Julie Duclos revient avec une « fresque des temps modernes » due au plus grand dramaturge suédois contemporain. Cela pourrait être un documentaire, mais métamorphosé par une langue à la fois poétique, triviale et redoutablement précise
Markus a 18 ans, comme Sofia, comme Roger. Maud et Martin ont passé la quarantaine. Il y a aussi Anders, Anne-Marie, Mohammed... Et l’infirmier Tomas, dont « on se demande dès le début s’il ne ferait pas plutôt partie des patients ». Pas de quoi rire ? Et pourtant, il arrive qu’elle nous fasse sourire, cette douzaine d’êtres en souffrance, d’ici ou d’ailleurs, qui n’auraient jamais dû se rencontrer. C’est absurde, mais la vie est faite ainsi. D’ailleurs, selon Julie Duclos, « à peu de choses près, nous y serions ».
Après un Pelléas et Mélisande trop vite interrompu par le premier confinement en mars 2020, la jeune metteuse en scène revient à l’Odéon avec une « fresque des temps modernes » due au plus grand dramaturge suédois contemporain. Cela pourrait être un documentaire, mais métamorphosé par une langue à la fois poétique, triviale et redoutablement précise – en matière de tourments psychiques, Norén savait de quoi il parlait. Selon Duclos, « la fixité de l’espace est le sujet même de la pièce. Les personnages peuvent en sortir, mais sont condamnés à s’y retrouver, et à tourner en rond, attendre. »
Comment vivre dans un tel cercle quand on est dépossédé de soi-même ? À l’écart de l’existence ordinaire, les personnages de Norén se parlent, se découvrent, agencent musicalement les fragments de leurs histoires blessées. Des images projetées sur les murs viennent parfois élargir leur espace. Tantôt vers le dehors, ouvrant des échappées vers « un éden ou une respiration. » Tantôt vers le dedans, mettant en avant un détail furtif, révélant une intimité, comme un photographe discret saisit une image au vol « pour attraper la poésie là où elle s’ignore. »
49 avenue Georges Clémenceau 92330 Sceaux