La contrebasse

Bagnolet (93)
du 11 au 15 juin 2009

La contrebasse

Un exemple magnifique – et rarissime - de théâtre populaire contemporain. Ce texte noir, douloureux, à l’humour grinçant a comme héros un homme moyen, un contrebassiste anonyme, une sorte « d’ouvrier spécialisé » de l’orchestre classique.

Le spectacle
Extrait
Notes de lecture
Le projet
Les options de mise en scène
La presse

« Il s’agit là – à côté d’une quantité d’autres choses – de l’existence d’un homme dans sa petite chambre »

Par la compagnie Ligne 9 Théâtre

  • Le spectacle

De par sa forme, de par le succès qu’elle a rencontré, absolument partout où elle a été jouée, La Contrebasse est un exemple magnifique – et rarissime - de théâtre populaire contemporain. Ce texte noir, douloureux, à l’humour grinçant a comme héros un homme moyen, un contrebassiste anonyme, une sorte « d’ouvrier spécialisé » de l’orchestre classique.

Seul dans sa chambre, avec son instrument, ses rêves brisés, son désespoir, sa mauvaise foi, son petit alcoolisme, ce « quelqu'un » - comme dit l’auteur - se révolte et se débat. il y a du tragique et de la lutte des classes qui s’expriment dans ce texte.

  • Extrait

"Ce que je veux dire,
C’est qu’il est évident que la contrebasse est de très loin l’instrument le plus important de l’orchestre, ni plus ni moins.
A le voir comme ça, on ne dirait pas.

Pourtant c’est lui qui constitue tout le fondement orchestral indispensable qui peut soutenir tout le reste de l’orchestre, y compris le chef. […]

Par ailleurs, je suis contre le jazz, et le rock, et toutes ces choses-là.
Toute ma formation d’artiste classique me porte vers ces valeurs qui sont : Le Beau, le Bon et le Vrai : -Aussi ai-je particulièrement horreur de cette anarchie que représente l’improvisation libre. Mais enfin c’est un détail."

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  • Notes de lecture

La Contrebasse , un phénomène théâtral
Ce texte a plus de 25 ans. À l’origine, c’était une pièce radiophonique, et Patrick Süskind était encore un auteur complètement inconnu. Le texte a été traduit dans une vingtaine de langues. Un public énorme, d’innombrables lecteurs ont fait de ce texte un véritable phénomène, attirant des interprètes très divers, des acteurs vedettes et des anonymes, des scènes d’Etat et des scènes privées, des institutions comme des jeunes compagnies.

Un théâtre populaire
Ce mono-drame a comme héros un homme moyen, un contrebassiste anonyme, une sorte «d’ouvrier spécialisé » de l’orchestre classique. Seul dans sa chambre, avec son instrument, ses rêves brisés, son désespoir, sa mauvaise foi, son petit alcoolisme, ce « quelqu'un » - comme dit l’auteur – parle, en attendant qu’il soit l’heure d’aller au travail. Il s’empêtre dans ses pensées, se dévoile, se met à nu, s’effondre, cherche à se relever.

La Contrebasse est un exemple magnifique – et rarissime - de théâtre contemporain devenu populaire : un texte noir, douloureux, à l’humour grinçant et qui reste pourtant accessible au plus grand nombre. Car il y est question à la fois de l’intime et du collectif, d’un être humain, dans ses grandeurs et ses petitesses, aux prises avec la machinerie sociale – ici représentée par l’orchestre classique, corps hiérarchisé par excellence.

Au travers de toute une réflexion sur l’histoire de la musique classique, sur le fonctionnement cloisonné de l’orchestre, au travers de son amour pour une chanteuse d’opéra qu’il n’atteindra jamais, il y a du tragique et de la lutte des classes qui s’expriment dans ce texte.

Ce n’est donc sans doute pas seulement le ton, certes souvent drôle, du texte qui en a fait le succès, mais bien cette reconnaissance profondément intime qu’éprouve le public à l’écoute de ce monologue, car c’est une expérience existentielle inhérente à l’humain qui, ici, prend corps.

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  • Le projet

Ce projet est né de la rencontre de deux artistes culturellement très proches : Hubertus Biermann et Natascha Rudolf. Bien que partant du texte tel qu’il est, c’est un projet très personnel que nous proposons et dans lequel la présence de Hubertus Biermann, acteur et contrebassiste, nous permet d’explorer la relation physique et pulsionnelle à l’instrument et à la musique.

La relecture du texte
Tous deux allemands, nous avons réinscrit ce texte dans son contexte culturel. Effectivement, La Contrebasse parle d’un contrebassiste allemand, aux prises avec l’héritage immense et potentiellement étouffant de la grande musique allemande et qui tente d’exister en tant que musicien face à ces monstres sacrés. Ce musicien allemand se confronte aussi, à un moment donné, de manière malaisée et maladroite à la blessure que représente pour lui, la relation qui a pu exister entre le nazisme et la musique…Il nous est apparu également, qu’avec les apports musicaux et sonores, certaines parties du texte devenaient pléonastiques. Nous avons effectué certaines coupes, parfois très elliptiques, qui apportent des plages de silence, de jeu théâtral et de musique. Elles intègrent du mystère, du trouble et sortent à certains moments le texte de son apparente logique et clarté.

L’apport musical
À notre connaissance, La Contrebasse est la seule pièce de théâtre qui a comme héros un instrumentiste et son instrument. Ce n’est pas du théâtre musical au sens de Maurizio Kagel ou de Georges Aperghis, où l’action musicale prime. Dans La Contrebasse, ce qui prime, c’est le flot de paroles d’un homme incapable d’appréhender le reste du monde et les relations humaines, autrement qu’au travers de la musique. Comment cet homme, pour qui la musique est tout, vit-il avec son instrument, au-delà de l’anecdote, liée à la forme féminine de la contrebasse ? Comment les frustrations, artistiques et amoureuses, les rêves, les angoisses et l’ego peuvent-ils être entravés, amplifiés ou sublimés par la pratique réelle de la musique ? Pour questionner ce rapport charnel et concret à la musique, Hubertus Biermann, joue de la contrebasse et chante à différents moments-clés du spectacle. Ces respirations musicales sont des véritables espaces de liberté et d’évasion - tant pour le personnage que pour le musicien - qui improvise chaque soir sa musique.

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  • Les options de mise en scène

Ce qui nous intéresse ici, c’est le dit - il est amplement présent dans ce texte complexe et tortueux – mais surtout le non-dit abyssal, le « dit autrement » par des vecteurs tels que, la musique, le corps, les relations à l’instrument, à l’espace étriqué de la chambre, au monde extérieur.

La question de l’adresse
La Contrebasse est un texte clairement adressé. À qui parle cet homme ? La première réponse, évidente, est qu’il parle au public, tel un artiste de cabaret, dans une sorte de conférence sur l’histoire de la contrebasse, conférence qui déraperait très vite. Ou encore, qu’il est fou, parlant aux murs, à un « vous » imaginaire…

Nous pensons plutôt à l’animal de zoo, à l’image du gorille en cage… Le gorille nous voit l’observer. C’est nous qui sommes venus le voir, mais c’est lui qui est chez lui. Il est dans son temps, dans son espace. Il nous tolère, il nous regarde parfois, mais le plus souvent, il nous ignore et fait ce qu’il a à faire, nous rendant ainsi voyeurs parfois, de choses très intimes. À d’autres moments pourtant, il intègre notre présence, réagissant à un bruit, s’arrêtant net pour nous observer et parfois même, il va jusqu’à faire quelque chose «pour» nous. Quelque chose de touchant, de troublant ou de provocant, quelque chose qui est déclenché par notre présence dans son espace. Il fait ce qu'il lui est nécessaire de faire, librement, en suivant sa logique organique.

Un texte « redoutable » à dire
Ce texte propose un univers mental : l’action, c’est la pensée tortueuse d’un homme confiné dans sa chambre et dans sa tête. On y entend le malheur, les défenses, la mauvaise foi, les constructions mentales névrotiques du discours… Malgré tout, il nous entraîne inexorablement vers ce qui est tu, et cette accumulation de mots raconte paradoxalement la difficulté de dire. Nous souhaitons faire entendre cette difficulté du dire.

Le phrasé du texte
A certains endroits, nous laissons flotter ce texte pour contrer un peu sa redoutable mécanique en l’émaillant de silences et d’ellipses. À d’autres moments, au contraire, il est nécessaire de faire entendre la pensée nécrosée qui ressasse et tourne en rond. Ailleurs nous abordons des pensées qui coupent le souffle, ouvrent des gouffres, font naître un cri ou un silence béant.

La relation entre la musique et les mots
Nous voulons explorer par les mots, les silences et les sons, la teneur de la relation du personnage à son instrument, cette relation, faite d’amour, de haine et de musique. Les « mots » et la « musique », peuvent se contredirent parfois totalement. Le personnage peut fustiger sa basse et en jouer aussitôt avec passion, rage ou grande douceur, dans un moment de total abandon. Il peut, lui qui prétend haïr son instrument - mais nous pensons qu’il l’aime aussi - toucher cette utopie qu’est le son libéré de toute référence, de toute contrainte et que cet
instrument « archaïque » s’envole, et lui avec.

Et puis il y a la présence du chant : deux Lieder de Schubert, une rengaine d’amour de jeunesse, des sons modulés... La musique est notre partenaire de jeu. Elle permet d’exprimer l’indicible, de faire des
diversions, de se ressaisir, de se réfugier, de se perdre encore plus…

La scénographie, la lumière et le son
C’est une scénographie légère, loin de tout réalisme facile, qui n’enferme pas le jeu. Cette « chambre », au graphisme contrarié, dérive sur le plateau du théâtre. L’espace scénique est volontairement contraignant, à peine plus large que la basse. Un espace dans lequel le personnage vit physiquement son entrave, où il doit tourner, longer, plier, enjamber, contourner, pousser les objets en permanence.

Un fil d’où pendent des chemises blanches traverse le plateau, déborde largement l’espace de la chambre. Sorte de fil ténu de la réalité, de rappel de la « condition » de fonctionnaire de l’orchestre… La lumière et les sons bougent selon des codes non réalistes.

Le plateau sonorisé, permet de travailler et de faire évoluer des sons en direct. Au fur et à mesure que le personnage perd pied, l’espace, la lumière et le son participent, de manière subtile et jamais illustrative, à cette déréalisation, à ces distorsions de notre perception.

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  • La presse

"Hubertus Biermann, comédien et musicien, fait renaître la pièce La Contrebasse, de Patrick Süskind, auteur du Parfum, est un texte difficile. Mythique, mais difficile. Difficile, mais très facile à jouer mal. Plus de vingt-cinq ans d'âge, traduit en vingt-cinq langues, joué sous toutes les latitudes, moderne et populaire à la fois, le texte résiste. Pourquoi ? Pour ce qu'il dit justement : un homme seul, vraiment seul, " quelqu'un ", contrebassiste de son état, contrebassiste fonctionnaire qui plus est (musicien de fosse, prolo parmi les prolos), pense à haute voix. Seul au point d'être amoureux, amoureux comme une chèvre, de la jeune soprano qui ne le voit même pas. Il débloque, il picole et il se prépare pour la première de L'Or du Rhin.

Des trois ou quatre versions de cette pièce que nous avons vue, celle-ci - mise en scène de Natascha Rudolf, éclairage de Luc Jenny, son de Stéphane Seddoh - n'est pas seulement la meilleure : elle efface tout ce qui a pu être fait déjà. Comment ? Par une double présence, celle d'un fantastique comédien, Hubertus Biermann, Hubertus Biermann et sa contrebasse. Sa vraie contrebasse. Car il en joue depuis quarante ans (rock, punk, musique improvisée ou contemporaine). Et ici, il en joue dans un rectangle très délimité : dispositif à la fois rigoureux et contraignant ; mise en espace sans réalisme ; lignes tracées au sol, style terrain de sport ou vie tout court, mais dans la vie, on feint de ne pas les voir.

La folie tout court. Hubertus Biermann est allemand d'origine, fils de prolos, désigné par le ciel et l'enfer pour le rôle. Courez-y. A qui parle-t-il ? A " nous ", bien sûr. C'est une causerie qui tient de Lacan, du clown Grock et d'un pauvre type. Léger accent inimitable, lettré, musculature de coureur de demi-fond, gueule d'un gars qui aurait échappé à l'usine, Biermann joue violent et juste, pas parce qu'il est contrebassiste : parce qu'il entend le texte. Il entend sa bêtise. Il entend sa tristesse. Il alterne allemand et français. Et du coup, il navigue à vue entre l'hypothèse du génie, la déglingue qui n'a rien d'une hypothèse, le ratage en tout, et la folie. La folie d'amour et de grande musique. Mais aussi, la folie tout court. Il joue, il improvise, il a un son de corne de brume, il ne truque jamais. Un instant, il chante en tremblant un lied de Schubert sur un poème de Goethe et ce n'est pas la seule fois que nous, pauvres pommes, on est au bord des larmes.

En regard, la version de Jacques Villeret (1951-2005) reste la plus touchante : grâce à son corps à lui, sa détresse personnelle, son côté bouffon. Sinon, ce texte fait peur. Donc, il fait rire. Si on le densifie, comme Natascha Rudolf et Hubertus Biermann l'ont fait, si on se paie le luxe de le re-germaniser, tout change. On plonge alors dans les pires sous-sols, les paradoxes (musique et nazisme, bon sujet pour le baccalauréat, les enfants), les immondices du désir, dont la contrebasse est le point de transfert rêvé. A condition qu'un vrai contrebassiste s'y colle, Hubertus Biermann, et que de surcroît, il soit comédien-né."

Francis Marmande, Le Monde

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Spectacle terminé depuis le lundi 15 juin 2009

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