Présentation
Notes de mise en scène
Quelques notes sur
La Folle Journée ou le Mariage de Figaro
Histoire de désir
La plus badine des intrigues. Un grand Seigneur espagnol, amoureux dune jeune fille quil veut séduire, et les efforts de cette fiancée, celui quelle doit épouser, et la femme du seigneur, réunissent pour faire échouer dans son dessein un maître absolu, que son rang, sa fortune et sa prodigalité rendent tout-puissant pour laccomplir. Voilà tout, rien de plus. La pièce est sous vos yeux.
Beaumarchais
Extrait de la préface du Mariage de Figaro
Le besoin de dire à quelquun « Je vous aime » est devenu pour moi si pressant que je le dis tout seul, en courant dans le parc, à ta maîtresse, à toi, aux arbres, aux nuages, au vent qui les emporte avec mes paroles perdues. Et si personne ne mécoute, je me parle damour à moi-même.
Il y a un accès simple du peuple au plaisir que rien ni personne ne peut entamer. A linverse, les maîtres désirent désirer. En vain. Pour soutenir la fiction de leur désir, lui trouver une cause, ils convoquent de la façon la plus violente le corps populaire pour en interroger le secret, lui supposer une jouissance en soi, à réglementer et dont se nourrir. " Serge Daney, A propos de Salo ou les cent vingt jours de Sodome de Pasolini.
«... Un espace clos, un espace de nuit. Comme pour une fête. La nuit tombe à la fin de chaque tableau ; on entend dans la nuit le rire des acteurs. Ils rient du miracle. Ils rient de l'impossibilité humaine du miracle (et par conséquent de la possibilité perpétuelle du miracle divin). Ils rient de voir le désir accompli par l'illusion de l'art, et en même temps inaccompli. Comme si chaque représentation avait lieu le jour de la fête des miracles ? une fête que nous aurions inventée...» Antoine Vitez, Le théâtre des idées
"Le Comte : Si c'est Suzanne, d'où vient le trouble où je vous vois ?
La Comtesse : du trouble pour ma camariste ?
Le Comte : Pour votre camariste, je ne sais ; mais pour du trouble, assurément."
(Acte II, scène XII)
"... Toute révolution, tout bouleversement par la force trouve un dénominateur commun dans ce que nous respectons ou méprisons dans notre relation à la notion dhumanité." Odon von Horvath
... Il y a un accès simple du peuple au plaisir que rien ni personne ne peut entamer. À linverse, les maîtres désirent désirer. En vain. Pour soutenir la fiction de leur désir, lui trouver une cause, ils convoquent de la façon la plus violente le corps populaire pour en interroger le secret, lui supposer une jouissance en soi, à réglementer et dont se nourrir. Serge Daney à propos de Salo ou Les Cent vingt jours de Sodome de Pasolini.
La première fois que jai lu le Mariage de Figaro jai entendu une force que je ne savais pas nommer. Je confondais mon intérêt pour la pièce et son sujet avec une tendresse un peu ridicule pour ses personnages. Plus tard jai continué à ny voir quun théâtre confortable fait pour un public confortablement installé et à qui lon proposerait un comique bourgeois.
Je crois savoir aujourdhui nommer cette force. La désinvolture de Beaumarchais à légard de sa fable est un symptôme de son obstination à une séduction de linstant par le langage. Cest ce mouvement éperdu vers la séduction qui est le nerf de la pièce. Nont le pouvoir ici que ceux qui prennent la parole. Dès quon se tait, on perd le pouvoir. Dès que lon répond mal à un jeu de mot lancé par un autre comme un défi, on perd le pouvoir. Cest linstinct de survie qui fait inventer du langage aux personnages.
Le Mariage nest pas une suite de tableaux charmants traversés par lespièglerie damants frivoles où Beaumarchais chahuterait (un peu quand même au passage) les valeurs déjà branlantes de laristocratie par le truchement dun affrontement bien repérable : Figaro le valet contre Almaviva le maître. Les fausses confidences, les faux billets, les faux rendez-vous sont prétexte à une vraie guerre, avec ou sans méthode. Guerre des classes et guerre des sexes avec le plaisir de faire durer, de jouir du conflit, de philosopher dans les boudoirs, de faire le théâtre du désir, des liaisons dangereuses. Des semblants darmistices : lultime pardon de la Comtesse au Comte ressemble à celui que le Commandeur naccorde pas à Dom Juan.
Les figures du Mariage, dans un pressentiment quelles ne savent pas nommer (limminence dun "bouleversement par la force"), sentrechoquent et dérapent, jouissant dêtre malmenées par une force qui les dépasse, celle du désir à la surface, et celle, en profondeur, de la fécondation par le langage dun nouvel état des corps, une maïeutique sans laquelle aucune révolution nest possible. Une histoire de survie.
Il y a donc que la trame est moins importante pour Beaumarchais que la langue qui la parle.
Parler sur la scène de ce théâtre cest prendre lespace et arrêter le temps. La force du jeu ici sexerce dans lécart entre la violence des enjeux et lapparente simplicité du texte. Lenjeu majeur est bien la jouissance de faire durer lintenable, voler du temps au temps dans lespoir et leffroi que le désir finira par enlever son masque, que la "vérité toute nue"... Lart de différer, lart de faire lamour.
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La pauvreté/richesse, la naïveté/sophistication du vocabulaire, de linterdépendance syntaxique des répliques entre elles est loutil de cette jouissance.
La folie de Beaumarchais est davoir fait, à ce point, du langage un motif du désir, un instrument de jouissance hic et nunc et non un outil de désignation de son sujet. La préface du Mariage souvre sur le thème de la décence au théâtre, car ce qui a choqué et qui séduit maintenant avec autant de force cest bien le caractère érotique de lécriture de Beaumarchais et non la représentation dun badinage, même audacieux. Lauteur frôle lindécence et affole la censure.
Donc le titre véritable de la pièce est La Folle journée. Tout ici est affolement. Ces gens-là sont possédés. Le souffle dEros dont Chérubin est la représentation à peine masquée fait vaciller les valeurs conventionnelles du pouvoir (le Comte Almaviva ne se remet effectivement pas davoir aboli le droit du seigneur) et chacun sabaisse aveuglément à ce qui lui dicte son désir (lattirance de Marceline pour Figaro "ne se trompait que de motif").
Ici lespace tentera de parler de cet égarement entre la réalité dun plancher trop pentu, déjà fissuré, condamné au naufrage, Versailles déjà qui chavire, et lartifice, lillusion des toiles peintes, vieux décors dopéra, que les figures de la noblesse dresseraient comme les voiles dun bateau pour faire durer leur histoire telle quils se la représentent - et tous sembarquent, sans le savoir, vers Cythère.
Et nous tenterons nous de peindre cette fête dionysiaque où une troupe dinsensés se paye le luxe dun théâtre du désir, où la parole habille et déshabille, où les corps trébuchent comme autant de lapsus et où, méprisant les signes avant-coureurs des bains de sang à venir, les acteurs profitent de cette journée. Leur dernière folle journée.
Jean-François Sivadier
Octobre 1999
Quelques notes sur La Folle Journée ou le Mariage de Figaro
Une relecture du texte de Beaumarchais
Comment travailler un classique, un texte aussi connu que Le Mariage de Figaro, sans forcément tomber dans cette musique de convention qui laccompagne ? Il fallait reprendre le texte, le sentir physiquement dans sa matière concrète, créer un rapport personnel avec lui, en faire un laboratoire.
Jean-François Sivadier sest donc lancé dans un long travail de " retraduction " de cette langue française, et propose une approche différente de la pièce. Pourtant, aucune ligne na été modifiée. "Faire entendre le texte comme une langue étrangère, mais en même temps laisser le plaisir de connaître et de reconnaître" un texte. Didascalies et ponctuation ont été enlevées. La respiration est réinventée pour ne pas tomber dans des tonalités habituelles, faire en sorte que les acteurs soient en train décrire le texte, davoir lair dimproviser.
À partir de trois versions éditées, Jean-François Sivadier présente une version nouvelle, où certains personnages ont pu être étoffés. Il fallait mettre en avant les jeux de langage dont Beaumarchais fait preuve, lui qui explore les situations de théâtre, invente le vaudeville et pressent le mélodrame.
Limportant nest pas tant lhistoire que la langue. Dailleurs, les invraisemblances de lintrigue sont aussitôt relevées par la joute incessante des personnages.
Un nouvel espace-temps
Cest une pièce a-centrée. Chaque personnage qui arrive change la configuration de lespace. Il ny a pas de place pour la psychologie et il sagit de se mettre hors de soi, ne pas essayer dentrer dans une intériorité factice.
"Mettre le corps dans la tourmente", cest ainsi que le décor a été conçu. Les personnages, sont pris dans des situations toujours plus fuyantes. Il en est de même physiquement sur la scène, avec un système de plateaux mobiles qui se dérobent sous les pas.
Laction sinscrit dans le présent. Mais les costumes permettent un continuel aller-retour entre le 18e siècle et aujourdhui. Tout comme les personnages se déguisent, le texte est un masque qui révèle les gens et les rend libres.
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Une hystérie générale sempare de cette folle journée. LEspagne, le flamenco. Sivadier nourrit le rapport à létranger, pas seulement dans la langue. De façon subtile, la politique se place à tous les niveaux. Si Beaumarchais faisait référence à ses contemporains, Jean-François Sivadier actualise ces enjeux de pouvoir qui, petit à petit, dérivent vers lintime, le désir.
Il convoque lénergie, la légèreté et la précision de la comédie musicale. À travers les chants, la musique, la danse et les costumes, un rapport de séduction sinstalle, parfois dans la violence.
Comment traiter les foules ?
Cette journée se veut festive. Le public nest pas seulement témoin, il y prend part. Réunis dans un espace commun, les spectateurs seront confrontés à la même étrangeté, et participeront à lécriture.
Nous avons passé un excellent moment !!! Nous appréhendions la durée des quatre heures.... mais au final nous en aurions bien dégusté une de plus ! Bravo pour cette belle mise en scène et ce très bon jeu des comédiens !
Pour 1 Notes
Nous avons passé un excellent moment !!! Nous appréhendions la durée des quatre heures.... mais au final nous en aurions bien dégusté une de plus ! Bravo pour cette belle mise en scène et ce très bon jeu des comédiens !
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