racontée. Ce qui est nouveau chez Lars Norén, c’est que la guerre est dite du point de vue des autres, ceux dont on ne parle que d’une manière collective et anonyme. L’écriture de Lars Norén est précise et brutale, sa mise en scène tranchante, les comédiens remplissent de leurs corps tout l’espace physique de la scène, tout l’espace mental du spectateur, tous les implicites du texte. Un magnifique acte théâtral qui exalte la puissance éclairante de l’art quand il dresse la carte du monde et nous apprend à comprendre.
"Débris jonchés sur le sol poussiéreux. Cendres d'après-guerre. Mais de quelle guerre ? Qu'importe. Car ici le Suédois Lars Norén s'intéresse aux séquelles qui touchent à l'intime. Pour ce soldat qui revient au village, il s'agit de retrouver sa place. Mais comment faire lorsque mère et filles ont appris à vivre sans lui et à s'accommoder de toutes les horreurs ? Avec un réalisme acéré, le dramaturge scrute l'humanité blessée et signe ici une oeuvre percutante, qui ébranle tant par la justesse du propos et du jeu que par cette odeur de désolation qui envahit la scène. Un chef-d'oeuvre." L'Hebdo, Lausanne
"C'est un spectacle aride et beau. Un de ces moments qui ne vous laissent pas indemnes. Et cependant vous fortifient. Un laps d'énergique théâtre. Laissant trace. Matin, après-midi et soirs durant, Guerre continue de vriller votre esprit, vous extrait de vos mesquins stratagèmes de bien-être, sinon de savoir-vivre. [...] Même si Lars Norén dépeint le temps d'après les hostilités, c'est bien de la guerre qu'il parle, de ses conséquences. [...] Rien ne peut plus être comme avant, puisque avant n'a plus lieu. La guerre est achevée. C'est de l'amour, de la fin de l'amour, de la vie toute bête, de tous les jours, qu'il s'agit. De la vie cassée, finie, à cause de la guerre, un jour commencée, un jour finie. Et qui n'en finit pas de finir. De recommencer." Mathilde la Bardonnie, Libération
32, rue des Cordes 14000 Caen