Les histoires que Joan Mompart choisit de monter confrontent, de manière festive et viscérale, le politique et le social, dénoncent les inégalités, l’exploitation de la pauvreté et les hiérarchies de classes. Après On ne paie pas ! On ne paie pas ! de Dario Fo, il nous livre L’Opéra de quat’sous de Brecht et Weill, une « pièce-monde » dont les questions ont traversé le siècle comme pour mieux venir nous frapper de plein fouet.
Sur scène, un orchestre de dix musiciens et deux clans qui s’affrontent. Celui des mendiants, mené par Peachum. Celui des voleurs, mené par Mackie-le-Surineur. Entre les deux, des flics corrompus et des putains amoureuses. Un théâtre épique où le « chant-joué » inventé par Weill occupe une place essentielle. Cabaret, chansons des rues, jazz, musique savante, opérette mettent à nu les idéologies bourgeoises et, pour ainsi dire, remuent la boue dans une savoureuse parodie.
« Avec une épatante équipe de comédiens, sachant jouer aussi bien que chanter, Joan Mompart conjugue avec maîtrise et fluidité les facettes complémentaires de ce théâtre : une intrigue à suspens, avec mendiants, bandits, prostituées et policiers, intrigue servie par un jeu sincère et passionné ; la fabrication à vue du récit théâtral, assumant joyeusement son artisanat éphémère ; la qualité des chants – le bouleversant Chant de Salomon, le piquant Duo de la jalousie...- ; et bien sûr l’implication du public. » Agnès Santi, La Terrasse
« Joan Mompart donne une version ludique et réjouissante de la pièce culte de Brecht où comédiens et musiciens jouent leur partition en symbiose. Un formidable travail de troupe. » Marina Da silva, L'Humanité, 4 avril 2016
Fonctions du théâtre.
Une des fonctions du théâtre, avec celles, à mon sens fondamentales, de divertir et de raconter des histoires, est de proposer une réflexion sur notre manière de grandir, de progresser.
Les histoires que je choisis de mettre en scène tâchent de questionner, autant que possible avec le sourire, les modèles de vie, « la vie normative » à laquelle nous croyons qu’il est inévitable d’échapper. Elles racontent de manière burlesque l’opposition entre les forces de la nature et celles de la technologie, du « progrès » inventé par les hommes. Ces poèmes scéniques traitent de sujets brûlants comme la place de l’être humain dans l’ère industrielle, puis l’ère de l’information et l’ère du numérique.
Fantaisie.
L’Opéra de quat’sous fait cohabiter et confronte, de manière festive et viscérale, deux moyens de subsister : le commerce de la charité et la criminalité organisée, situés dans les rouages d’une probable monarchie constitutionnelle – image d’une démocratie déviante et viciée par sa propre histoire –, déconnectée de ses pauvres, de son peuple.
D’un côté, certains travaillent à communiquer, tâchent de trouver l’argumentaire et le visuel qui parlera « au coeur le plus racorni » pour attirer l’aumône. D’un autre, on organise ce qui reste de matière grise pour voler. Les autres, tous les autres – en définitive, le reste – se vendent au plus offrant.
L’Opéra de quat’sous met au premier plan les couches les plus pauvres de la société, celles qui n’en font d’ailleurs pas partie, celles qui sont exclues de la citoyenneté, celles à qui l’on n’a pas donné d’autre choix que de vivre dans la marge. Il s’agit probablement de nous interroger sur la légitimité d’un acte illégal (voler, mendier…) quand il faut subsister, vivre, tout simplement. Sous certaines circonstances, est-ce légitime d’exploiter son prochain ?
La pièce est pertinente jusque dans son titre, c’est un « Opéra de quat’sous » car il s’agit, en s’emparant des moyens qui sont les nôtres, acteurs, chanteurs, équipe de plateau, de rendre compte, par le chant et le jeu, dans une fête de théâtre – et cela n’est en rien contradictoire –, d’une des réalités les plus alarmantes du monde, celle des déshérités, celle du quart-monde. Quand on n’est plus certain de son étoile, il nous reste la comédie pour avaler, en s’étranglant de rire, la pilule de son destin. Il nous reste à élever la réalité par le chant, et à la porter là où la fantaisie s’en emparera.
Chant.
Brecht donne la parole, une parole chantée, aux bannis du mouvement du monde. Ce chant pilonne les certitudes, dégage de l’espace de pensée, de conscience et, comme le dit Olivier Py, reconstruit la totalité :
« Pour moi, le chant, c’est le legato. Ce n’est pas chanter une note après l’autre. C’est qu’il y ait, dans le mouvement du chant, quelque chose qui est vu à travers, au-delà de la matière. Donc quand je dis legato, au fond, c’est le continuum. C’est l’idée que tout est rassemblé, que tout a une place. Y compris moi, qui suis ce que je suis, coupable, brisé, douloureux : j’ai une place dans la totalité. Par la puissance du chant, non seulement je me redonne cette place, mais en plus je reconstruis la totalité, pour un instant. » (Entretien avec Olivier Py par Hinde Kaddour et Hervé Loichemol, L’Autruche n°3.)
Brecht, en définitive, fait de la place à ceux qui n’en trouvent plus. Nous travaillons avec conviction sur une idée utopique : on peut renverser les hiérarchies du monde par la puissance d’un chant.
Le travail en répétitions.
Je souhaite proposer aux acteurs de trouver les solutions les plus artisanales pour livrer L’Opéra de quat’sous. Par « solutions artisanales », j’entends revenir à l’essence même du conteur, ou du récitant/chanteur, qui est un « déclencheur » d’imaginaire. Travailler sans tout figurer, sans tout montrer, mais tâcher de partager nos visions avec les spectateurs. Il s’agit de travailler avec attention sur l’empirique, de bâtir à partir de la réalité que nous aurons nous-mêmes mise en place au fil d’une improvisation – l’expérience du Dario Fo, comme celle, plus récente, du Münchhausen ? de Fabrice Melquiot, a nourri d’acuité et de liberté notre abord des oeuvres. Il y aura bien, pour donner un exemple concret, des étuis à pistolet, mais les pistolets eux-mêmes seront figurés par les doigts pointés, menaçants, des acteurs. Nous espérons ainsi inciter le spectateur à travailler avec nous au récit, à participer à la construction de la fiction, à activer ensemble – scène et salle – à la fois de la joie et de la pensée.
Nous pensons gagner en compréhension en avouant la part de fabrication, d’artisanat du théâtre (les changements seront à vue, les mouvements de décor seront manuels et faits par les acteurs). Nous entendons partager de manière ludique la difficulté à jouer les quelques trente rôles de la pièce par seulement huit acteurs.
Il nous apparaît que cette manière d’aborder l’oeuvre, c’est aussi le meilleur moyen de jouer, sans perdre une miette de récit, le Verfremdungseffekt, la « distanciation ».
Joan Mompart
Malgré une scénographie parfois encombrante pour les acteurs et qui n'intègre pas l'orchestre dans la distribution, cet Opéra de quat'sous m'a encore fait vibrer. Belle distribution avec un grand coup de coeur pour Brown. On pourrait reprocher à Polly de ne pas toujours être à niveau dans les songs mais l'interprétation qu'elle en fait leur en donne d'autant plus de force. Le final baroque prend aussi de la majesté dans son opposition à une mise en scène décalée qui pourrait parfois aller plus loin dans son côté transgressif.
Je n'avais croisé aucune critique du spectacle. J'ai découvert une troupe de huit acteurs chevronnées, impeccablement accompagné par un orchestre d'autant de musiciens, et la superbe voix de Charlotte Filou qui offre une interprétation exaltante de La Fiancée du Pirate. La mise en scène est créative, l'interprétation entrainante, nous avons passé un moment de pur plaisir à suivre les mésaventures du "cruel" Mackie au travers de ce conte (a)moral.
C'était un spectacle extraordinaire , vivant , chantant , la troupe a réussi à donner un bon coup de jeune à ce fameux Quat'sous ! J'ai passé un après-midi enthousiasmant , courez-y tous !
Pour 3 Notes
Malgré une scénographie parfois encombrante pour les acteurs et qui n'intègre pas l'orchestre dans la distribution, cet Opéra de quat'sous m'a encore fait vibrer. Belle distribution avec un grand coup de coeur pour Brown. On pourrait reprocher à Polly de ne pas toujours être à niveau dans les songs mais l'interprétation qu'elle en fait leur en donne d'autant plus de force. Le final baroque prend aussi de la majesté dans son opposition à une mise en scène décalée qui pourrait parfois aller plus loin dans son côté transgressif.
Je n'avais croisé aucune critique du spectacle. J'ai découvert une troupe de huit acteurs chevronnées, impeccablement accompagné par un orchestre d'autant de musiciens, et la superbe voix de Charlotte Filou qui offre une interprétation exaltante de La Fiancée du Pirate. La mise en scène est créative, l'interprétation entrainante, nous avons passé un moment de pur plaisir à suivre les mésaventures du "cruel" Mackie au travers de ce conte (a)moral.
C'était un spectacle extraordinaire , vivant , chantant , la troupe a réussi à donner un bon coup de jeune à ce fameux Quat'sous ! J'ai passé un après-midi enthousiasmant , courez-y tous !
3, place du 11 Novembre 92240 Malakoff
Voiture : Périphérique, sortie Porte de Vanves ou Porte Brancion puis direction Malakoff Centre-ville.