Héritages

Julien Laporte, sourd profond de naissance, revient vingt-cinq ans plus tard dans la maison de famille qu’il a fuie à l’âge de vingt ans. L’héritage qu’il revient liquider, est aussi celui de l’histoire des sourds, notamment du congrès de Milan qui, en 1880, interdit la langue des signes dans l’éducation des sourds pendant près de cent ans.

La résidence
L'histoire
La mise en scène
Note du scénographe
Dates clés de l’Histoire des sourds en France

  • La résidence

Une création théâtrale issue d’un travail de résidence : rencontre de deux langues et de deux cultures.

A l’été 2007 Bertrand Leclair propose à IVT un travail de recherche sur une écriture commune entre sourds et entendants. Ancien critique littéraire, Bertrand Leclair ne connaît pas le monde des sourds et doit réaliser une pièce radiophonique pour France Inter sur le thème du Congrès de Milan.

Ainsi s’engage une résidence d’écriture soutenue par la Région Ile-de-France et le Ministère de la Culture via l’année européenne du dialogue interculturel. Au cours de la saison 2007/2008 sont mises en place des séances de travail entre l’écrivain et un groupe d’une dizaine de sourds issus d’IVT, pour la plupart comédiens, avec l’aide d’interprètes langue des signes française (LSF) / français.

Le travail débute par une recherche historique autour d’un évènement marquant de l’histoire des sourds : le Congrès de Milan de 1880 et ses conséquences, notamment l’interdiction de la langue des signes. La problématique du Congrès de Milan est dense et ses fondements s’expliquent bien avant cette date. En effet, le clivage entre les oralistes et les gestualistes existait bien avant cette interdiction. Un des points de départ est l’histoire des sourds : comprendre comment les sourds ont connaissance de cette histoire qui leur est propre et qui n’a pourtant jamais été enseignée à l’école.

Adaptation français / LSF : Chantal Liennel, Bachir Saïfi, Anne-Marie Bisaro.

  • L'histoire

La pièce se déroule de nos jours : Julien Laporte, sourd profond de naissance, revient vingt-cinq ans plus tard dans la maison de famille qui fut sa maison d’enfance et qu’il a fuie à 20 ans. Alors qu’il n’a donné aucune nouvelle durant toutes ces années, il a réagi à une annonce lue dans la presse : son frère aîné et sa soeur le recherchent pour régler l’héritage familial à la suite du décès récent de leur mère. Seul sourd de la famille, Julien a vécu une enfance désastreuse, soumise à l’autorité obtuse d’un père obsédé par les thèses oralistes d’Edward Graham Bell, qui fut au XIXe siècle l’inventeur du téléphone et un ennemi déclaré de la langue des signes. L’héritage que Julien revient liquider dans la maison de son enfance, c’est donc aussi celui de l’histoire des sourds, en particulier du Congrès de Milan à la suite duquel a été décrétée, en France, l’interdiction des gestes dans l’éducation des sourds.

La pièce s’ouvre sur l’arrivée de Julien ; il est accompagné par sa femme et une amie interprète, puisqu’il refuse désormais de parler, s’exprimant exclusivement en langue des signes. Alors que la présence de l’interprète est d’emblée perçue comme une agression par le frère de Julien et comme une souffrance par sa soeur, l’ombre du père mort des années plus tôt plane sur la scène des retrouvailles…

  • La mise en scène

La contrainte que l’on se donne est double : il s’agit, d’une part, de mêler sur la scène la langue des signes et le français sans recourir à la traduction mais en restant compréhensible tant au public sourd qu’au public entendant, et, d’autre part, de réactualiser l’histoire des Sourds depuis le Congrès de Milan.

Le travail vise à l’élaboration collective d’une pièce pour trois comédiens sourds et trois comédiens entendants : nous exploiterons notamment au plan théâtral cette confrontation sur la scène de deux langues, et donc de deux univers, qui n’est possible que parce que l’une des deux langues est visuelle et l’autre orale. Cette confrontation aboutit concrètement à l’élaboration d’une « double scène » intrinsèquement intéressante au plan dramatique, avec un potentiel inédit, par exemple, de quiproquos aussi bien comiques que tragiques.

Ne pouvant contrôler le travail vocal des comédiens entendants, Emmanuelle Laborit travaille en collaboration avec une assistante à la mise en scène, Estelle Savasta (jeune metteur en scène qui a déjà fait une création bilingue LSF / français Le Grand Cahier, présenté à IVT en 2007) qui permet la cohérence entre le jeu des comédiens sourds et celui ces comédiens entendants. Emmanuelle Laborit dirige bien sûr les comédiens entendants sur leur jeu corporel et expressif comme les comédiens sourds.

Haut de page

  • Note d'intention

Epurer.
Puis accepter, parce que cela fait sens, que le temps d’une scène tout soit trop.
Trop grand, trop fort.
Baroque peut-être.
Fuir le réalisme et traquer le pathos.
Chercher la distance des personnages qui s’épanchent.
Epaissir, avec le clown qui s’y cache, les personnages volontairement étriqués.
Sortir l’interprète du réalisme troublant de son personnage.
Chercher sa place dans l’espace comme on chercherait celle d’un troublion ou d’une fée.
Que de langue des signes au français elle chuchote ses traductions comme des secrets.
Que ses mots nous parviennent d’ailleurs que du plateau.
Comme à nous aussi chuchotés.
Trouver la distance qui laisserait toute la place aux personnages qu’elle traduit.
Jouer des confusions et des impossibles.
Créer un espace qui permette de laisser imaginer une maison, son immensité et ses labyrinthes mais s’éloigner à toute hâte du naturalisme.
Jouer des hauteurs et des niveaux pour que cet espace devienne ludique.
Jouer aussi des proportions et des disproportions.
Ouvrir une alcôve onirique.
Exprimer l’éducation bourgeoise des uns et la rupture avec celle-ci des autres ailleurs que dans des contrastes classiques.
Chercher le détail qui décale la convention.
Que le costume soit poétique. Simple mais théâtral.
Fuir l’illustration sonore pour trouver des sons organiques.
Etre à l’écoute des silences et des sons des partitions signées.
Chercher la palpitation des coeurs dans des clés des saxophones.
Explorer les vibrations des voix perceptibles au public sourd.
Faire de la traversée une expérience.

Emmanuelle Laborit & Estelle Savasta

Haut de page

  • Note du scénographe

L’espace dans lequel se déroule cette histoire est un intérieur de maison bourgeoise.Il répond aux exigences suivantes qui sont la possibilité d’entrer, de sortir et surtout d’imaginer les autres lieux qui constituent cette demeure. Il s’agit donc d’évoquer une grande bâtisse avec ses diverses possibilités de circulation sans entrer dans le naturalisme.La symétrie de cet espace doit servir ce point.

Mon travail se concentre sur le hors champ et la possibilité de laisser l’imaginaire du spectateur fabriquer les autres pièces, les chambres, le grenier, la cuisine, le parc ou des lieux plus imaginaires sans les situer précisément.Cet espace doit conserver une forme d’abstraction architecturée et offrir différents niveaux de jeu afin de privilégier la vision des scènes de groupe signées et parlées. La finalité est d’oublier la cage de scène du théâtre pour faire plonger le spectateur dans cette histoire de famille.

Eric Soyer

Haut de page

  • Dates clés de l’Histoire des sourds en France

1712-1789 Abbé de l’épée : les gestes expriment la pensée humaine, comme une langue orale. Invention des signes méthodiques dans le but d’enseigner le français écrit aux enfants sourds. Il s’agit d’un mélange de gestes naturels pratiqués par les enfants et de signes artificiels de sa propre invention, permettant de calquer la grammaire gestuelle sur la grammaire du français (article, genre, temps ...).
1791 L’assemblée nationale promulgue une loi permettant aux sourds de bénéficier des Droits de l’Homme
1880 Congrès international de Milan : Interdiction totale de la LSF dans l’éducation des enfants sourds.
1968 Droit à la parole donné aux minorités linguistiques
1975 Journal TV hebdomadaire traduit en LSF sur Antenne 2
1991 Loi «Fabius» autorisant le choix de la langue pour l’éducation des enfants sourds
1993 Emmanuelle Laborit reçoit le Molière pour la pièce Les Enfants du silence
1994 L’oeil et la main, 1ère émission TV en LSF et en français par et pour les sourds, sur la 5ème chaîne éducative
1995 Le comité d’éthique se prononce en faveur de l’apprentissage de la LSF en cas d’implants cochléaires sur les jeunes enfants
2000 Modification du code de procédure pénale, mentionnant l’obligation d’avoir recours à des interprètes en Langue des Signes lorsque des personnes sourdes sont convoquées en justice
2002 Publication du Premier référentiel de l’Education Nationale sur la LSF
2005 Reconnaissance officielle de la LSF

Haut de page

Vous avez vu ce spectacle ? Quel est votre avis ?

Note

Excellent

Très bon

Bon

Pas mal

Peut mieux faire

Ce champ est obligatoire
Ce champ est obligatoire

Vous pouvez consulter notre politique de modération

Informations pratiques

Théâtre IVT - International Visual Theatre

7, cité Chaptal 75009 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Pigalle
  • Métro : Blanche à 273 m, Pigalle à 312 m
  • Bus : Blanche - Calais à 124 m, Blanche à 215 m, Liège à 325 m, Pigalle à 330 m
Calcul d'itinéraires avec Apple Plan et Google Maps

Plan d’accès

Théâtre IVT - International Visual Theatre
7, cité Chaptal 75009 Paris
Spectacle terminé depuis le dimanche 4 mars 2012

Pourraient aussi vous intéresser

- 27%
Eva Rami - Va aimer !

Pépinière Théâtre

Exit

Ferme du Buisson

4211km

Studio Marigny

- 51%
Nos années parallèles

Théâtre des Mathurins

Spectacle terminé depuis le dimanche 4 mars 2012