Elle vient ici tous les jours. Elle ne veut plus rester tapie dans son deux pièces. Et ce matin, elle a particulièrement confiance en elle. Il faut dire qu’elle est habillée en fuchsia et qu’elle a le numéro 22 ! Cela fait deux ans qu’elle vient, et cette agence ANPE est un peu devenue son salon.
Elle s’y fait des amis, elle y croise de nouvelles têtes. Elle lit le dictionnaire pour se détendre, joue la vedette américaine pour se faire rêver. Et elle discute en attendant son tour. Elle parle d’elle, des autres, de son amoureux qu’elle a rencontré ici, de son fils qui n’est pas bien malin, de la déco, de son quotidien.
Et par moments, elle est ailleurs, dans ses rêves de star ou ses rêves étriqués, une bande son dans la tête, sur les accords improvisés d’une clarinette, elle s’envole. Quand elle était petite elle voulait être chanteuse américaine. Elle aime bien se le rappeler.
Elle voulait aussi être chercheuse d’or et elle se dit que finalement elle a de la chance, elle réalise un peu son rêve d’enfant, elle cherche l’or, aussi rare et précieux que le « vrai » travail qu’elle espère, pour refaire, un jour, partie des autres. Alors, elle revient, elle revient encore. Et elle se dit chaque jour qu’aujourd’hui, c’est le bon.
Création musicale et clarinette : Vincent Boisseau / Nicolas Naudet.
J’ai commencé par noircir les pages de journaux intimes cadenassés. Ces pages griffonnées sont devenues avec le temps des chansons, des poèmes, puis des textes théâtraux. Et mon intimité a commencé à se confondre avec celle de mes personnages.
La Chercheuse d’Or aurait pu être moi si je n’avais pas été comédienne. La Chercheuse d’Or porte les espoirs et les doutes de beaucoup de femmes, de ces mères « célibattues », débrouillardes et romantiques, de ces midinettes solitaires qui cherchent leur place, dans la société, dans le bus, dans le coeur de quelqu’un. De ces femmes qu’on ne voit pas, tant elles sont communes.
Et pourtant, c’est l’une d’entre elles que nous mettons au devant de la scène. Après tout, sa destinée en vaut bien d’autres. Et cette petite bonne femme se révèle finalement beaucoup plus surprenante que ce que l’on pourrait en deviner si on la croisait dans le métro.
Elle aurait pu venir en son moi qui lui sert de moi de tous les jours, mais finalement, elle est venue en son moi fuchsia, celui des entretiens d’embauche. Histoire de faire bonne impression. Parce qu’on lui a dit au stage confiance en soi que c’était le fuchsia qu’il lui fallait.
Petit à petit, elle pose son décor qu’elle sort d’un gros sac plastique de hard discount. L’action est sensée se situer dans une salle d’attente d’ANPE, et puis finalement, nous nous retrouvons chez elle, en elle.
6, rue Frochot 75009 Paris