Un homme et une femme. Un banc public puis une chambre d’hôtel. Se connaissent-ils ? Qui sont-ils ? Sont-ils bien réels ?
L’intense écriture minimaliste de Jon Fosse révèle les pensées intimes et les tensions qui assaillent ce duo de solitudes, profondément humain. Pour transcrire cette autre dimension dans laquelle s’engouffre le couple, Émilie-Anna Maillet imagine un croisement subtil des langages : les mots et la magie nouvelle confondent peu à peu le réel et l’illusion dans une insolite danse se jouant de nos perceptions et de notre imaginaire.
C’est apparemment l’histoire d’une rencontre d’un homme et d’une femme aux vies presque opposés. Deux êtres en crise qui vont se trouver, peut-être pour mieux se perdre, peut-être pour être vivants. Ils sont dans un de ces temps d’arrêts, de vide où les actes paraissent inconséquents. Jon Fosse parle de nos glissements hors du monde, de nos disparitions du réel. Ce sont ces sensations de vertiges, de confusion, de doute sur notre matière même et notre matière même et notre réalité qui m’ont conduite à la Magie Nouvelle. Elle nous permet de provoquer aux spectateurs les sensations qu’éprouvent les personnages.
Le travail sur le texte est l’origine de tout. La précision que demande Fosse, ses silences qui sont comme des « gouffres » abrupts, l’humour étrange qui s’en dégage, sont pour moi la structure osseuse du projet.
La magie nouvelle permet de rendre visible l’invisible, de créer le doute, de dépasser le domaine visuel pour s’adresser aux autres sens. Les personnages disparaissent progressivement du réel jusqu’à vouloir partir dans l’ailleurs improbable, se désincarner, se « dépersonnaliser ». Des hologrammes, présences perdues dans l’espace à la matière fantômatique, mettent en doute leur réalité.
Et la parole jaillit brusquement, vivante, concrète et dérisoire.
Émilie-Anna Maillet
16, rue Georgette Agutte 75018 Paris