Jacques Stephen Alexis par Armand Gatti

Paris 19e
le 16 juin 2004

Jacques Stephen Alexis par Armand Gatti

Avec Le dit de la fleur d’or, lecture musicale par Hélène Chatelain et La sauterelle bleue, adaptation d’une nouvelle par Armand Gatti, lue par lui-même. Qu’en est-il d’une écriture dont l’issue incontournable, est la mort violente de son auteur ? Qu’en est-il des mots qui inventent des actes, qui inventent des mots ?

Un poète assassiné
Jacques Stephen Alexis

Avec Le dit de la fleur d’or, lecture musicale par Hélène Chatelain et La sauterelle bleue, adaptation d’une nouvelle par Armand Gatti, lue par lui-même (1)

« C’est d’abord une histoire d’orthographe et de grammaire, puis tu te prends au jeu et cela te conduit au maquis. » D’emblée, le ton est donné. Dramaturge, poète, mais surtout homme d’action, Armand Gatti a une conception pragmatique du langage. Loin des fioritures rhétoriques, Gatti use de la langue comme d’une arme. Son œuvre, dont on a pu dire qu’elle était le « poème du siècle » est une interrogation constante - par tous les moyens (poésie, théâtre, écriture collective, cinéma, etc.) - sur les possibilités qui s’offrent à l’homme de devenir plus grand que l’homme. Son engagement dans l’Histoire est un moyen de combattre âprement tous les clichés et déterminismes qui pèsent sur l’homme. La nécessité, l’engagement, l’urgence sont en effet inscrits en permanence dans les mots mêmes de celui qui écrit pour changer le passé.

Gatti ne cherche pas à décrire le passé - il ne fait pas œuvre d’historien - mais à le changer - démarche poétique. D’où la présence bouleversante dans toute son œuvre de ceux qui sont morts et à qui Gatti offre la possibilité, le temps de l’écriture et de la représentation, de vivre les multiples existences dont ils ont été porteurs.

C’est avec cette démarche qu’installé à Toulouse dans les années 80, à l’atelier de création populaire l’Archéoptéryx, Armand Gatti lance un cycle sur les poètes assassinés. Dans un lieu où cohabitent et dialoguent la sérigraphie, la vidéo, le théâtre, la peinture et la musique, une interrogation, déjà passée de mode, surgit : qu’en est-il d’une écriture dont l’issue incontournable, est la mort violente de son auteur ? Qu’en est-il des mots qui inventent des actes, qui inventent des mots ?

Jacques Stephen Alexis fut l’un des poètes de cette aventure. De multiples images furent au rendez-vous : celle du romancier qui cherchait à ce que réalisme et merveilleux s’ensemencent mutuellement, celle du fondateur du Parti de l’entente populaire (communiste), celle de l’assassiné en 1961 par les Tontons Macoutes, dernier chapitre de son œuvre d’écrivain où signe tragique du combat politique qui eut raison ( ?) de son invention de romancier ? A toutes ces questions le conteur décida de faire face en affirmant que « le voyage vers la lune de la belle amour humaine » (2) est fait de tout cela.

C’est de cette histoire-là que le 16 juin Hélène Chatelain et Armand Gatti parleront.

(1) A Toulouse, Armand Gatti prit le nom d’Hyppolite Noceur pour signer cette adaptation.
(2) Titre du livre édité à Toulouse par l’atelier de création populaire où Michel Séonnet raconte la vie et le destin tragique du « Compère solaire », écrivain et militant. 

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Jacques Stephen Alexis est né en 1922 aux Gonaïves (Haïti). C’est un descendant de Jean-Jacques Dessalines, fondateur, le 1er janvier 1804, de l’indépendance d’Haïti, première république noire. Après des études en Europe (où son père est nommé à un poste diplomatique), il s’inscrit en 1940, à la Faculté de Médecine de Port-au-Prince.

A dix-huit ans, Jacques Stephen Alexis fait un début remarqué avec un essai sur le poète haïtien Hamilton Garoute et milite activement dans les organisations étudiantes qui luttent pour le renversement du gouvernement d’Elie Lescot. Il collabore à différentes revues littéraires, puis fonde La Ruche. Ce groupe se fixe pour mission un printemps littéraire et social.

Il publie alors ses fameuses chroniques Lettres aux hommes vieux qui remuent profondément l’opinion jusqu’à la révolution de 1946 qui provoque la chute du président Lescot. Jacques Stephen Alexis et René Depestre, leaders étudiants de cette révolution sont éloignés du pays.

Alexis poursuit alors ses études de médecine en France et présente au 1er Congrès des écrivains et artistes noirs, en 1956 à La Sorbonne, une conférence remarquée sur ce qu’il intitule « Le réalisme merveilleux des Haïtiens ».

En 1955, de retour en Haïti, son roman Le Compère Général Soleil le révèle à la fois comme un grand poète et grand écrivain. D’autres romans suivront : Les Arbres musiciens (1957), L’Espace d’un cillement (1959) et un recueil de contes et nouvelles Romancero aux étoiles (1960).

Pendant ce même temps, il fait le va-et-vient entre Haïti et l’étranger (Union Soviétique, Chine…). En 1961, Jacques Stephen Alexis, alors fondateur et leader du Parti d’Entente Populaire, tente de rentrer de Cuba en Haïti pour organiser la lutte contre François Duvalier. Il est attendu à son débarquement, capturé, torturé, porté disparu et probablement assassiné sans qu’on n’ait jamais pu rassembler avec certitude les circonstances de sa mort à 39 ans.

La « carrière » fulgurante de Jacques Stephen Alexis est marquée par une grande rigueur de pensée et un désir total de se dévouer à la défense et à l’illustration d’Haïti. Il ne se voulait pas artiste haïtien de manière chauvine. Haïti représentait les peuples de culture négro-africaine et même davantage encore : ce monde qualifié de tiers, de sous-développé et de retardé, où la vie mérite plus que partout ailleurs d’être défendue, louée, exaltée et chantée afin d’être transformée.

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Spectacle terminé depuis le mercredi 16 juin 2004

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