Résumé
Extrait
L’absurde chez Ionesco
Mise en scène
L’auteur
Une jeune élève quelque peu naïve et sotte, vient prendre un cours chez un professeur afin de se préparer pour son « doctorat total ». Cette bien singulière leçon qui commence sur le ton d’un duo euphorique tourne rapidement au vinaigre. Le professeur laissant libre cours à ses pulsions sadiques, l’élève n’a plus d’autre voie que celle de subir le matraquage qui lui est infligé. L’engrenage dans lequel chacun tient son rôle (domination et soumission) se déroule de manière crescendo jusqu’à l’issue fatale…
… Ecoutez- moi mademoiselle si vous n’arrivez pas à comprendre profondément ces archétypes, ces principes arithmétiques, vous n’arriverez jamais à faire correctement un travail de polytechnicien, encore moins ne pourra-t-on vous charger d’un cours à l’école polytechnique… ni à la maternelle supérieure…
L’absurde offre une bouffée d’air de temps à autre, telle une soupape face au drame qui se déroule directement sous les yeux du spectateur. La dérision chez Ionesco existe par l’utilisation qu’il va faire du langage. Ainsi dans ce texte, les relations banales entre un professeur et son élève sont transcendées par la manière qu’il a de triturer le langage. Sa technique met l’accent sur les platitudes, les automatismes plus incontrôlés que coutume, des dialogues en écho, des tics verbaux. Le langage prend tout son sens par le non sens ; il prend toute la place, accentuant ainsi la perte d’identité des personnages. En procédant de cette manière, Ionesco est obsédé tout comme beaucoup d’auteurs et de dramaturges de l’après-guerre par la stupidité des rites familiaux et sociaux.
Chaque personnage parle avec un accent étranger, est-il espagnol ? roumain ? sardanapali, habsbourgique ou encore néo-espagnol ? que cet accent soit léger ou forcé, prononcé, réel ou pas, défini ou incongru, peu importe, le metteur en scène a voulu s’amuser et entrer complètement dans le délire linguistique que propose l’auteur.
Avec Ionesco, rien n’est moins sérieux que ce qui prend l’allure ou les formes du sérieux. La leçon n’en est pas une, elle n’en a que l’aspect formel. Ce qui est remis en cause ici ce sont les codes culturels et l’ordre social établi, même si Ionesco n’ignore pas qu’ on ne peut s’en dégager.
Les personnages n’ont pas de passé, leur mémoire remonte au début de la journée, pour eux tout n’est qu’un éternel recommencement dont ils sont presque inconscients. Ils ont les caractéristiques sociales de leur rôle mais n’ont pas ou peu de psychologie. Libérés de cette entrave, les acteurs sont au service d’une mécanique dramatique implacable et redoutable, oscillant sans cesse entre le réalisme de la situation et la folie douce du texte.
La mise en scène, respectueuse de l’esprit de l’œuvre du dramaturge se veut physique et ludique. La montée vers l’apothéose finale se fait progressivement mais inéluctablement avec énergie et simplicité.
« Si j’ai fait du théâtre plutôt que du roman, c’est parce que l’essai et même le roman supposent une pensée cohérente, alors que l’incohérence ou les contradictions peuvent se donner libre cours dans une pièce de théâtre »
La dérision dans le théâtre de Ionesco existe par l’utilisation qu’il va faire du langage. Il en fait un véritable objet de théâtre. En jouant avec les mots, en les décalant de leur sens premier, il renvoie au lecteur une image disloquée de la réalité, pour mieux la discerner. Le langage n’est en fait que le reflet d’une intériorité bourgeoise faite « d’objets morts ». Il n’est donc qu’un produit d’une des déformations de la réalité. L’imagination, en agissant comme une deuxième distorsion peut réhabiliter le réel dans les consciences.
« le théâtre est pour moi la projection sur scène du monde de dedans : c’est dans mes rêves, dans mes angoisses, dans mes désirs obscurs, dans les contradictions intérieures, que pour ma part je me réserve le droit de prendre cette matière théâtrale »
Jouer avec les mots (rendre son indépendance au langage), c’est lutter contre une certaine assise bourgeoise de la société, c’est principalement se battre contre les conventions. Ainsi dans La Leçon, les relations banales entre un professeur et son élève sont transcendées par la manière qu’a Ionesco de triturer le langage. Sa technique met l’accent sur les platitudes, les automatismes plus incontrôlés que de coutume, des dialogues en échos, des tics verbaux. Le langage prend tout son sens par son non-sens ; il prend toute la place, accentuant ainsi, la perte d’identité des personnages.
En procédant de cette manière, Ionesco met l’accent sur une société qui se déshumanise et se dés individualise. Dans les années 50, l’enfer de l’au-delà a bel et bien disparu ; Sartre a déjà montré dans son Huis Clos que « l’enfer (d’aujourd’hui c’est les autres ». Ionesco bien qu’il utilise un mode d’expression comique, est obsédé tout comme beaucoup d’auteurs et de dramaturges de l’après-guerre par la stupidité des rites familiaux et sociaux, l’incompréhension réciproque des individus, c’est à dire le silence, ce par quoi peut arriver la mort. Et contrairement à Beckett, qui peint un univers d’immobilité, le monde de Ionesco (et le sadisme du professeur le prouve) évolue dans un perpétuel mouvement d’accélération vers la violence et la destruction.
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