Spectacle en arabe surtitré en français.
"Comme Nancy aurait souhaité que tout ceci ne fût qu’un poisson d’avril"
« Moi, je mens beaucoup. J’adore mentir. Parce que mentir est la seule chose qui me permet d’être diférent de l’animal. Les parents interdisent à leurs enfants de mentir. Ils les élèvent pour devenir francs, honnêtes, “domestiques “. Des animaux domestiques dans la société. »
Ce court extrait d’un texte écrit en 2002 en dit long sur la manière dont Rabih Mroué, jeune auteur, acteur et metteur en scène libanais, appréhende la vie et le théâtre. Talentueux adepte du mentir-vrai cher à Aragon, Rabih Mroué situe le mensonge - un mensonge éminemment romanesque - au cœur de ses créations. Il y noue des intrigues dans lesquelles réalité et fiction se (con)fondent, communiquant ainsi au spectateur un trouble qui ne cesse de croître au fur et à mesure de la représentation.
Rabih Mroué travaille en étroite complicité avec Lina Saneh, tous deux ayant suivi à Beyrouth - où ils sont nés, respectivement en 1967 et 1966 - le cursus théâtral de l’université libanaise. Maniant l’irrévérence et les faux-semblants avec une même agilité, ils façonnent, ensemble ou séparément, des dispositifs scéniques - au confluent du théâtre, du documentaire (ou documenteur…) et de la performance - dont l’inventivité n’a d’égale que l’acuité. Inutile de préciser que leur audacieuse liberté de ton, n’épargnant rien ni personne, n’est pas du goût de tout le monde au Liban…
Dernier spectacle en date issu de l’imagination fertile de Rabih Mroué, How Nancy wished that everything was an april fool’s joke propulse quatre personnages - qui, sans interruption, meurent puis renaissent pour reprendre le combat - dans un maelström d’affrontements fratricides et, au moyen d’une noire ironie, rend saillante toute l’absurdité des conflits qui n’en finissent pas de déchirer le Proche et le Moyen-Orient.
«Depuis le début de la guerre civile en 1975 jusqu'à aujourd'hui, les murs du Liban se sont couverts d'affiches montrant les visages des combattants et des dirigeants politiques tués. Récemment, avec la série d'assassinats commencée en 2005, ces images ont resurgi au point qu'il est difficile de les éviter. Nous regardons ces visages suspendus et ces visages suspendus nous regardent, où que vous soyez la rencontre est certaine.
Les morts ici ne partent pas ou plus exactement les habitants de la ville ne permettent pas aux assassinés de partir et ils les enterrent chez eux. Les royaumes des vivants et des morts se mêlent. Le cimetière est dans la maison et le cercueil est ouvert. Les morts remplissent le temps et l'espace de leurs allers et venues. Ils ont commencé à vivre en nous. Bashir Gemayel vit en nous, et Kamal Jumblatt et Rafik Hariri et Iman al Sadr et tous les combattants de la résistance nationale, islamique, libanaise, arabe...
Chaque mort tué ou assassiné continue à vivre dans sa communauté. Et les communautés parlent à la place de leurs morts. Nous ne pouvons plus distinguer les morts des vivants... Les morts ne meurent pas parce que les vivants ne sont pas encore prêts à supporter de vivre sans père, même si ce père est un cadavre ».
Ce sont les mots de Rabih Mroué sur la constante présence des visages des morts qui lui a inspiré le spectacle qu'il nous propose. Quatre personnages, quatre combattants qui vont tour à tour mourir et renaître en traversant l'histoire du Liban de 1975 à aujourd'hui. Ils sont assis sur un canapé de salon banal, au-dessus d'eux des écrans sur lesquels seront projetés les visages des combattants et des hommes d'État assassinés tandis que par leurs voix se déroule la tragédie du Liban déchiré.
17, boulevard Jourdan 75014 Paris