Une Espagne au seuil de la guerre civile
Théâtre d'objets, théâtre du monde
La presse
L’œuvre ultime de Federico Garcia Lorca nous plonge dans une Espagne exaspérée par l’injustice, les préjugés et la morale religieuse au seuil de la guerre civile. Dans un village andalou des années 1930, une femme aisée perd son époux. Avec ses cinq filles, elle entame une période de deuil traditionnelle. Les approches du plus beau garçon du village auprès de l’aînée et de la cadette bouleversent la règle sociale et provoquent le drame.
Bien que cette pièce appartienne à la période réaliste de Federico Garcia Lorca, Andrea Novicov choisit une mise en scène qui s’inspire du théâtre de Guignol, rendant hommage à l’amour que le dramaturge espagnol portait aux marionnettes. Mais le caractère grotesque de cette forme permet surtout d’exprimer les déformations mentales que subissent les héroïnes. Soumises à d’impitoyables conventions, ces jeunes femmes-bourgeons ne peuvent ni grandir ni s’épanouir. Poupées apeurées et captives, engoncées comme des ménines dans leur costume d’apparat, elles sont incarnées par des comédiennes mi-humaines mi-marionnettes.
La transposition de l’action dans un castelet provoque des contrastes d’échelle qui rendent palpable le caractère fantastique de l’œuvre. Un cauchemar éveillé, terrifiant et génial.
Distribution en alternance. Par la Compagnie Angledange.
Le théâtre de marionnettes ou de figures, d'une part bouleverse les échelles et d'autre part ne fait plus de l'homme le pivot de l'espace scénique. Il force ainsi le spectateur à déplacer son regard.
Si, sur une scène, existe un monde dont l'homme n'est plus le centre et dont les proportions ne sont plus celles que nous connaissons et si ce monde obéit manifestement à une logique véritable, alors notre monde à nous, tel que nous le percevons, perd son objectivité. Paradoxalement, un théâtre de l'objet met en lumière la subjectivité foncière de notre rapport au réel. Notre intention, dans cette création de La maison de Bernarda Alba, est de fonder un tel monde alternatif, un miroir déformant.
Un théâtre qui renonce à faire de l'humain son centre est aussi, à notre avis, une forme d'art qui rend mieux compte de la réalité contemporaine.
Nous vivons en effet dans un monde de choses. Les objets de tous les jours tendent à s'imposer à nous comme s'ils avaient une légitimité naturelle. Mais ces objets, ce sont des hommes qui les ont créés. Si nous les acceptons tels qu'ils se présentent, alors nous acceptons le monde qui les produit et nous reconnaissons implicitement sa légitimité.
De plus, cet environnement d'objets qui se veut naturel s'est édifié à notre échelle. Il module la perception que nous avons de nous-mêmes, nous faisant croire que la taille et la forme de l'homme est un étalon objectif.
Je feuilletais des livres sur la peinture espagnole (Velazquez, Goya...). Les portraits de ces jeunes héritiers de la noblesse ibérique, habillés comme des adultes, avec toute la lourdeur des costumes d’apparat que leur impose leur rang, m’impressionnaient. Ces tableaux me touchaient par le grotesque du décalage entre la richesse excessive du costume et la fragilité de l’enfant qui le porte. De ces images, d’autres me sont apparues : des poupées espagnoles aux pommettes rouges et habillées de robes tziganes - du genre de celles que l’on vend dans les boutiques de souvenir.
Tout à coup, l’idée m’est venue de créer des personnages en miniature, tels des êtres adultes emprisonnés dans des corps d’enfants... des êtres bloqués dans leur développement intérieur. […]
Petit à petit, nous nous sommes acheminés vers un univers scénique qui nous semblait constituer un bon cadre pour cette pièce de Lorca dont les premières œuvres, justement, furent écrites pour des marionnettes.
Andrea Novicov
"Un Lorca entre grotesque et merveilleux. Soleil et ombre, noirs et lumière, désirs calcinés, rêves brûlant de liberté : c’est La Maison de Bernarda Alba, la dernière pièce écrite par Federico Garcia Lorca avant son exécution par les forces franquistes, à l’aube du 19 août 1936. Le metteur en scène Andrea Novicov, dont on peut voir pour la première fois le travail en France, en livre une version extrêmement originale et talentueuse, entre grotesque et merveilleux […] Le petit théâtre de marionnettes d’Andrea Novicov est une boîte à illusions où ses (excellents) comédiens ne paraissent pas plus grands que des poupées se déplaçant devant des écrans de songes. Images somptueuses, beauté des costumes et des maquillages, des jeux de lumière, des tonalités de noirs et de bruns sourds, magie de ces figurines inspirées de Ménines de Vélasquez : La Maison de Bernarda Alba s’éloigne de la dénonciation sociopolitique directe pour devenir un conte noir, drôle et inquiétant. La rigidité d’une société cadenassée, qui fait de ses ouailles des avortons de la vie et de l’amour, n’en apparaît que plus cruelle - et terriblement actuelle." Fabienne Darge, Le Monde
" […] Faisant fi de tout réalisme, Novicov recrée la pièce de Lorca en trompe-l’œil. Convaincu que la réalité n’est pas objective et qu’elle n’existe qu’à travers le sujet qui la perçoit et l’interprète, Novicov choisit un théâtre de figures qui force le spectateur à déplacer son regard. Jouant des disproportions et déjouant les attentes, il transforme les comédiens en homme-troncs par un habile dispositif de praticables, et fait évoluer ces monstrueuses marionnettes comme dans un théâtre de guignol, l’atrophie physique, symbolisant la vie étriquée des personnages. Un spectacle original et audacieux pour une pièce dénonçant les carcans meurtriers d’une société castratrice." Catherine Robert, La terrasse
"[…] Nous, on a envie de dire à tue-tête que le metteur en scène, Andrea Novicov, et son septuor d’interprètes descendu(e)s de chez Goya, Vélasquez, Botero et Balthus à la fois, offrent un moment aussi insolite que prodigieux, où l’on rit de l’odeur de sainteté, cette eau de Cologne dans une bombonne géante, où chacune des sœurs épie l’autre, et où jamais l’on ne voit leur bas-ventre. Figurines humaines, aux mouvements de tricoteuses arythmiques, de poules dans leur basse-cour-prison. Une échelle un instant apparaît, qui n’est point celle de Jacob. Mais du malheur, et de l’humour." Mathilde de La Bardonnie, Libération.
"Coup de Cœur […] Andrea Novicov fait de La Maison de Bernarda Alba de F.G. Lorca, un cauchemar éveillé, terrifiant et génial. Sa mise en scène nous renvoie au Guignol de notre enfance, réveillant nos étonnements et nos peurs enfouies. Visages fardés et lèvres rougies, les comédiens sont grimés telles des poupées et paraissent, par un subtil jeu de miroirs, avoir des têtes énormes sur des petits corps. Ce tableau effrayant lorgne du côté des tableaux de Velasquez et nous porte d'emblée au cœur de l'Espagne archaïsante, noire et rigide.. Par leurs mimiques, ils nous font frissonner et déclenchent parfois en nous un rire libérateur. Du grand art." Lise de Rocquigny, Pariscope
ERREUR. Bernarda a cinq filles et non pas quatre. Angustias,Magdalena, Amelia,Martirio,Adela.
ERREUR. Bernarda a cinq filles et non pas quatre. Angustias,Magdalena, Amelia,Martirio,Adela.
59, boulevard Jules Guesde 93207 Saint-Denis
Voiture : Depuis Paris : Porte de la Chapelle - Autoroute A1 - sortie n°2 Saint-Denis centre (Stade de France), suivre « Saint-Denis centre ». Contourner la Porte de Paris en prenant la file de gauche. Continuer tout droit puis suivre le fléchage « Théâtre Gérard Philipe » (emprunter le bd Marcel Sembat puis le bd Jules Guesde).