« Quand on accepte de l’argent de quelqu’un, c’est toujours que l’on a vendu quelque chose. »
Le Mépris est l’histoire du renoncement d’un auteur à ses ambitions théâtrales et des répercussions de ce renoncement dans sa vie amoureuse. Le film de Godard se termine avec ces mots de Paul qui se rend sur le tournage pour annoncer à Fritz Lang qu’il ne va finalement pas faire le film : « Qu’est-ce que vous allez faire ? » lui demande le réalisateur. « Finir ma pièce de théâtre, il faut toujours terminer qu’est-ce qu’on a commencé ». C’est peut-être de cette pièce-là qu’il s’agit.
Il faut imaginer une figure géométrique. Il y a d’un côté la littérature et Moravia, de l’autre le cinéma et Jean-Luc Godard. Nous sommes, en quelque sorte, sur le troisième côté du triangle : au théâtre.
Au centre de cet espace triangulaire il y a L’Odyssée d’Homère. Nous proposons une définition possible de ce qui distingue le théâtre de la littérature et du cinéma, en posant le postulat suivant : le théâtre c’est ce qui ne peut pas se reproduire.
Librement inspiré des oeuvres d’Alberto Moravia, Jean-Luc Godard, Homère, Dante, Hölderlin, Pétrarque.
« Nicolas Liautard, directeur artistique de La Scène Watteau, parvient à construire une œuvre captivante, une sorte de chambre d’échos qui questionne personnages et spectateurs avec acuité et humour. » La Terrasse
« La mise en scène est brillante, et le travail d’érudition ne s’oppose en rien à la clarté du propos. » Le Souffleur
« Cette création constitue un événement qu’il convient de ne pas manquer ! » www.theatres.com
« [ La réalisation ] invite, dans un rapport de proximité, les spectateurs à intégrer une forme de création en cours. » Webthea
« Il faut toujours terminer qu’est-ce qu’on a commencé » est une phrase prononcée par Fritz Lang jouant son propre rôle dans le film de Jean-Luc Godard Le mépris.
C’est en relisant le roman d’Alberto Moravia et en mesurant la distance considérable à laquelle Godard situait son film par rapport à ce dernier que m’est venu la première envie d’un travail qui prend forme aujourd’hui et qui s’intitule « Il faut toujours terminer qu’est-ce qu’on a commencé ». Mais pas exactement, ou pas uniquement. Il faut dire aussi que mon histoire personnelle m’avait fait renoncer à une commande du Festival de Salzburg en août 2012, à une semaine de la première, parce que je refusais que des modifications demandées par le directeur du festival soient apportées à la mise en scène que l’on m’avait confiée. Je travaillais alors sur « Le mépris » (roman et film) et ce hasard m’a éclairé. Je comprenais les enjeux de ma situation autrichienne. Je comprenais toute l’ambiguïté de l’économie dans l’art, le danger qu’il y a à accepter de l’argent en échange de… de quoi exactement ? Quand on accepte de l’argent de quelqu’un c’est toujours que l’on a vendu quelque chose. Et quand ce quelque chose n’est pas définissable clairement c’est sans doute que l’on a vendu quelque chose d’une valeur bien plus grande que l’argent. J’ai refusé l’argent.
C’était l’erreur de Riccardo/Paul. Cet homme dont la vocation est le théâtre, mais qui n’écrit pas de théâtre. Qui accepte (provisoirement dit-il) un travail de commande pour le cinéma, dans le but de rembourser un crédit et qui, comme l’Ulysse d’Homère (ou de Dante) ne rentre pas directement chez lui mais s’attarde, fait des détours, tergiverse, remet à plus tard. La première méprise était méprise de soi. Chez lui, c’était Ithaque mais c’était aussi le théâtre.
Tiens, c’est curieux ! Lorsque Fritz Lang, dans le film de Godard, prononce cette réplique fameuse « Il faut toujours… », il est justement en train de filmer Ulysse qui aperçoit Ithaque au loin, et Piccoli/Paul de lui annoncer son abandon du projet et sa décision d’écrire enfin sa pièce de théâtre. Pour comprendre la leçon, il avait fallu qu’il perde son amour. Sa première méprise avait transpiré chez sa femme qui s’était mise à le mépriser à son tour car en effet, il était devenu méprisable. Elle avait compris, elle, bien avant lui, que la vie dans l’art et la vie amoureuse ne sont pas étanches, qu’il y avait des circulations, des contaminations de l’une à l’autre. Se trahir en art c’était se trahir en amour.
Nicolas Liautard
Place du théâtre (quartier de la Mairie) 94130 Nogent-sur-Marne
Voiture : Autoroute A4, au niveau de la Porte de Bercy en venant de Paris, prendre la sortie n° 5 “Nogent-sur-Marne”, rester sur la voie de gauche.