« Figurez-vous que j’écris une pièce », écrivait Tchekhov à Souvorine en 1895, « que je ne finirai pas, là non plus, avant la mi-novembre. Je l’écris non sans plaisir, même si je vais à l’encontre de toutes les lois de la scène. Une comédie, trois rôles de femmes, six d’hommes, quatre actes, un paysage (une vue sur un lac) ; beaucoup de conversations sur la littérature, peu d’action, cinq pouds d’amour... »
Étant donné que le poud vaut environ seize kilos, Ostermeier fait remarquer que Tchekhov a mis dans la pièce une quantité d’amour égale à son propre poids : « Il a donc mis toute sa personne, tout son amour dans cette pièce – mais aussi tous ses questionnements autour de la possibilité de l’amour ». De fait, dans La Mouette, Medvédenko aime Macha, qui aime Constantin Tréplev, qui aime Nina, qui aime Trigorine, qui est l’amant d’Arkadina... La chaîne amoureuse n’est cependant qu’une des figures du manque qui circule entre tous les personnages. Manque d’existence, de perspectives, auquel répond, pour le jeune Tréplev, le besoin d’une vie plus vraie : « Non pas telle qu’elle est », dit-il à l’acte I, « ni telle qu’elle doit être, mais telle qu’elle se représente en rêve ». D’où l’importance de l’art dans cette pièce, où des artistes qui ont réussi – l’actrice Arkadina, l’écrivain Trigorine – croisent des aspirants à la célébrité littéraire (Tréplev) ou scénique (Nina).
Mais comment aime-t-on ? Et pourquoi écrit-on ? Trigorine se le demande : dans son cas, l’écriture n’a plus rien d’un combat. Elle est une habitude qui lui est nécessaire, une obsession plus ou moins absurde. Quant à cette autre habitude qu’est l’amour... autant aller à la pêche et jouir tout simplement du passage du temps. Nina, fascinée par le « grand écrivain », n’en croit pas ses oreilles, mais c’est pourtant vrai – Trigorine ne partage pas l’admiration qu’elle a pour lui, il n’est pas sensible à cette gloire qui éblouit et attire sa jeune lectrice : ce qu’elle prend pour un sommet sublime, il ne le voit que comme une plaine sans relief, où sa place est d’ailleurs bien modeste.
Là où Trigorine paraît passif et résigné, se bornant à se laisser aimer, Tréplev, lui, voudrait agir, révolutionner l’art théâtral. C’est du moins ce qu’il croit. Plus obscurément, il désire sans doute conquérir définitivement Nina en lui offrant un grand rôle. Mais aussi persuader sa propre mère, Arkadina, qu’elle n’est pas la seule à avoir un don dramatique – et que le talent littéraire de son fils vaut bien celui de son amant... Chez lui, l’ambition littéraire qui paraît tant faire défaut à Trigorine est inextricablement liée à des motifs très personnels. Mais ses différents besoins de reconnaissance – familiale, érotique, sociale, esthétique – se laissent-ils réconcilier ? La résolution des rivalités plus ou moins inconscientes qu’ils impliquent est-elle possible ? Et si vraiment Trigorine occupe un peu pour Tréplev la place du père, comment tuer un père si fantomatique qui jamais n’engage le combat et paraît ne séduire qu’à son corps défendant ?
La vraie vie manque, et avec elle la vraie justice. Car Trigorine ne rêve pas, mais fait rêver ; et Tréplev rêve, mais ne fait pas rêver. Quant à Nina, il ne dépend pas d’elle d’accorder son rêve au réel. Il ne dépend même pas d’elle de l’oublier...
« Tous les grands textes de théâtre », remarque Ostermeier, « contiennent pour ainsi dire plusieurs pièces. Cela vaut aussi pour La Mouette. Est-ce une pièce sur le conflit entre les générations ? Une réflexion sur l’art et le théâtre ? Ou un drame sur les malheurs de l’amour ? » En 2012 encore, il disait reconnaître que Tchekhov est sans doute plus grand qu’Ibsen, mais qu’il préférait monter les pièces du Norvégien : son monde, disait-il, celui de la bourgeoisie, est aussi le nôtre, et nous pouvons en déchiffrer les enjeux. L’auteur de La Mouette, en revanche, lui posait un problème : « J’ai du mal à m’imaginer ses personnages vaguement aristocratiques et pleins d’un ennui si russe dans le monde actuel ».
Trois ans plus tard, relevant le défi jeté à son imagination, voici qu’il aborde Tchekhov pour la première fois en langue française. Il ne manquera ni d’alliés ni d’arguments. D’abord, la nouvelle version sera signée d’Olivier Cadiot, qui fut comme lui artiste associé au Festival d’Avignon. Ensuite, comme disait Vitez, « La Mouette est une vaste paraphrase de Hamlet », une pièce qu’Ostermeier connaît particulièrement bien. Enfin, il retrouve sur cette création une bonne partie de la distribution des Revenants d’Ibsen, dont Valérie Dréville, qui jouera Arkadina après avoir été Nina il y a vingt ans sous la direction d’Alain Françon.
« C'est une Mouette de combat que signe Thomas Ostermeier. Une Mouette-manifeste (..) c’est aussi une Mouette magnifique, qui ne s’en tient pas à la lecture très politique que le directeur de la Schaubühne de Berlin fait de la pièce, mais en déploie le tragique et l’universalité grâce à des acteurs exceptionnels, engagés corps et âme. » Fabienne Darge, Le Monde, 24 mai 2016
Si vous vous intéressez au 49/3, au problème des migrants, aux visions d'Ostermeier sur le théatre contemporain vous y trouverez votre compte, en revanche si vous aimez Tchekhov ! Début totalement ennuyeux et n'ayant rien à voir avec Tchekhov. Ensuite, la pièce démarre mais plusieurs acteurs ont une diction épouvantable et on n'entend rien. Heureusement, d'autres comme Valérie Dréville sauvent la pièce et il y a quelques beaux moments dans la deuxième partie. Je me suis globalement énormément ennuyée et ne trouve pas normal qu'il ne soit pas indiqué qu'Ostermeier et Cadiot ont modifié le texte original du dramaturge russe, qui se semble personnellement bien plus puissant que le leur. J'aime le théatre contemporain et comprends mal cette tendance à réécrire le texte des autres au lieu de créer le sien.
excellente mise en scène, très dépouillée, avec des trouvailles (la peinture à l'encre qui se fait et se défait sur le mur du fond, le terre-plein en bois qui évoque aussi bien le ponton devant le lac que la scène d'un théâtre amateur). C'est la version la plus lisible du texte de la Mouette qu'il m'ait été donné d'entendre, tous les comédiens sont admirables, y compris la nouvelle génération issue du conservatoire. La musique est très belle. C'est une version très poignante de La Mouette, qui parle surtout de l'Art, engagé ou non, de ce que l'on est capable ou non de donner pour créer, que l'on soit idéaliste et entier, ou seulement un "bon" auteur à succès. Valérie Dreville est exceptionnelle en femme narcissique et indifférente aux ressentis et espoirs de son fils .
Malheureusement, je n'ai pas pu entendre et comprendre les comédiens, et en sortant, je me suis rendue compte que plusieurs spectateurs ont été dans le même cas. Dommage que les comédiens et le metteur en scène ne se préoccupent plus de "poser leur voix" pour que le public entende. La fin m'a semblé plongé dans un pathos.. Grosse déception car j'avais vraiment envie de découvrir la troupe et le metteur en scène
Bravo à la jeune peintre pour le tableau qui se compose et se décompose sur le fond de la scène. Bravo aussi aux acteurs , leur jeu est très adapté à la mise en scène bien que leur diction laisse à désirer. Mais le metteur en scène n'y attache pas d'importance comme il l'explique dans le petit livret; dommage car c'est très fatigant! D'ailleurs pourquoi dénonce-t-il les clichés de la mise en scène contemporaine alors qu'il les utilise sans limites?
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Si vous vous intéressez au 49/3, au problème des migrants, aux visions d'Ostermeier sur le théatre contemporain vous y trouverez votre compte, en revanche si vous aimez Tchekhov ! Début totalement ennuyeux et n'ayant rien à voir avec Tchekhov. Ensuite, la pièce démarre mais plusieurs acteurs ont une diction épouvantable et on n'entend rien. Heureusement, d'autres comme Valérie Dréville sauvent la pièce et il y a quelques beaux moments dans la deuxième partie. Je me suis globalement énormément ennuyée et ne trouve pas normal qu'il ne soit pas indiqué qu'Ostermeier et Cadiot ont modifié le texte original du dramaturge russe, qui se semble personnellement bien plus puissant que le leur. J'aime le théatre contemporain et comprends mal cette tendance à réécrire le texte des autres au lieu de créer le sien.
excellente mise en scène, très dépouillée, avec des trouvailles (la peinture à l'encre qui se fait et se défait sur le mur du fond, le terre-plein en bois qui évoque aussi bien le ponton devant le lac que la scène d'un théâtre amateur). C'est la version la plus lisible du texte de la Mouette qu'il m'ait été donné d'entendre, tous les comédiens sont admirables, y compris la nouvelle génération issue du conservatoire. La musique est très belle. C'est une version très poignante de La Mouette, qui parle surtout de l'Art, engagé ou non, de ce que l'on est capable ou non de donner pour créer, que l'on soit idéaliste et entier, ou seulement un "bon" auteur à succès. Valérie Dreville est exceptionnelle en femme narcissique et indifférente aux ressentis et espoirs de son fils .
Malheureusement, je n'ai pas pu entendre et comprendre les comédiens, et en sortant, je me suis rendue compte que plusieurs spectateurs ont été dans le même cas. Dommage que les comédiens et le metteur en scène ne se préoccupent plus de "poser leur voix" pour que le public entende. La fin m'a semblé plongé dans un pathos.. Grosse déception car j'avais vraiment envie de découvrir la troupe et le metteur en scène
Bravo à la jeune peintre pour le tableau qui se compose et se décompose sur le fond de la scène. Bravo aussi aux acteurs , leur jeu est très adapté à la mise en scène bien que leur diction laisse à désirer. Mais le metteur en scène n'y attache pas d'importance comme il l'explique dans le petit livret; dommage car c'est très fatigant! D'ailleurs pourquoi dénonce-t-il les clichés de la mise en scène contemporaine alors qu'il les utilise sans limites?
Du Tchekov réécrit mais quasiment inaudible de mon placement en corbeille. Pourtant, les sons montent....des acteurs qui mériteraient de faire un effort de diction. Pour le reste, et un début un peu hard, la pièce finit par nous rendre captifs. Mais que d'efforts doit faire le spectateur, à la fois dans la perception du décalage avec la pièce authentique et les effets de la mise en scène. A voir un jour où il fait beau pour ne pas ressortir triste.
Moi qui aime les beaux décors et les beaux costumes (j'ai découvert le théâtre grâce à l'émission "au théâtre ce soir") je ne comprends pas ce que le minimalisme apporte à une oeuvre. Désolée je suis comme ça ! Cela ne m'a pas empêché d'apprécier le jeu de certains acteurs ou actrices et la peinture faite en direct. En revanche je déplore qu'une grande partie du texte soit inaudible. Personne n'a eu l'idée lors des répétitions de se placer à différents endroits afin de vérifier si chaque spectateur entendait bien ? Allez voir (et entendre) "Un amour qui ne finit pas" au Théâtre Antoine c'est un pur bonheur !
De belles trouvailles pour faire l'épreuve de la Mouette dans un sens contemporain, de bons acteurs qui donnent envie , pour finir, de relire le texte original...Les maniérismes: micros, tirades sur l'actualité n'ajoutent rien, et un effort de diction est nécessaire...pour que l'effort d'audition ne gâche pas le plaisir du spectateur...Un conseil: un peu de patience, la pièce finit par s'installer, et c'est alors vraiment bien.
qu'est ce qui est arrivé au grand Ostermeier, sa "Mouette est consternante: on ne comprend rien à ce que disent les acteurs ( à mon avis c'était la première fois qu'Ostermeier dirige des comédiens directement en français) et rien à l'histoire elle-même en raison des coupes auxquelles il a été procédé ( je défie quiconque qui ne connaît pas bien cette pièce de comprendre!) une seule chose bien la peinture entrain de se faire en fond de scène c'est quand même peu
Désarmant les premières minutes mais devient vite un spectacle captivant. Placée au 1er rang sur le côté 1er balcon : les acteurs jouent pour eux et oublient complètement les spectateurs. Sans avoir de problème d audition, je n ai du entendre qu un tiers de la pièce ....
La mouette sans tchekov Du théâtre sans le son: on entend rien! Un ensemble ridicule .
Avec un naturel désarmant, Ostermeier adapte Tchekhov et l'emmène dans notre temps contemporain avec des comédiens confondants de réalité. On est dedans, on oublie complètement les artifices de la mise en scène et de l'adaptation, une irruption forte et bouleversante du génie de Tchekhov dans notre vie. Grand frisson théâtral !
J ai adore. Les comédiens sont excellents. La musique est dingue. Pour une fois que le theatre classique revu à la sauce contemporaine n est pas barbant. Cela reste poétique. L artiste aussi etait exceptionnelle.
allez y... n'hésitez pas...si vous voulez vous punir!
Les acteurs parlent pour eux et malheureusement pas pour la salle,à l'exception (relative) de Constantin.
Certe les acteurs ne déclament plus, mais de là à jouer entre eux sans s'occuper de la salle..... Sans doute conscients du problème ,ils ont pris un micro sur pied deux ou trois fois pourquoi ne l'ont ils pas gardé. La prochaine version sera peut être silencieuse, ce sera une occasion de changer le titre pour " La Muette "
Place de l'Odéon 75006 Paris