“ Tu es difficile. Caractériel, cynique, amer, gras, décadent, gâté. Tu restes au lit toute la journée et planté devant la télé toute la nuit, te traînes dans cette maison avec fracas les yeux bouffis de sommeil et sans pensée pour personne. Tu souffres. Je t'adore.”
Auteur, metteur en scène et comédienne, Sarah Kane (1971-1999) s'est donnée la mort, après avoir livré au patrimoine théâtral cinq pièces (Anéantis, L'Amour de Phèdre, Manque, Purifiés et 4.48 Psychose) considérés comme des apports majeurs au théâtre contemporain. On retrouve dans les pièces de Sarah Kane - et l'Amour de Phèdre n'y échappe pas - une théâtralité explosive, une poésie des ruines avec un fort impact émotif, un humour noir, de la perversion voire du sadisme. La chair est à vif, sans protection ; la violence, la souffrance sont nues ; finalement, la mort est inéluctable.
Influencée par Edward Bond et Howard Barker, elle est une dramaturge politique. Ses cinq pièces sont un cri de désespoir dont l'écriture fonctionne tout d'abord par des chocs visuels, pour évoluer vers une esthétique sonore et vocale. Les pièces de Sarah Kane sont exigeantes et imposent au spectateur un choix éthique. C'est un théâtre de l'expérience ultime, un théâtre où se posent les questions de la capacité du langage à dire, dans ce monde qui en a fini avec l'humanisme.
Hippolyte est un Prince dépressif et décadent, malgré l'amour que lui portent sa belle-mère et sa demi-soeur. Devant leur impuissance à le sauver, il est décidé à fuir l'hypocrisie du monde. Une pièce à l'humour noir et cinglant, qui porte un regard amer sur la société moderne.
Par la compagnie de l’Astre.
L’Amour de Phèdre est le résultat d’une demande du Gate Theatre de Londres à Sarah Kane. La pièce a été créée en mai 1996.
La recherche d’une honnêteté absolue de la part d’Hippolyte conduit Sarah Kane à le dépeindre comme un jeune homme manifestant des appétits grossiers dont il est prisonnier. La pièce analyse la complexité de la relation entre le bourreau et la victime, et l’altérité qui se dérobe, pour le meilleur et pour le pire.
Pour Sarah Kane, Hippolyte est un idéal : en étant toujours totalement et absolument
direct avec tout le monde, quelle qu’en soit l’issue, alors on ne commet aucune
tromperie à l’égard des autres et l’on se sent totalement et absolument compris.
Il s’agit d’un petit con qui maltraite à volonté les gens, mais au fil de la pièce, il devient
sympathique et presque respectable. Il est absolu et impitoyablement direct.
Il est maintenu en vie par son seul humour, qui l’empêche de désespérer et le rend
supportable aux autres.
L’Amour de Phèdre est également une démonstration violente, complaisante et insupportable de ce qu’il peut y avoir de pire dans une société qui dégénère : le laisser-aller de l’homme, où le sexe est perverti au nom de la liberté de détruire. Mais ce pourrissement, cette déchéance des valeurs humaines doivent être mis au service d’un autre projet, d’une dénonciation radicale. Une forme de civisme, une nécessité honnête et pleine de détresse.
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