Ivanov (1942-1999)

Paris 19e
du 6 janvier au 5 février 2000

Ivanov (1942-1999)

CLASSIQUE Terminé

C’est l’histoire d’une troupe qui répète Ivanov, en France, sous l’occupation allemande.C’est l’histoire d’un homme caché sous son théâtre, qui ne vit plus que des mots entendus par le conduit de la chaudière, et du visage de sa femme.

Les Danois firent tout autrement
Ivanov (1942/1999)

C’est l’histoire d’une troupe qui répète Ivanov, en France, sous l’occupation allemande.C’est l’histoire d’un homme caché sous son théâtre, qui ne vit plus que des mots entendus par le conduit de la chaudière, et du visage de sa femme. C’est l’histoire d’une communauté imaginée par Tchekhov en 1887. Caché dans sa propre maison, un homme - Ivanov -, ne sait plus comment vivre. Porteur il y a deux ou trois ans des espoirs les plus fous, son dos est brisé, il ne sait plus aimer, il ne comprend plus rien.

Ce qui court entre ces trois mondes est fait de beaucoup de silences.L’histoire de l’antisémitisme rend ce siècle opaque et sombre. La disparition d’Anna Petrovna dans la pièce de Tchekhov est l’écho d’autres absences. Treize personnages, treize visions du monde, qui rappellent la phrase de Jean Renoir en 1939 : Ce qu’il y a de terrible dans ce monde, c’est que tout le monde a ses raisons. Pourquoi - en ce cas - ni l’oeuvre de Truffaut ni l’oeuvre de Tchekhov ne sont-elles seulement désespérées ? On ne sait pas. Peut-être s’y promène-t-il un amour peu commun de ce qui brille, de ce qui vit, de ce qui clignote dans les yeux. C’est l’enfance qui l’emporte, on espère.

Claire Lasne
Octobre 1999

"Ce spectacle est dédié à mes parents"

Le texte de la première partie (1942) est tiré du film de François Truffaut Le dernier métro.

Les Danois firent tout autrement

" L’Italie et la Bulgarie s’arrangeaient pour saboter les ordres des Allemands et jouaient un double jeu de dupes extrêmement subtil. Ces pays sauvèrent leurs Juifs par de véritables tours de force, avec une ingéniosité inouïe ; mais ils n’ont jamais contesté la politique nazie elle-même. Les Danois firent tout autrement. Quand les Allemands abordèrent avec précaution le sujet de l’étoile jaune, ils répondirent simplement que le roi serait le premier à la porter. Les hauts fonctionnaires danois firent savoir que toute espèce de mesure prise à l’encontre des Juifs les obligerait à démissionner. (...) Ainsi les nazis durent renoncer aux préliminaires dont une bureaucratie du meurtre ne peut se passer, et remettre les opérations à l’automne 1943. C’est alors que les choses prirent un tour stupéfiant. Au Danemark, tout étant sens dessus dessous. C’était, pensait Himmler, le moment de s’attaquer au problème juif, dont la solution attendait depuis bien trop longtemps. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que, la résistance danoise mise à part, les responsables allemands qui habitaient le Danemark depuis des années n’étaient plus les mêmes ! (...)

Le plénipotentiaire du Reich, Werner Best, se rendit à Berlin et obtint la promesse que tous les Juifs du Danemark, quelle que fût leur catégorie, seraient déportés à Theresienstadt. Du point de vue nazi, c’était là une concession de taille. L’on décida que les Juifs seraient capturés et aussitôt évacués, dans la nuit du 1er octobre. Dans le port, les bateaux étaient prêts. Comme on ne pouvait compter ni sur les Danois, ni sur les Juifs, ni sur les troupes allemandes affectées au Danemark, il fallut importer des unités de police d’Allemagne pour procéder à la recherche de Juifs, maison par maison. Au dernier moment, Best informa ces policiers qu’ils n’avaient pas le droit de défoncer les portes, parce que la police danoise pourrait alors intervenir. Or, les deux polices ne devaient pas s’affronter. Les policiers allemands ne pourraient donc capturer que les Juifs qui les laisseraient entrer de leur plein gré. Sur un total de plus de sept mille huit cents Juifs, la police allemande trouva très exactement quatre cent soixante-dix-sept personnes chez elles et prêtes à ouvrir leur porte. C’est que quelques jours avant la date fatidique, un agent de transport allemand, Georg F. Duckwitz, probablement renseigné par Best lui-même, avait révélé tous les projets allemands à des fonctionnaires danois qui, à leur tour, communiquèrent en toute hâte cette information aux responsables de la communauté juive. (...)

Ces derniers répandirent la nouvelle dans les synagogues à l’occasion de l’office du nouvel an. Les Juifs eurent tout juste le temps de quitter leur appartement et d’aller se cacher, ce qui, au Danemark était extrêmement facile car, selon les termes employés dans le jugement, toutes les couches de la population danoise, depuis le roi jusqu’au simple citoyen, étaient prêtes à les recevoir.

Ils seraient peut-être restés dans leurs cachettes jusqu’à la fin de la guerre si les Danois n’avaient pas eu la Suède pour voisine. Il semblait raisonnable d’envoyer les Juifs en Suède - ce qui fut fait, avec l’aide des bateaux de pêche danois. De riches citoyens danois payèrent le voyage (500 F environ) à ceux qui n’en avaient pas les moyens. C’était peut-être là le plus ahurissant de tout : partout ailleurs à cette époque, les Juifs payaient leur propre déportation, et les Juifs aisés déboursaient une fortune pour obtenir des visas de sortie. (...) Même là où les Juifs rencontraient une réelle sympathie, et où les gens étaient prêts à les aider, ils devaient toujours payer cette aide ; et les Juifs pauvres n’avaient aucune chance d’échapper au massacre. (...)

Politiquement et psychologiquement, l’aspect le plus intéressant de cet incident est le comportement des autorités allemandes affectées au Danemark. Il est évident qu’elles ont saboté les ordres de Berlin. Autant que nous sachions, c’est l’unique occasion qu’eurent les nazis d’apprécier la résistance déclarée des populations indigènes. Et il semble que ceux des nazis qui l’ont constatée aient simplement changé d’avis ; qu’eux-mêmes en soient venus à croire que l’extermination d’un peuple entier n’allait pas de soi. "

Hannah Arendt Eichmann à Jérusalem,
"Rapport sur la banalité du mal"
Editions Gallimard


Ivanov (1942/1999)

Dans Ivanov les fenêtres ne cessent de s’ouvrir et de se fermer. Quelqu’un l’a laissée ouverte. Un autre l’a refermée. On va attraper froid. On étouffe. Quel est cet air si dangereux pour certains, si vital pour d’autres, qui circule au dehors et que l’on désire à mesure qu’on le craint ? Ivanov meurt d’un courant d’air, d’une ouverture trop brutale et presque grotesque sur la jeunesse. Sacha ouvrant les volets fait certes dispara"tre l’odeur de mort, laisse entrer la lumière et le mouvement, mais d’un geste aveugle précipite l’homme qu’elle croit sauver dans une exposition qu’il ne peut supporter, et le tue.

La rage de contenir l’autre ou de s’en débarrasser conduisent à un meurtre, celui d’Anna, et un enterrement, le jour du mariage de Sacha. Loin d’être un traité du désespoir, Ivanov est l’entrée dans un autre âge, où l’intuition d’une harmonie possible avec le mouvement de la vie - qui prendra forme dans La Cerisaie - a commencé d’exister, mais où l’impatience l’emporte sur les possibilités d’abandon.

Les fenêtres ouvertes sur le jardin se sont mises en action mais les arbres en fruits ou en fleurs n’ont pas encore envahi l’espace humain au point de lui restituer son enfance. L’acceptation de la perte irrémédiable qui accompagne nos pas n’a pas encore trouvé sa force, et tels de petits insectes les figures humaines continuent de s’agiter en vain. Pourtant l’irrigation a commencé. Dans la rivière de son nouveau départ, Ivanov aperçoit dans la glace des cheveux blancs. Les cheveux blanchis sur les tempes de Platonov dans la nuit de la mort de son père ont pour Ivanov la couleur du sang. L’océan devient rouge sous les mains de Macbeth, ici le monde entier dans la nuit à l’idée qu’un jour on a promis, et que l’on a pourtant cessé d’aimer.

Cette vieillesse prématurée d’Ivanov est le contraire d’une maturité, le délabrement indique seulement le gouffre creusé entre lui et lui, le désaccord de ce dialogue qui le conduit, à l’image de Franz Kafka, à ne plus s’adresser la parole. Ni Sacha ni Anna n’échappent au comique de cette conversation impossible, l’une réclamant la parole donnée et l’autre une santé illusoire. Aucun ne trace son chemin dans cette impuissance à intégrer la fin de toute chose sans en faire un plat, aucun n’arrive finalement à ouvrir la fenêtre. Seul Tchekhov promène son inquiétude en la transformant, fait de l’écriture un artisanat du devenir, l’invention d’un vent nouveau qui circulerait librement entre les êtres. Dans un mouvement presque inverse de Platonov, l’espace qui passe du confiné à l’ouvert, de la maison au jardin des noces, n’empêche pas Ivanov de couler à pic, mais sa mort laisse place à un autre : L’Homme des bois, troisième pièce d’Anton Tchekhov, dont le nom seul annonce le travail d’un être à reconquérir sa sauvagerie.

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