Résumé
À propos de l'École des femmes, un entretien avec Éric Vigner
Pour en savoir plus sur L'école des femmes, par Jacques Lacan
Quelques extraits de presse
À la veille de ses noces avec la jeune Agnès (jeune fille qu'il a éduquée à l'écart du monde et selon ses principes pendant treize ans), Arnolphe, de retour chez lui après deux jours d'absence, rencontre le fils de son ami Oronte, Horace
Celui-ci lui apprend qu'il vient de rencontrer Agnès, qu'il l'aime et qu'il en est aimé.
Arnolphe, dont la passion est sans égale, va tout imaginer pour chasser Horace.
Mais le mariage entre Horace et Agnès est déjà conclu par les pères respectifs de ces deux enfants, et Arnolphe quittera la scène sans pouvoir prononcer une parole.
À propos de l'École des femmes, un entretien avec Éric Vigner
" Est-ce un enchantement, est-ce une illusion ? " L'École des femmes, acte V, scène 2
Éric Vigner : L'École des femmes est un projet qui repose sur l'amour. Je pense à ces deux vers d'Arnolphe, Acte I, scène 1 :
" Un air doux et posé, parmi d'autres enfants,
M'inspira de l'amour pour elle dès quatre ans. "
Tout commence là. Le moment initial, c'est l'amour.
Jean- Loup Rivière : La naissance de l'amour, c'est la naissance de l'amour pour un enfant.
E. V. : Arnolphe rencontre l'amour pour la première fois ce jour-là, il y a treize ans, dans la personne d'une petite fille élue parmi d'autres ; c'est sur ce sentiment inconnu à lui-même jusqu'alors, sur la puissance de cet événement-là, qu'il va construire, rêver une architecture, une ville, des lois, des règles, une école. C'est l'amour même qu'il rencontre. Le rêve d'Arnolphe est le projet d'un amour fou.
J. - L. R. : L'amour est-il réciproque dans cette histoire ?
E.V. : Pas au début de la pièce. Arnolphe a élevé Agnès en dehors du monde, dans un monde clos. Il aime Agnès comme Dieu aime sa création, Agnès aime Arnolphe comme une fille aime son père. Ce qui est beau dans le rêve d'Arnolphe, c'est qu'il construit son projet sur des bases qui ne sont pas solides : il prend une enfant et décide soudain que cette enfant vient de naître au monde, qu'elle n'a pas de famille, qu'elle vient de nulle part, qu'elle est un pur objet à construire. Or quand Arnolphe revient chez lui après deux jours d'absence, le mariage d'Horace et d'Agnès est déjà arrangé par leurs pères respectifs, mais il ne le sait pas.
J. - L. R. : Pensez-vous qu'il y ait une dimension expérimentale dans le projet d'Arnolphe ?
E. V. : Ce n'est pas de l'ordre de l'expérience. C'est un projet personnel, une utopie individuelle qui a valeur d'exemple, une affirmation du moi ; si il y a expérience elle est de l'ordre de l'intime.
Arnolphe dit moi comme un héros romantique dit je veux.
À la question de Chrysalde (Acte I, scène 1) : " Vous venez dites-vous pour lui donner la main. ", Arnolphe répond : " Oui, je veux terminer la chose dans demain ".
" Oui " : c'est la première parole d'Arnolphe dans la pièce, c'est le " oui " du " voulez-vous prendre pour épouse devant Dieu et jusqu'à la mort ", c'est le " oui " d'un mariage métaphysique ; " je veux " : c'est l'affirmation de sa volonté individuelle, Arnolphe s'engage personnellement et tout entier dans son rêve " je veux terminer la chose ". Quelle est cette chose dont il parle et qu'il a bâtie consciencieusement pendant treize ans, jour après jour, à l'écart du monde ? " Oui, je veux terminer la chose dans demain " et on peut imaginer qu'il ira jusqu'au bout. Aujourd'hui, c'est l'achèvement du rêve d'un amour fou. Arnolphe se retire. Et c'est le dernier jour.
J. - L. R. : Arnolphe dit moi comme un héros romantique, on pourrait dire aussi comme un enfant.
E. V. : La rencontre s'est faite avec un enfant ; c'est une histoire d'enfants. Il y avait cette phrase dans la Pluie d'été de Marguerite Duras, dont je me souviens : " Nous sommes tous des enfants d'une façon générale ".
J. - L. R. : Le paradoxe de l'enfance est déjà inscrit dans ce titre : l'École des femmes ou l'École des maris. On associe une désignation d'êtres adultes- les maris, les femmes- à une institution qui concerne les enfants. Le titre l'École des femmes dit d'une certaine manière : on va vous montrer ce qu'il y a d'enfance quand l'enfance n'est plus là, comment quelque chose de l'enfance se perpétue, ne bouge pas, résiste au devenir adulte.
E. V. : Arnolphe a éduqué Agnès selon le principe philosophique du Je pense donc je suis, pour lui faire accéder à la liberté d'être. Agnès est une incarnation philosophique. C'est l'intrusion d'Horace qui permet à Arnolphe de constater que son projet a réussi, que cette enfant est devenue une femme libre, qui pense, qui est. Horace : c'est l'autre, c'est l'extérieur qui arrivant à l'intérieur de cet espace clos crée des ouvertures. L'espace s'ouvre et c'est la naissance du désir, d'un amour dont la nature a changé. Arnolphe commence à regarder Agnès non plus comme l'enfant d'un projet utopique, mais comme une femme. Arnolphe retombe amoureux d'Agnès.
Tel est le paradoxe d'Arnolphe : parce qu'il réussit complètement son projet, son projet lui échappe : il ne peut pas être l'homme de cette femme qu'il a créée. Pour que son œuvre se perpétue dans la réalité, il va donner cette femme en mariage à Horace. Agnès devient son vecteur dans le réel. Si Agnès est devenue une femme, Arnolphe, d'un dieu créateur, d'un maître, devient un homme.
On assiste à la naissance d'un homme. C'est à ce moment-là que la réciprocité du sentiment amoureux s'accomplit.
J. - L. R. : Pensez-vous que la réplique du Malade imaginaire " Il n'y a plus d'enfants " habite cette pièce ?
E. V. : On ne peut s'empêcher de penser à l'École des femmes dans le Malade imaginaire. Le Malade imaginaire, c'est aussi l'imaginaire malade.
J. - L. R. : " Il n'y a plus d'enfants " ce n'est pas seulement un thème de Molière, c'est un " trou &" dans Molière, une chose opaque, énigmatique : la formule rejaillit sur les pièces antérieures, désigne presque une impossibilité de l'enfance parce que l'enfance s'est disséminée chez ceux qui ne sont pas ou plus des enfants. C'est une chose que Molière n'a jamais extraite sous forme thématique, mais qui travaille absolument toutes les pièces et au premier chef l'École des femmes.
Pour en revenir à l'amour, est-ce qu'Agnès aime Horace ?
E. V. : Une des dernières réponses d'Agnès à Horace à l'acte V, c'est " Vous ne m'aimez pas autant que je vous aime ". À ce moment là de la pièce, Agnès est le devenir de la Célimène du Misanthrope, celle qui répondra à Alceste quand il lui fera la proposition de quitter le monde et de la suivre dans un désert : " la solitude effraie une âme de vingt ans ".
La folie d'Arnolphe, c'est d'avoir rêvé en dehors du monde, loin du réel pendant treize ans. Tout est déjà joué au début de la pièce. Quand il rentre chez lui, le ver est déjà dans le fruit, l'extérieur est définitivement entré à l'intérieur. Cette enfant ne venait pas de naître au monde quand il l'a rencontrée, Agnès avait un père naturel, une famille. Et aujourd'hui, la famille, le père, le fonctionnement du monde habituel reprennent leurs droits, la réalité prend le pas sur l'illusion d'Arnolphe. Il y a eu un trou, effectivement, un égarement, une absence pendant treize ans ou bien deux heures et demie. Ce collapse entre l'illusion et la réalité éclate dans le " Oh " final d'Arnolphe. Ce " Oh " qui nous renseigne sur le projet d'un homme qui a éduqué un être sur l'apprentissage du langage, sur le dire, et qui finit par perdre la parole.
Entretien d'Éric Vigner avec Jean-Loup Rivière
Pour en savoir plus sur L'école des femmes, par Jacques Lacan
" La singularité du personnage d'Agnès semble avoir proposé une véritable énigme aux psychologues et aux critiques - est-ce une femme, une nymphomane, une coquette, une ceci, une cela ? Absolument pas, c'est un être auquel on a appris à parler et qui articule. "
L'amour est un sentiment comique. Le sommet de la comédie est parfaitement localisable. La comédie dans son sens propre, au sens où je le promeus ici devant vous, trouve son sommet dans un chef-d'œuvre unique.
Dans la ligne de la comédie disons classique, le sommet est donné au moment où la comédie dont je parle, qui est de Molière et qui s'appelle l'École des femmes, pose le problème d'une façon absolument schématique, puisque d'amour il s'agit, mais que l'amour est là en tant qu'instrument de la satisfaction. Molière nous propose le problème d'une façon qui en donne la grille. C'est d'une limpidité absolument comparable à un théorème d'Euclide.
Il s'agit d'un monsieur qui s'appelle Arnolphe. A la vérité la rigueur de la chose n'exigerait même pas que ce soit un monsieur avec une seule idée. Il se trouve que c'est mieux comme cela, mais à la façon dont, dans le trait d'esprit, la métonymie sert à nous fasciner. Nous le voyons entrer dès le début avec l'obsession de n'être pas cornard. C'est sa passion principale. C'est une passion comme une autre. Toutes les passions s'équivalent, toutes sont également métonymiques. C'est le principe de la comédie de les poser comme telles, c'est-à-dire de centrer l'attention sur un ça qui croit entièrement à son objet métonymique. Il y croit, cela ne veut pas dire qu'il y soit lié, car c'est aussi une des caractéristiques de la comédie que le ça du sujet comique quel qu'il soit, en sorte toujours intact. Tout ce qui s'est passé durant la comédie est passé sur lui comme l'eau sur les plumes d'un canard. L'École des femmes se termine par un Oh ! d'Arnolphe, et pourtant Dieu sait par quels paroxysmes il est passé.
J'essayerai de vous rappeler brièvement ce dont il s'agit. Arnolphe a donc remarqué une petite fille pour son " air doux et posé, qui m'inspira de l'amour pour elle dès quatre ans ". Il a donc choisi sa petite bonne femme, et il a d'ores et déjà posé le " Tu es ma femme ".C'est même pour cette raison qu'il entre dans une telle agitation quand il voit que ce cher ange va lui être ravi. Car au point où il en est, dit-il, elle est déjà sa femme, il l'a déjà instaurée socialement comme telle, et il a résolu élégamment la question.
C'est un homme qui a des lumières, dit son partenaire, le nommé Chrysalde, et en effet, il a des lumières. Il n'a pas besoin d'être le personnage monogame dont nous parlions au début - ôtez-lui cette monogamie, c'est un éducateur. Là, il a trouvé un très heureux principe, qui consiste à la conserver dans l'état d'être complètement idiote. Il ordonne lui-même les soins supposés concourir à cette fin. " Et vous ne sauriez croire, dit-il à son ami, jusqu'où cela va, ne voilà-t-il pas que l'autre jour elle ma demandé si l'on ne faisait pas les enfants par l'oreille ". C'est bien ce qui aurait dû lui mettre la puce à la même oreille, car si la fille avait eu une plus saine conception physiologique des choses, peut-être aurait-elle été moins dangereuse.
" Tu es ma femme " est la parole pleine dont la métonymie sont ces devoirs du mariage congrûment expliqués qu'il fait lire à la petite Agnès. " Elle est complètement idiote ", dit-il, et il croit pouvoir fonder là-dessus, comme tous les éducateurs, l'assurance de sa construction.
Que nous montre le développement de l'histoire ? Cela pourrait s'appeler " Comment l'esprit vient aux filles ". Elle est prise aux mots du personnage du petit jeune homme. Cet Horace entre en jeu dans la question, quand, dans la scène majeure où Arnolphe lui propose de s'arracher la moitié des cheveux, elle lui répond tranquillement – " Horace, avec deux mots, en ferait plus que vous ". Elle ponctue ainsi parfaitement ce qui est présent tout au long de la pièce, à savoir que ce qui lui est venu avec la rencontre du personnage en question, c'est précisément qu'il dit des choses spirituelles et douces à entendre, à ravir. Ce qu'il dit, elle est bien incapable de nous le dire, et de se le dire à elle-même, mais cela vient par la parole, c'est-à-dire par ce qui rompt le système de la parole apprise et de la parole éducative. C'est par là qu'elle est captivée.
La sorte d'ignorance qui est une des dimensions de son être est simplement liée à ceci, que pour elle il n'y a rien d'autre que la parole. Quand Arnolphe lui explique que l'autre lui a embrassé les mains, les bras, elle demande " Y a-t-il autre chose ? ", elle est très intéressée. C'est une déesse-raison, cette Agnès. Aussi bien le mot de raisonneuse vient-il à un moment suffoquer Arnolphe quand il lui reproche son ingratitude, son manque de sentiment du devoir, sa trahison, et qu'elle lui répond avec une admirable pertinence – " Mais qu'est-ce que je vous dois ? Si c'est uniquement de m'avoir rendue bête, vos frais vous seront remboursés ".
Nous nous trouvons ainsi au départ devant le raisonneur en face de l'ingénue, et ce qui constitue le ressort comique, c'est que dès que l'esprit est venu à la fille, nous voyons surgir la raisonneuse devant le personnage qui, lui, devient l'ingénu, car dans des mots qui ne laissent aucune ambiguïté, il lui dit alors qu'il l'aime, et il le lui dit de toutes les façons, et il le lui dit au point que la culmination de sa déclaration consiste à lui dire à peu près ceci – " Tu feras très exactement tout ce que tu voudras, tu auras également Horace si tu le veux à l'occasion. " En fin de compte, le personnage renverse jusqu'au principe de son système, il préfère encore être cornard, ce qui était son départ principal dans l'affaire, plutôt que de perdre l'objet de son amour.
L'amour, c'est là le point auquel je dis que se situe le sommet de la comédie classique. L'amour est ici. Il est curieux de voir à quel point l'amour, nous ne le percevons plus qu'à travers toutes sortes de parois qui l'étouffent, de parois romantiques, alors que l'amour est un ressort essentiellement comique. C'est précisément en ceci qu'Arnolphe est un véritable amoureux, beaucoup plus authentiquement amoureux que le dénommé Horace, qui est, lui, perpétuellement vacillant. Le changement de perspective romantique qui s'est produit autour du terme de l'amour fait que nous ne pouvons plus si facilement le concevoir. C'est un fait : plus la pièce est jouée, plus Arnolphe est joué dans sa note d'Arnolphe, et plus les gens fléchissent et se disent : " Ce Molière si noble et si profond, quand on vient d'en rire, on devrait en pleurer ". Les gens ne trouvent presque plus compatible le comique avec l'expression authentique et submergeante de l'amour comme tel. Pourtant, l'amour est comique, quand c'est l'amour le plus authentiquement amour qui se déclare et qui se manifeste.
Jacques Lacan,
Extrait du Séminaire. Livre V
Édition du Seuil (1998)
La Croix, le 11 octobre 1999 — Didier Méreuze
[...] Fi des évanescences, du sentimentalisme sirupeux. Fi du réalisme, de la psychologie de bon aloi. Sous sa gouverne, c'est à un étrange ballet de figures que l'on assiste, dans une mise à plat totale du texte en un temps étiré à l'extrême. Habillé de costumes très beaux alliant l'ancien et le moderne, les personnages – perruqués à la mode de Louis XIV, pour les hommes – semblent échappés d'un autre monde, donnant à voir ce qui n'est pas montré, à entendre ce qui n'est pas dit. [...] On est face à un théâtre comme un voyageur en pays inconnu. Un théâtre exigeant et de signes, difficile, mais qui, pour peu qu'on s'y abandonne, envoûte ; un théâtre qui est celui d'Éric Vigner depuis toujours. [...] De fait, d'une mise en scène, d'une pièce à l'autre, c'est toujours la même affirmation qui se retrouve : celle d'un théâtre, à la fois magique et tout de sortilèges, seul capable de montrer au commun des mortels l'invisible. Cela n'interdit ni les rires ni l'émotion. Au contraire. Dans l'alchimie curieuse de la mise en scène qui allie la froideur au baroque, les comédiens font montre d'un jeu tout de tension et de délicatesse, avec pour seul viatique leur pauvre et chaude humanité. À commencer par Bruno Raffaelli, formidable Arnolphe, à l'interprétation belle et grave, homme qui s'était institué dieu et se retrouve homme tout court, moqué après avoir été craint, incapable d'admettre qu'Agnès ne l'aime pas quand il lui offre tant d'amour. Agnès Korthals Altès, élève prodige du Conservatoire de Paris, et ici jeune fille qui se découvre femme, qui veut vivre dans les bras de son Horace (Eric Ruf) qui, à peine l'a-t-il conquise, ne l'aime peut-être déjà plus... Et puis, cerise sur le gâteau, il y a, aux côtés d'Igor Tyczka, pour former un couple de serviteurs impossibles, Catherine Samie. Adorablement délicieuse, elle porte la même robe que cette Agnès qu'elle fut peut-être, jadis...
Libération, le 30 septembre 1999 — René Solis
[...] Pour Vigner, l'enfance est une affaire aussi sérieuse que la passion d'Arnolphe pour Agnès : il serait malvenu de s'en moquer ou de la caricaturer. On peut juste voir, dans le très beau décor de Claude Chestier, une réminiscence de la chambre enfantine : une forêt de barreaux de bois qui peuvent évoquer un lit mezzanine, ou des escaliers de square ; mais, tout autant, une cage. Et aussi peut-être, une sorte de radiographie de la pièce : la mise à nu de son squelette, débarrassé de tout oripeau. [...] Son École des femmes est d'abord une école de l'écoute : on y parle doucement, on n'y souligne aucun effet. [...] Sous les traits de Bruno Raffaelli, Arnolphe est l'homme d'un seul rêve, d'une seule note : à la musique des vers, il ne cherche pas à ajouter celle des sentiments. Il est d'un bloc, et d'autant plus vulnérable, maître précaire d'un royaume où Catherine Samie (Georgette) et Igor Tyczka (Alain) sont des pantins incontrôlés, et où Johanna Korthals Altes, qui joue Agnès et est encore élève au Conservatoire, n'a rien d'une pâle victime et se révèle une belle partenaire d'opéra. [...] On peut reprocher à Vigner une certaine raideur, souhaiter qu'il introduise dans son système un grain de fantaisie, de détachement, d'acceptation de la fragilité. L'essentiel est ailleurs : dans sa capacité à faire écouter non seulement Molière, mais son écho.
La Tribune, 7 octobre 1999 — Jean-Pierre Bourcier
[...] Vigner prend Molière à la bouche avant de le mettre en gestes. Il dissèque les vers pour mieux les faire entendre, et les souligne de quelques mesures bien senties par un trio de musiciens installés dans le décor. Il détourne la farce pour mieux exhiber les bombes à retardement de la pièce qui pètent depuis plus de trois siècles. [...] Les comédiens déroulent les vers avec une certaine lenteur didactique, se campent souvent face au public comme pour un sermon (surtout Arnolphe) et engagent une gestuelle ralentie à la limite de l'arrêt sur image. Mais à ce jeu, tous les acteurs donnent pleine mesure. Bruno Raffaelli est un Arnolphe qui fera date. Éric Ruf (Horace) virevolte au rythme des battements de cœur de l'amoureux, alors que la jeune Johanna Korthals Altes (Agnès) déchire sa chrysalide avec la brutalité de l'innocence. Superbe Catherine Samie en servante (Georgette) au bord de la débilité. [...]
Place Colette 75001 Paris