Entre l'amour et l'horreur, juste la place d'un monde, le nôtre, abîme dont nous avons, hommes de peu, tout tenté. Et comment se fait-il que, lorsque passe une espérance, on lui fasse la peau comme des voyous ivres dans le fond d'une impasse tuent et retuent leur seule raison de vivre ? Appelez cela, si vous voulez, une tragédie, mais c'en serait alors la parodie sinistre, puisque le sang qu'on y répand n'a plus valeur de symbole : il bouillonne, il fume, et il pue pour de bon.Ou bien une tragédie baroque, parce que contaminée par le grotesque, le trompe-l'il et l'esprit d'épicier (voyons, rapport qualité-prix, que coûte l'espérance ?).
A cette aune, La lune des pauvres est une tragédie baroque. C'est l'histoire de deux types, braves et vulgaires, voués au non-lieu de leur pauvreté, fort embarrassés de cette immérité beauté qui leur tombe entre les mains, l'étrangère ironique et tendre qui vient là pour mourir. Ils s'y prennent comme des manches et la tuent au hasard, sans savoir s'ils l'aimaient. C'est pathétique et bête comme la colère du fou qui hurle contre la pierre où il s'est brisé l'orteil.
Mais dans toute colère il y a de la grandeur, non ?
Jean-Pierre Siméon
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