L'Homme mauvais

du 29 janvier au 24 février 2002

L'Homme mauvais

Le Mal et le mystère de l'Homme mauvais sont les sujets de presque toute la littérature. Emilie Valantin - Janvier 2001

Introduction  
Personnages (par ordre d'entrée en scène)
Sources d'inspiration
Le Criticón
Un mot de Rene Solis

En 1996, grâce à l'interpellation du Festival d'Avignon pour célébrer son cinquantenaire, le Fust crée Un Cid sur une réduction du texte de Pierre Corneille, pour treize personnages en glace, cinq comédiens et deux musiciens.

En juin 2000, le Museo Marco de Monterrey au Mexique, avec le soutien de l'Alliance Française de Monterrey et de l'AFAA, accepte la proposition d'une présentation impromptue, après un atelier de 12 jours avec des artistes mexicains, sur un thème extrait du Criticón de Baltasar Gracián. Cette résidence a permis d'élargir les techniques à des animaux et des ovoïdes de glace mais aussi de découvrir ce que le théâtre d'ombre et la captation vidéo pouvaient apporter à l'image de la glace.

Après l'expérience mexicaine, le Théâtre du Fust, hanté par le texte de Baltasar Gracián, décide de poursuivre son travail avec la glace. Ainsi, ce projet sur le thème de l'Homme Mauvais se propose de :
- diversifier les recherches esthétiques et techniques pour créer un univers de glace (personnages, animaux fantastiques, ovoïdes et diversité d'animations, mécaniques de glace, accessoires, etc.…).
- croiser les techniques de théâtre d'ombres et de captation vidéo avec la glace pour mettre en valeur la nature aléatoire et éphémère de ce matériau.

Pourquoi les spectateurs du Cid restent-ils fascinés par les personnages de glace à l'issue du spectacle ? Comment le plaisir de l'œil devient-il bénéfice de l'esprit ?

Poursuivant l'étude des correspondances entre esthétique et philosophie, nous opposons la transparence de la glace, sous le faisceau de l'actualité économique et politique, à l'opacité de l'Homme Mauvais, tel qu'il est présenté dans un court paragraphe du Criticón, de Baltasar Gracián.

L'eau congelée, matériau fragile mais implacable devient fantômes et animaux fantastiques pour déloger l'Homme Mauvais (dit " l'Irremplaçable "), de son immeuble et le conduire à son supplice…

La retransmission vidéo en gros plans développe pour les spectateurs le souvenir minuscule, le détail impardonnable ou l'anecdote ridicule dans le tableau d'ensemble, pour rendre à l'Homme Mauvais l'acharnement méticuleux dont il accable l'Humanité.

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La Femme de l'Irremplaçable 
Elisée Reclus : chargé de l'entretien de l'immeuble
Le Smectique : être imaginaire qui hante l'escalier
Le Surmené : collaborateur de l'Irremplaçable
L'Irremplaçable alias l'Homme Mauvais
Les fantômes de glace émanant des victimes

Les animaux de glace :
Le Serpent
Le Basilic
Le Dragon
L'Aigle
Le Catoblépas
L'Amphisbène
Le Griffon
La Chimère
La Salamandre
L 'Hydre
Le Sphinx

Filles de l'Hydre et de l'Homme Mauvais
La Louange
La Thune
Superstición

Des gardiens et hommes du peloton
Les victimes ( corps pendus)

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Le Mal et le mystère de l'Homme mauvais sont les sujets de presque toute la littérature. Je cite les ouvrages qui m'ont permis d'avancer dans ma quête actuelle sur les aspects du mal autour de 2001, vus depuis la France, trop abondamment facilitée par la presse et une vie de citoyenne observatrice mais toujours étonnée. Chaque nouveau livre ouvert pendant la conception du spectacle (1999-2000) pourrait être cité, et j'ai dû cesser de fréquenter les librairies pour me mettre à écrire.

Baltazar Gracián est à l'origine du projet pour l'adéquation du sujet avec la glace confrontée à l'opacité. " L'A Bao A Qou " de Borges s'est imposé à point pour donner un sens à l'anecdote authentique de " Milosevic " faisant réparer l'ascenseur de son immeuble. J'ai " sélectionné " chaque animal fantastique pour disposer d'esthétiques variées et de comportements symboliques face à " Elisée Reclus ", source d'une manipulation chorégraphiée.

Pour ne pas accabler le spectateur par une dénonciation du mal qui ne lui laisserait qu'un sentiment d'impuissance (ce qui m'arrive à la sortie des pièces de Bond, que j'admire par ailleurs), j'ai senti la nécessité d'ébaucher quelques perspectives de résistance. Je me suis appuyée avec reconnaissance sur les analyses du sous-commandant Marcos, de Benasayag et Sztulwark, curieusement confortées par les textes libertaires d' " Elysée Reclus "… pour imager des issues nouvelles. J'ai recueilli dans la presse des signes de cet état d'esprit : reconstruction du chemin de fer d'Erythrée, campagne électorale sans plan ni promesse du Groupe Zebda à Toulouse, expérimentations limitées de légalisations des drogues, budgets communaux participatifs ; ici et là, levée inattendue de secrets bancaires et gel des avoirs de certains dictateurs etc…

J'ai conscience que cet optimisme peut faire perdre une apparente densité au sujet, par rapport aux textes/reportages inspirés par les cruautés inouïes de la fin du XXème siècle, auxquels sont accoutumés les spectateurs de théâtre. Mais je ne souhaitais ni ne me sentais autorisée à en écrire un de plus.

En tant que marionnettiste, je fais appel à l'allégorie pour rendre compte des signes d'évolution politique que je perçois dans le monde et les traduire sous forme de choix esthétiques. Pour les uns ce sera discours entendu, pour d'autres, sujet de trouble nouveau. Le public du Théâtre de marionnettes présente un éventail de prises de conscience plus imprévisible que le public de théâtre, dans des dispositions moins élastiques que lorsque ces mêmes publics vont au cinéma ou regardent la télé. Cela veut dire qu'il faut miser sur le désir critique du spectateur qui vient au théâtre de marionnettes… quitte à en être la première victime !

Emilie Valantin - Janvier 2001

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Un jour, dans une république, un grand criminel fut condamné à un supplice proportionné à ses délits : on l'ensevelit tout vif dans une profonde fosse pleine d'horribles bêtes, des dragons, des tigres, des serpents, des basilics, on la referma sans pitié avec soin afin que le scélérat ne pût échapper à la terrible sentence. Vint à passer un étranger, ignorant l'atroce châtiment, qui entendant les gémissements du malheureux, ému de compassion à ses prières, réussit à écarter la dalle qui bouchait la fosse. Aussitôt, avec sa légèreté naturelle, le tigre bondit dehors et, alors que le voyageur terrorisé se voyait déjà dévoré, le tigre lui vint doucement lécher les mains, ce qui était plus que les lui baiser. Le serpent s'échappa aussitôt après et, à sa grande terreur, il le vit s'enrouler à ses pieds, mais c'était pour les adorer. Toutes les autres bêtes firent de même, se soumettant humblement à lui, lui rendant grâce de la charitable action de les avoir libérées de la compagnie d'un homme si méchant. Pour le payer d'un tel bienfait, ils lui donnèrent le conseil de s'enfuir bien vite avant que l'homme lui-même ne sortit, s'il ne voulait pas périr sur le champ, victime de sa férocité.

Et tous de prendre la fuite, les uns volant, les autres courant. Frappé de stupeur, pétrifié, le voyageur restait sur place lorsque l'homme parut enfin : supposant que son sauveur avait quelque argent, pour le lui enlever, il lui ôta la vie… Mais sache que les femmes sont pires que les hommes et bien plus redoutables…

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Un mot de René Solis 

De l'éphémère théâtral, Emilie Valantin avait imaginé l'expression la plus radicale en présentant en 1996 au festival d'Avignon un Cid interprété par des marionnettes de glace. Tout au long de la représentation, sous l'effet conjugué des projecteurs et de la nuit d'été provençale, les personnages fondaient jusqu'à perdre en scène têtes ou membres. Au salut, les spectateurs applaudissaient des presque flaques d'eau. Amoureuse de recherche et de paradoxes (l'une ne va pas sans les autres), Emilie Valantin qui, en vingt cinq ans, avec son théâtre du Fust installé à Montélimar, a tout exploré de l'art des marionnettes, signait l'un de ces spectacles les plus mémorables. Soucieuse de forer plus profond, elle est partie il y a deux ans au Mexique. Invitée de l'Alliance Française de Monterrey, elle a réalisé dans le patio du musée d'Art Contemporain de la ville un autre spectacle avec des personnages de glace, adapté d'un texte de Baltasar Gracian, auteur du XVIIème siècle espagnol, où l'on trouve l'histoire d'un criminel enseveli dans une fosse avec des bêtes monstrueuses.

La scène est divisée en plusieurs zones. Côté jardin, un immeuble de plusieurs étages, où officiait l'homme mauvais alias l'Irremplaçable, sa femme, son fils et des "costumes gris" à sa solde, tous en résine. Au centre, un écran où sont projetés en gros plans certains détails des scènes se déroulant dans l'immeuble, mais d'où surgissent aussi des fantômes de glace. Côté cour, la fosse qui contient des animaux. Dans la pénombre, les acteurs-manipulateurs, en noir et cagoulés.

Le charme trouble que provoquent ces images n'est qu'en partie relayé par le texte. Sans doute parce que, bardée d'une foule de références littéraires, politiques, historiques, Emilie Valantin cherche à trop en dire et donne l'impression par moments de céder au trop-plein dramaturgique. Mais on préfère cent fois ce bouillonnement de références et de métaphores au vide sidéral de bien des spectacles "traditionnels".

René Solis (Libération)

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Spectacle terminé depuis le dimanche 24 février 2002

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