« J’aspire à un art difficile et populaire… Nous travaillons pour l’incertain, la beauté, le mystère… » Fabrice Melquiot
Sarajevo traversée par la rivière Miljacka. Le pont de Vrbana ne relie plus la ville serbe et la ville bosniaque. Après une guerre, au milieu des ruines, depuis les collines jusqu'au cœur de la ville, une journée de plus dans la vie des « kids » (dont le titre fait échos au « Kid » de Charlie Chaplin). Cinq garçons et sept filles, tous orphelins, compagnons d'infortune, avec pour seul objectif : survivre.
Kids parle de mort, de guerre, de destruction, mais aussi de force de vie, de l’appétit de vivre des enfants qui savent encore jouer, qui jouent malgré tout. Plus forte que la mort, la vie continue avec ses coups de gueule, ses rêves, ses amours, ses chansons, ses distractions, ses joies. Dans une mise en scène dénuée de tout pathos, de jeunes artistes ont travaillé à la nouvelle création de Gilles Bouillon, engageant une équipe à la jeunesse revendiquée comme atout.
Ils ont entre 13 et 18 ans. Encore des enfants et déjà des adultes, enfants privés d’enfance par la lutte pour vivre coûte que coûte et par le manque d’amour, trop vite vieillis, brûlés… Dans leur regard glissent et se superposent les images du temps de la guerre, celles presque effacées du temps d’avant la guerre. En même temps ils habitent totalement le présent, le temps de l’enfance. Comment continuer à vivre dans la paix quand, autonomes par force, réduits aux réflexes de l’instinct de survie, ils n’ont appris qu’à voler pour ne pas mourir de faim, à courir pour échapper aux tirs des snipers ? Comment oublier d’où on vient, ces blessures dans la mémoire qui ne cicatriseront jamais ? Comment quitter Sarajevo ?
Kids parle de mort, de guerre, de destruction, mais aussi de force de vie, d’appétit de vivre, d’enfants qui jouent malgré tout, qui savent encore jouer. Plus forte que la mort, leur vie continue, avec ses coups de gueule, ses rêves, ses amours, ses chansons, ses joies, ses jeux. Les ruines et les trous d’obus sont leur terrain de jeu. Les Kids de Sarajevo (et le titre de la pièce fait aussi penser au film de Chaplin !), jouent avec les objets de la guerre : un vieux sac est une armure, un révolver pour jouer aux cow-boys et aux indiens, des bandelettes ensanglantées et voilà une momie de film d’horreur, une cape noire et c’est Dracula. Les balles traçantes, au plus fort des bombardements, deviennent spectacle de feu d’artifice. Et pour conquérir l’occident comme un Eldorado, ils apprennent l’anglais dans les chansons des Beatles et inventent « le jeu des orphelins de guerre », théâtre brut, faisant feu de tout bois, aux solutions bouleversantes de poésie dans leur précarité.
Dans un style nerveux, lapidaire, emporté, elliptique, un lyrisme sec, Kids réussit à évoquer sans pathos un pays détruit par la guerre, une situation à la fois terriblement précise (le siège de Sarajevo) et de portée universelle (cette guerre qui concerne toute l’Europe, toutes les guerres et toutes les haines raciales, ethniques, religieuses d’aujourd’hui), à travers la vie de jeunes adolescents, huit trajectoires fulgurantes. Huit partitions pour huit jeunes acteurs. Fabrice Melquiot nous invite à un jeu de théâtre qui parle de la guerre et de ses atrocités, de la vie et de la mort, de l’amour et de la haine, de l’enfance et de l’avenir. Un théâtre à la recherche des réussites poétiques de l’enfance. Un théâtre en prise directe sur le public, dans une grande proximité avec les spectateurs, sans misérabilisme, sans complaisance.
Gilles Bouillon et Bernard pico, avril 2011
Kids c’est d’abord un coup de cœur pour la pièce de Fabrice Melquiot, pour la musicalité et la rythmique de son écriture, pour la façon tranchante qu’il a de s’emparer de la réalité de la guerre sans tomber dans un pathos facile, de la tenir à distance par la fiction, le chant et la théâtralité. Artistiquement, j’avais besoin, après Cyrano de Bergerac de revenir à une écriture contemporaine, aux défis et aux espaces de liberté qu’elle offre à la mise en scène et au jeu des acteurs. J’ai toujours considéré comme une force (et une joie !) du métier de metteur en scène, cette faculté de passer de Marivaux à Martin Crimp, de Rostand à Fabrice Melquiot, des classiques (qui le sont parce qu’ils continuent aujourd’hui à nous parler et faire signe) aux propositions du théâtre d’aujourd’hui. Enfin, à mon désir d’alterner l’aventure des productions avec une distribution nombreuse (l’émotion de voir saluer ensemble sur le plateau 17 comédiens !) et la concentration des formes plus resserrées, autour de la troupe du Centre Dramatique, Kids offrait huit beaux rôles à défendre, denses, consistants, pour les huit comédiens permanents du JTRC, déjà frottés aux feux de la rampe et aguerris par quelque cent vingt représentations de Cyrano, qu’ils ont servi (et continuent à le faire) avec énergie et talent.
Gilles Bouillon
« J'aspire toujours à un art difficile et populaire et me plais à me soumettre à la nuance, que l'art tout entier doit servir, loin des radicalismes obsolètes ou bornés, des prétentions militantes ou du message publicitaire. Nous travaillons pour l'incertain, pour la polysémie, l'ambiguïté, la beauté et le mystère. Alors, Kids rédige à sa façon son petit devoir d'espérance, une espérance à inventer, avec cette " vitalité désespérée " dont parlait Pasolini ».
Fabrice Melquiot
" [...] Le metteur en scène Gilles Bouillon a remarquablement mis en scène ce « jeu théâtral ». Il y a du rythme, de l'action, de l'émotion, de la tendresse, du rire, de la musique… C'est nerveux et vif, comme la jeunesse. Nous sommes pris dans un tourbillon. [...] " Le Pariscope
" Les jeunes comédiens s'en donnent à cœur joie avec un engagement physique très maîtrisé. Ils courent, montent et descendent à toute allure un mur de skate en un ballet rythmé avec énergie. Mais ils savent aussi dessiner des personnages très différenciés. Tous insufflent au texte une jeunesse jubilatoire. Gilles Bouillon signe avec eux un spectacle qui emporte et émeut. " Télérama
" [...] Enlevé, équilibré, parfaitement chorégraphié et redoutablement efficace, ce spectacle est une magnifique ode à la jeunesse que Gilles Bouillon orchestre de main de maître. " La Terrasse
" [...] Etonnant mélange de vocables bricolés qui semblent venir d’ailleurs et retrouvent dans leur meli-melo une poésie française. Etonnante perception des consciences et du subconscient que la mise en scène de Bouillon et les interpretes tous singuliers, traduisent dans leur climat trouble et tendre d’une nuit lumineuse. " Politis
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