Premier volet d’un projet d’ensemble intitulé Les communautés territoires, la pièce a été conçue lors d’une résidence d’écriture dans un village médiéval de l’Isère. Comment naît l’inhumain, selon quel imperceptible dévoiement des règles ? Telle serait la question qui se pose face aux communautés, souvent repliées sur elles-mêmes, qui occupent ces territoires, aussi différents soient-ils : île, cité en banlieue, village… Toutes ont leurs codes, rites, histoires ; toutes peuvent se comparer dans la déviance et la sclérose qu’elles risquent d’engendrer.
Un nouveau-né abandonné devant la grille d’une ferme va bousculer la vie d’un village figé dans l’immobilisme. Suscitant rumeurs et suspicion, réveillant vieilles querelles et mémoires enfouies, l’enfant va passer de mains en mains jusqu’à revenir dans les bras de celle qui l’a trouvé : l’idiote du village.
L’histoire des treize personnages et le destin de l’enfant s’entrelacent, créant micro-séismes, entrechoquements, et ce jusqu’au dénouement : un acte transgressif qui condamnera, par ricochets, le village à la destruction. L’histoire s’inspire de l’épisode de Sodome dans la Bible : le châtiment y sanctionne le manquement aux lois d’accueil de l’étranger.
L’Enfant, oeuvre de fiction, prend sa source dans le réel, mais y retourne en se faisant parabole sur ce qui constitue, pour tout ensemble humain, une menace permanente, une menace de l’intérieur.
En 2009, j’ai passé trois mois en résidence d’écriture dans le village médiéval de Saint-Antoine l’Abbaye, en Isère. Une partie de cette résidence était consacrée à un travail de collectage de paroles de femmes par le biais d’un bureau d’écrivaine publique que j’avais ouvert dans l’ancienne poste du village. J’ai également sillonné nombre de routes et chemins des environs pour recueillir des récits de vies.
L’Enfant, oeuvre de fiction, fable théâtrale, prend sa source dans le réel. Ce texte est le premier volet d’un projet plus vaste intitulé « Les communautés territoires ». Chaque pièce naît de la traversée intime d’un territoire ; tous, si différents, voire opposés qu’ils soient : une île, une cité de banlieue, un village, génèrent, dans les communautés qui y vivent isolées et repliées sur elles-mêmes, des codes, rites et histoires, mais aussi des scléroses et des déviances comparables.
De ces groupes d’humains si ordinaires peut ainsi naître du monstrueux, de l’« inhumain », selon un processus presque impalpable et sans heurts de glissement, de perversion des règles sociales et des valeurs. C’est ce mécanisme qu’il m’intéresse de décortiquer et de comprendre. Ce qui se passe dans ce village est, à n’en pas douter, le reflet de ce qui menace constamment à plus large échelle.
Il n’est que de voir aujourd’hui le pourcentage incroyablement élevé de gens « ordinaires » en accord avec des idées capables de produire très concrètement du monstrueux et de l’inhumain. Il y a danger à penser que le monstrueux ne peut qu’être le fait de bourreaux ou de monstres, et à oublier qu’il n’est rendu possible qu’avec la complicité tacite ou affirmée du plus grand nombre. Ici, le village de l’enfant est figé dans son histoire et dans son immobilisme. C’est une communauté très ordinaire, d’où les enfants semblent absents ; ils ne réapparaîtront qu’à la fin, une fois le drame consommé.
La découverte d’un nouveau-né abandonné va bousculer la vie quotidienne et agir sur chacun et chacune comme un révélateur. Personne n’acceptera de s’occuper de l’enfant, ne serait-ce que quelques jours… Au milieu de la suspicion, des rumeurs, de la résurgence du passé, le nouveau-né va passer de mains en mains avant de revenir à celle qui l’avait trouvé : l’idiote du village. Emportant l’enfant, elle finit par s’enfuir dans les bois, poursuivie par tout le village. Et c’est là qu’aura lieu, en haut de la colline, à l’ombre des rochers qui surplombent le village, la faute, l’acte transgressif qui condamnera, par ricochets, le village tout entier à la destruction.
Le spectateur suit le parcours de l’enfant et pénètre ainsi l’intimité des foyers. L’entrelacement de l’histoire des treize personnages avec celle de l’enfant, provoque des entrechoquements, des micro-séismes et ce jusqu’au dénouement. La fable s’inspire de l’épisode de Sodome dans la Bible et le Coran. Mais nous prenons appui sur l’interprétation et la traduction qui mettent l’accent non pas, comme on le croit souvent, sur l’homosexualité à laquelle se seraient livrés les habitants, mais sur le manquement aux règles d’hospitalité et d’accueil de l’étranger dont les habitants de la cité se seraient rendus coupables.
Carole Thibaut
« De belles lumières, un dispositif scénographique ingénieux (qui ressemble à celui de « Ma chambre froide » de Pommerat), et une bande son nous plaçant dans un espace-temps radicalement bouleversant font de ce drame un portrait qui semble terriblement réel. Monstrueusement réel. Sans pour autant tomber dans le réalisme gorgé de larmes et d’angoisses. Carole Thibaut a créé un monde dans l’écriture, elle arrive très bien à le faire rejaillir théâtralement, avec une pincée de cynisme grinçant bienvenue.» Hadrien Volle, Arkult.fr
« Une mise en scène élégante et une écriture spirituelle, qui ne cède pas au manichéisme et parcourt les différents territoires sur lesquels le Mal fleurit. » Eric Demey, La Terrasse
« Il est des histoires très sombres mais d'une immense beauté. L'Enfant, drame rural, présenté actuellement au Théâtre de la Tempête, en fait partie. » Audrey Natalizi, Mes illusions comiques
« Entrelacs de personnages forts et de situations complexes, l’écriture de Carole Thibaut est remarquable. Sans jamais virer au pathos, son récit empreinte au vocabulaire paysan comme à celui des notables et évite que l’intrigue ne verse dans la caricature malsaine. Poétique sans en abuser, L’Enfant ne tente pas le virage psychologique, il reste ancré dans des terres ancestrales : celles des contes noirs. » Gwendoline Soublin, Rhinoceros
« Carole Thibaut nous fait, en cette rentrée d’automne 2012, le plus beau cadeau qui soit : une grande pièce de théâtre, une histoire qui sent la terre, la sueur et le sang, un conte sans sorcière, ni loup, ni château, mais avec un enfant abandonné. » Dashiell Donello, Un fauteuil pour l’orchestre
« Cette pièce condamne l’impalpable et met en lumière les codes et les rites véhiculés dans les territoires reculés. L’Enfant, drame rural, une fiction qui ne laisse pas indifférent et ouvre le débat sur les effets du communautarisme rural et urbain. » Philippe Delhumeau, la théâtrotèque.com
Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris
Navette : Sortir en tête de ligne de métro, puis prendre soit la navette Cartoucherie (gratuite) garée sur la chaussée devant la station de taxis (départ toutes les quinze minutes, premier voyage 1h avant le début du spectacle) soit le bus 112, arrêt Cartoucherie.
En voiture : A partir de l'esplanade du château de Vincennes, longer le Parc Floral de Paris sur la droite par la route de la Pyramide. Au rond-point, tourner à gauche (parcours fléché).
Parking Cartoucherie, 2ème portail sur la gauche.