La Cour des grands

du 10 avril au 4 mai 2003

La Cour des grands

Dans un espace indéfini, probable gymnase désaffecté ou tout autre “ lieu déclassé ”, la nouvelle garde Deschiens monte à l’assaut de la Cour des grands, celle des férus de reconnaissance, de prouesse sociale ou musculaire. Sur les musiques de Philippe Rouèche, huit comédiens dont six nouvelles têtes,

 
Présentation
Délices et tribulations du rêveur éveillé
Drôle de cirque

En 1979, sous l’égide de Jérôme Deschamps et Macha Makeieff, naît “ La Famille Deschiens ”. S’ensuivent les spectacles la Veillée, les Frères Zénith, Lapin Chasseur, C’est Magnifique, les Pieds dans l’eau ou les Pensionnaires, lâchant au passage une galerie de monstres sacrés dans le tube cathodique. La compagnie Deschamps & Deschamps donne aujourd’hui naissance à une autre génération de créatures férocement drôles. Dans un espace indéfini, probable gymnase désaffecté ou tout autre “ lieu déclassé ”, la nouvelle garde Deschiens monte à l’assaut de la Cour des grands, celle des férus de reconnaissance, de prouesse sociale ou musculaire. Sur les musiques de Philippe Rouèche, huit comédiens dont six nouvelles têtes, se font chanteurs, danseurs, mimes augustes ou animaux domestiques. Ils détournent quelques fleurons de la variété française et accumulent les mauvaises chutes lors d’une course effrénée à l’excès de zèle. Au fil d’efforts désastreux et désopilants, ils tentent de se hisser au rang des modèles des temps modernes.

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D’où viennent-ils donc, ceux-là ? Avec leur désir d’excellence, leur application de maniaque pour parvenir à être parmi les meilleurs. Entre effort forcené et abattement pathétique, le chant et le rêve de victoire les soulèvent, les emportent ailleurs, dans un jeu d’illusions, leur Eden slastic.
Dans une salle des fêtes où l’on fait les cours de conduite ou de secourisme, gymnasium improvisé, lieu mal affecté, déqualifié, détourné de sa première et noble destination, on parade, on envisage de devenir l’élite. On pose et on compose. Des élus, croient-ils, qui ne doivent pas démériter. Jamais. En mission de bien-être, de maintien, de domination. Parfois abattus après l’exercice, comme flétris.
Energiques, insensés, ou assis sur leur coffre, sans titre ni particule, ils jouent une épopée, se gonflent et se dégonflent, exhibent des pectoraux de farce, poussent la trille, perdent leur menton, leurs fesses, chantent le berbère ou bien un standard des tribunes de foot. Le corps souvent est en morceaux, bras autonome, main papillon, pied rebelle, et toute l’assemblée des organes n’en fait qu’à sa tête. On s’étrangle, on éructe. Il éternue celui-là et crachote, avec des égarements d’insecte ou de dindon.
Nouveau dogme du muscle tendu, de l’invective virile ou maternelle, religion du mental d’acier, de l’humain inaltérable. Voilà des convertis ! Et leurs élans se font en vase clos, leurs exploits sont pour rien, pour personne, pardi ! A vide. Leurs chimères ? Des hymnes, un podium, une coupe et des médailles, des performances en anglais au haut-parleur…

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Drôle de cirque, manège des pauvres mérites pas généreux. Rengorgement et autosatisfaction de pacotille ; même les chagrins, les moments d’égarement ou de vertige seraient exercices imposés, figures de style. Et pour quelle Félicité ? S’agirait-il d’être des héros de cette terre, des martyrs, dans les sous-sols ou les corridors, les antichambres de la réussite sociale ? On s’éduque, on dresse, un jeune, un chien, une brosse.
La vie comme terrain d’entraînement, réservoir d’épreuves ; dominer les autres espèces et du coup son prochain, être champion toute catégorie du “ petit soi-même ” comme il y a un “ petit ménager ”. Méticuleusement. Une compétition sur place.
Se saluer, se toiser, révérences ou intimidations ; on s’échauffe. Il leur faut un ordre des choses, des entrées et des sorties, alors, la panique générale, l’effroi dans la ruche, les sirènes et tout le tremblement, ça n’était qu’un exercice de sécurité, l’application des consignes, la vérification des comportements de survie.
“ Faire le beau ” voilà leur affaire ! Il leur faut ce noble engagement comme dans les revues pour Princes et Princesses ; ils goûtent aux épreuves de la destinée. Initiation à la principauté. Flairer la voie royale. Saluer les sommets ! Tartarin, Perrichon, Pécuchet, ils partiraient volontiers surfer sur la gloriole , qui promu, qui médaillé, nominé, lauréat, qui couronné glorifié, consacré… Le sentiment de toute-puissance de leur petite personne. Remuante et avisée. Entre clapets, cagibi, lance brosse, interphones, flamby, battoir, Java et aérosols, ils chantent Lakmé et Stevie Wonder, ils parlent crapaud, dansent Clô-Clô ou Granada.
Compagnons du miracle ordinaire avant transfiguration, ils divaguent, avec ce plaisir de faire semblant : celui-là bute dans rien et tremblote de la guibole et sa patte folle devient la jambe dressée du Cadre Noir.
Ce n’est rien que fantaisie et artifice, évocation folle du monde qui rapproche bêtes et gens, toutes espèces confondues, la Dame, l’Hésitant, le Mou, l’Homme-chien, le canard, la Petite, le vigile, avec les humbles façons du spectacle lui-même, de la comédie, illusions, fantaisie, simulation… Faire des grâces et des grimaces à d’invisibles protagonistes. Emerveillement, ratage et fiasco. Le plaisir des mirages, l’élégance et la fragilité de ces illuminés aux candeurs de clowns.

Testament brutal enfin. Ces bouffons, ces fous modernes dans leur sarabande joyeuse, disent, mine de rien, soufflent à qui veut jouer le jeu des miroirs, que notre vie est une pantomime. Nous, les pareils.
Acteurs singuliers et aimés qui laissent la grâce de l’objet guider leur récit, prendre les virages de la fantaisie. Personnages aux hésitations familières.
Rire avec eux de nous-mêmes, complices affectueux, partenaires de ce jeu de chimères, de nos élans dans le vide.

Macha Makeïeff (Notes de travail, février 2001) - La Cour des grands

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La Cour des grands Le 28 avril 2003 à 11h27

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1, Place du Trocadéro 75016 Paris

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Spectacle terminé depuis le dimanche 4 mai 2003

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