Ismaël est laveur de cadavre. Et pour lui, aujourd’hui est un jour particulier. Aujourd’hui, il va préparer le corps d’Abou Saïd, son oncle, son bourreau familier. Aujourd’hui il va solder ses comptes et conter son histoire.
Et s’il en est là aujourd’hui, Ismaël, à laver la peau des morts, à boucher leurs orifices intimes, à creuser des tombes, à vivre dans une petite maison au milieu du cimetière de Damas, c’est bien la faute d’Abou Saïd. Et s’il a perdu la femme qu’il aimait, Ismaël, et s’il vit avec une femme laide et muette, c’est aussi la faute d’Abou Saïd. Il est si pauvre, Ismaël, et ça encore, c’est la faute d’Abou Saïd. Parce que sa vie, au fond, est celle qu’Abou Saïd a voulu pour lui.
Mais cette histoire n’en rappelle-t-elle pas une autre ? Abou Saïd indirectement responsable de la mort du père d’Ismaël, son propre frère. Abou Saïd, qui désire la mère d’Ismaël et qui finit par l’épouser. Les visions d’Ismaël, quand il croit voir et entendre le fantôme de son père dans les vapeurs du hammam ? Et la fiancée d’Ismaël, la belle Saadia qui se perd dans une folie matrimoniale. Tout ceci ne rappelle-t-il rien ?
Seul Fawaz, le jeune poète, le seul ami d’Ismaël va faire la relation entre Ismaël et Hamlet. Mais Fawaz va se suicider sans vraiment l’expliquer à Ismaël. Au fond à quoi bon ?
Saadia va épouser Abou Saïd. Ismaël va laver des cadavres. Et la vie continuera, le dépouillant, jour après jour, de toutes ses grandes ambitions de petit homme. Jour après jour. Jusqu’à aujourd’hui. Le jour de la revanche.
Adaptation de Christian Siméon.
Par la compagnie Macqueron-Djaoui.
16, rue Georgette Agutte 75018 Paris