La Pensée

Paris 11e
du 6 janvier au 24 février 2005
1H05

La Pensée

Le 11 décembre 1905, le médecin Anton Ignatevitch Kerjentzef commit un assassinat. Les circonstances du crime, de même que différents faits qui l'avaient précédé, donnèrent lieu de supposer qu'il y avait quelque chose d'anormal dans l'état mental du meurtrier. Conduit à l'établissement psychiatrique Elisabeth pour y être examiné, Kerjentzef fut soumis à la surveillance minutieuse et sévère de plusieurs spécialistes expérimentés…

Résumé
La scène
Le texte
55975

Le 11 décembre 1905, le médecin Anton Ignatevitch Kerjentzef commit un assassinat. Les circonstances du crime, de même que différents faits qui l'avaient précédé, donnèrent lieu de supposer qu'il y avait quelque chose d'anormal dans l'état mental du meurtrier. Conduit à l'établissement psychiatrique Elisabeth pour y être examiné, Kerjentzef fut soumis à la surveillance minutieuse et sévère de plusieurs spécialistes expérimentés.

Un mois après son admission, le docteur Kerjentzef présenta aux experts un mémoire écrit par lui, et dans lequel il donnait des explications sur ce qui s'était passé. Voici ce document qui, joint à d'autres matériaux fournis par l'enquête, servit de base à l'expertise médico-légale...

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Lorsque Frédéric Jessua m'a proposé de travailler avec lui sur La Pensée, j'ai tout de suite été séduit par les possibilités de jeu qu'offrait un tel texte pour un comédien : une situation simple, des sentiments riches et complexes, des états paroxystiques et une violence du propos radicale. Ces mêmes qualités, je les ai perçues ensuite comme des pièges : comment éviter l'écueil du numéro d'acteur, de la performance gratuite qu'accentue la brillance parfois clinquante de l'écriture ? Or, voilà ce qui s'avère passionnant...

La raison d'être de Kerjentzef, les forces qui le poussent à agir et à transgresser la morale ne sont pas tant, à mes yeux, la jalousie comme il l'avoue lui-même, ni la vengeance, ni une volonté farouche de faire voler en éclats les conventions, mais le besoin vital de se sentir exister à travers le masque de la représentation, par la recherche illusoire d'un état quasi nietzschéen, projection ambitieuse et pathétique de soi. Kerjentzef élabore son plan de meurtre et articule finalement son existence entière autour du postulat suivant : la vie ne comprend pas notre vraie valeur ; trompons-là en s'inventant un rôle dont la partition doit être parfaitement maîtrisée. Terrible aveu d'échec, que seul un engagement total et absurde dans la dissimulation et la tromperie, véritable suicide social, viendrait contrecarrer. " ... Et, plus je mentais aux hommes, plus je devenais impitoyablement véridique envers moi-même... ".

Au fond, il nous importe peu de savoir si Kerjentzef est fou ou non. Et d'ailleurs, a-t-il vraiment tué ? Fait-il réellement face à des juges ou experts, ou à sa propre conscience ? Son enfermement n'est-il pas simplement le fruit de son dérangement mental ? Car fou ou non, son intelligence à laquelle il voue une dévotion sans bornes le conduit inéluctablement, par un narcissisme effréné, vers le doute et la déraison.

L'intérêt de mettre en scène La Pensée ne réside donc à mon sens pas dans la représentation d'un état psychologique, voire psychanalytique de Kerjentzef, raison pour laquelle nous avons choisi d'éviter toute forme de réalisme et de ne pas nous attarder sur les références assez confuses à l'enfance du personnage notamment, mais dans la mise en forme spectaculaire de la pièce que se joue Kerjentzef dans une caricature d'acteur.

Nous nous attacherons donc à faire vivre cette théâtralité par des axes et des éléments de jeu les plus lisibles possibles : exploitation d'un petit espace scénique, où, tel un enfant, Kerjentzef joue (avec des personnages imaginaires, avec lui-même, avec son image), mise en abîme (Kerjentzef joue sous nos yeux la partition qu'il s'est inventée), multiplication des adresses (à lui-même, à ses "doubles", au public) et des ruptures, déguisement, travestissement, tout ce qui peut signifier le dérèglement de la personnalité où Kerjentzef se perd, pour atteindre le délire.

Ghislain Lemaire

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L'intimité, extravertie principalement, mais aussi impudique, souvent dérangeante, voire même exagérée et en fin de compte évidente, qui transpire du texte d'Andreiev m'a poussée à endosser le costume (le déguisement ?) du Docteur Anton Ignatievitch Kerjentzef.

Comment un homme prétendant aimer une femme, peut-il se permettre de tout détruire sur son passage, à commencer par lui-même ? Qu'est-ce qui va pousser quelqu'un à se claquemurer dans ses certitudes allant jusqu'à pénétrer intimement dans l'espace vital de l'autre pour mieux l'anéantir ? Ces paradoxes peuvent s'expliquer, se justifier, par la folie, mais là encore le Docteur Kerjentzef a déjà formulé sa réponse...

Anton Ignatievitch est-il fait pour ce monde ? Le monde est-il déjà trop petit pour lui ? S'aime-t-il trop au point de détester tout le monde ? S'est-il trompé ? Les experts en charge du cas Kerjentzef connaissent la réponse, puisque ce sont des experts ; à moins que leur ignorance en la matière les conduise à se voiler la face ?

Le narrateur (le personnage, c'est tellement plus agréable !) expose ses règles et nous entraîne loin dans la danse : il se pourrait que l'amour commence, se poursuive et s'achève comme dans un jeu d'enfant ; passant de la plus parfaite insouciance au comble de la souffrance (ne parlons pas de l'extase) sans qu'aucun signe extérieur nous permette d'en saisir la différence.

Les hommes sont des menteurs, les femmes sont des mensonges...

Frédéric Jessua

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Les unités 55975 réunissent occasionnellement autours de projets théâtraux... ou autres... Comédiens, metteurs en scènes et techniciens mettent leurs énergies en commun.

La Pensée de Léonide Andreiev, après Dans la Solitude des Champs de Cotons de Bernard-Marie Koltès (m.e.s. Frédéric Ozier/Théâtre du Moulin-Neuf), est leur deuxième rendez-vous.

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Spectacle terminé depuis le jeudi 24 février 2005

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