Présentation
Note de mise en scène
Une version de chambre
La presse
Il tuera son père, il épousera sa mère.
La pièce de Cocteau commence bien avant l’épisode de la révélation relaté par Sophocle. Une nuit, sur les remparts de Thèbes meurtrie par la présence du Sphinx, le fantôme du roi défunt tente d’avertir sa femme du danger qui la menace. Au même instant, aux abords de la ville, le monstre redoutable apparaît sous les traits d’une jeune fille et livre son énigme à l’aventurier orgueilleux qu’elle a décidé d’aimer. Le prix de cette victoire, c’est la main de la reine. Encore une nuit de noces entre rêve et veille hallucinée. Une variation stylisée et raffinée sur le mythe antique d’Œdipe, où le thème tragique de l’impuissance des hommes face aux desseins des dieux s’enrichit des recherches de Freud sur le désir et l’inconscient.
Mettre en scène La Machine infernale est l’occasion de faire revivre sur scène un des mythes fondateurs de notre civilisation.
Cocteau a l’audace d’aborder cette « histoire » avec un langage et un humour grinçant qui rendent les personnages à la fois dérisoires et magnifiques.
Dans cette version de chambre de la pièce, nous observerons les enjeux des personnages à la loupe. Nous irons, avec le scénographe, traiter l’infiniment petit pour aborder les plus grands interdits.
Il s’agit en fait de raconter le cauchemar de la sensualité, l’aveuglement de l’homme devant l’accomplissement de son destin.
Le jeu de l’acteur est au service du texte, son corps est le lieu théâtral intouchable et mystérieux, lieu de passage, incarnation de cette « histoire ».
Pour contourner le folklore de la Grèce antique nous allons, par la grâce du décor et des costumes, situer la pièce dans un espace-temps flottant entre science-fiction et conte merveilleux. Ce qui nous importe est de convier le regard et l’écoute naïve du spectateur et de renouer avec la « fantasmagorie intime » dont parlait Colette lors de la première représentation de La Machine infernale à la Comédie des Champs Elysée en 1934.
Gloria Paris
Haut de page« Je rêve qu’il me soit donné d’écrire un Œdipe et le Sphinx… » note Cocteau en 1929 dans une chambre d’une maison de santé de Saint-Cloud où il fait une cure, visité par des fantômes et des personnages.
Un jour d’été 1932, près de la Méditerranée, pour la nuit de noces de Jocaste et Œdipe, il indique que la chambre est « rouge comme une petite boucherie… »
Il avait une première fois revisité un mythe antique en 1922 avec Antigone. « C’est tentant de photographier la Grèce en aéroplane. On lui découvre un aspect tout neuf. » Comme si la chambre noire de l’appareil servait de révélateur, resserrait les perspectives, retendait les fils de la fable et du poème.
« Pourquoi en Grèce un Dieu d’Égypte ? » Pourquoi cette bousculade qui défie l’espace et le temps ? Comme si on avait jeté au hasard dans une boite et remisé dans une chambre à l‘abandon les fragments mélangés de fouilles archéologiques, ou les pièces dépareillées de différents jeux d’échecs.
Pendant la préparation du spectacle, Cocteau s’enferme à nouveau dans une chambre de clinique pour se désintoxiquer. Il prévient Jouvet, en lui recommandant de n’en pas parler à sa mère. « J’aurai 4 ou 5 jours de cauchemar. Mais c’est indispensable à cause de notre travail . »
Avec Bérard, il imagine un dispositif scénique placé sur une petite estrade pour réduire l’espace et insister sur le piège. Il renoue ainsi avec son enfance lorsqu’il se servait de boites en carton pour inventer des pièces dans sa chambre, « théâtres qui me faisaient bénir la fièvre excitante des rougeoles, des scarlatines et de l’appendicite. »
C’est une version de chambre de La Machine infernale qui vous est proposée, raccourcie, concentrée, ramenée à quelques figures. Toute la pièce n’est pas là ; mais l’essentiel s’y retrouve.
« Spectateurs ! » nous voici dans la lumière des contes effrayants et fascinants, devant la chambre des mystères, petite et démesurée, pour écouter, regarder de près, et peut-être découvrir un secret. « Qui sait ? »
Gérard Lieber
Entre les doigts de fée de Gloria Paris, ce précieux bijou trouve son écrin, dans une “version de chambre” à la fois énigmatique et limpide. Un conte nocturne saupoudré de malice, joué par de beaux comédiens qui font passer de l’autre côté du mythe. Odile Quirot, Le Nouvel Observateur
Gloria Paris a fait appel à des acteurs qui nous font entendre le texte de Cocteau avec un art très sûr, net, coupant comme peut l’être l’arête d’un bloc de glace. Michel Cournot, Le Monde
62, rue des Jacobins 80000 Amiens