La maison

Paris 19e
du 10 mars au 2 avril 2005

La maison

Au départ, un entretien entre Duras et Jérôme Beaujour. Elle y parle des femmes et de leurs rôles dans la maison. Ce que Duras opère ici c'est une recherche inlassable sur les lieux d’une identité féminine. Peu lui importe d'avoir raison. Cette conversation, transposée, devient une confidence philosophique à l’usage de tous.

Un théâtre du presque rien
Un livre de lecture

Une philosophie du quotidien

Extrait


Au départ, un entretien entre Duras et Jérôme Beaujour. Elle y parle des femmes, de la maison, de la femme dans sa maison. Elle se promène, au gré d’une parole sinueuse et lente. Elle envisage tous les points de vue et tous les aspects, car elle redoute une chose plus que tout : affirmer, établir, produire du dogme. Donc, elle change d’avis et manie les contraires. Peu lui importe d’avoir tort ou raison ; Duras cherche, inlassablement, les lieux d’une identité féminine. Des corps, des images, des figures : mère, petite fille ou sorcière, Duras parle toutes les femmes en une seule.

Puis, cet entretien a été transcrit. Seuls les propos de Duras ont été conservés. C’est devenu un long monologue, publié dans La Vie matérielle.

Il n’y avait qu’un pas à faire pour en écrire une représentation. Celle qui dit n’est pas Duras, n’est pas même écrivain mais Tania Torrens a fait de son corps une plume et sillonne les allées d’un plateau de fortune. Un théâtre improvisé, comme le texte a pu l’être au début. Un théâtre du presque rien, composé de signes minuscules. Ici, la mise en scène, c’est le jeu. Tout le travail a porté sur l’écoute de ce texte, de son sens et son mouvement. Rien d’autre, comme dit Duras.

Ce propos, transposé, devient une confidence philosophique à l’usage de tous. La salle devient à la fois théâtre et maison commune. Et, dans la proximité, l’idée de communauté trouve un corps possible.

Cécile Backès

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A côté des fictions, Duras a tracé les contours d’une œuvre parallèle, reflet d’une pensée toujours en mouvement. Souvent née d’entretiens avec d’autres, puis construite dans l’aller-retour entre l’oral et l’écrit, cette pensée navigue autour de l’auteur elle-même, de son travail et du “monde extérieur”. Une forme de journal, à la fois intime et d’actualité.

La Vie matérielle appartient à cette œuvre-là, qui se défend de penser quoi que ce soit de façon définitive, ce qui serait “la dalle de la pensée totalitaire”. Observer, décrire, préciser, chercher inlassablement ce qui existe en soi comme chez autrui : le mouvement de l’être.

“Ce livre n’a ni commencement ni fin, il n’a pas de milieu. Du moment qu’il n’y a pas de livre sans raison d’être, ce livre n’en est pas un. Il n’est pas un journal, il n’est pas du journalisme, il est dégagé de l’événement quotidien. Disons qu’il est un livre de lecture. Loin du roman mais plus proche de son écriture - c’est curieux du moment qu’il est oral - que celle de l’éditorial d’un quotidien. J’ai hésité à le publier mais aucune formation livresque prévue ou en cours n’aurait pu contenir cette écriture flottante de La Vie matérielle, ces allers et retours entre moi et moi, entre vous et moi dans ce temps qui nous est commun.” Marguerite Duras, préface de La Vie matérielle

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Le texte de La Maison est une matière composite à l’image de cette règle du jeu initiale, donnée comme utopique : “ne faire que parler, sans partir d’un point donné de connaissance ou d’ignorance et arriver au hasard, dans la cohue des paroles”. On est dans la région d’une philosophie du quotidien.

L’idée est de traduire - en signes scéniques - cette notion de pensée “en promenade”, dans un espace conçu avec sa propre règle du jeu, qui peut se décliner partout, ou presque. L’essentiel est de pouvoir jouer dans les endroits où l’on se réunit : dans les intérieurs publics : salles de réunion, mairies, écoles et pourquoi pas aussi dans les appartements ? L’enjeu de ce spectacle, c’est d’inscrire dans un espace le fantasme de la maison commune.

Dans ce lieu de réunion, un soir ou une fin d’après-midi, il y a une femme qui vient raconter quelque chose. Elle ne vient pas se laisser regarder. Elle est au théâtre, elle sait qu’elle est active. Elle vient partager la parole qu’elle a en tête. Elle vient s’asseoir. Et convie ceux qui sont là à faire de même.

Dans ce théâtre en filigrane, pendant que la femme parle, il y a une soupe de légumes qui cuit, tout près, derrière une porte : action simplissime qui crée l’attente dans laquelle elle va parler. Pas de fiction mais un cadre temporel : un temps donné. Parler n’est pas plus important que la soupe, et l’inverse n’est pas vrai non plus : les deux choses se conjuguent pour créer une atmosphère de chaleur odorante et de convivialité. Tout simplement.

A la fin, le public est convié à boire un bol de soupe. Le temps de retomber chacun sur ses pattes. Le temps de s’éloigner peu à peu du théâtre, de la voix et de la pensée du texte. Le temps que ça s’imprime en chacune de nos têtes.

Cécile Backès

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 " Il y a des femmes qui n'y arrivent pas, des femmes maladroites avec leur maison, qui la surchargent, qui l'encombrent, qui n'opèrent sur son corps aucune ouverture vers le dehors, qui se trompent complètement et qui n'y peuvent rien, qui rendent la maison invivable ce qui fait que les enfants la fuient quand ils ont quinze ans comme nous l'avons fuie. Nous fuyons parce que la seule aventure est celle qui a été prévue par la mère.

Il y a beaucoup de femmes qui ne résolvent pas le désordre, le problème de l'envahissement de la maison par ce qu'on appelle le désordre dans les familles. Ces femmes savent qu'elles n'arrivent pas à surmonter les difficultés incroyables que représente le rangement d'une maison. Mais de le savoir ou non, rien n'y fait. Ces femmes transportent le désordre d'une pièce, à l'autre de la maison, elles le déplacent ou elles le cachent dans des caves ou dans des pièces fermées, ou dans des malles, des armoires et elles créent comme ça, dans leur propre maison, des lieux cadenassés qu'elles ne peuvent plus ouvrir, même devant leur famille, sans encourir une indignité. Il y en a beaucoup qui sont de bonne volonté et naïves et qui croient qu'on peut résoudre la question du désordre en la remettant à “plus tard”, qui ignorent que ce moment-là, qu'elles appellent “plus tard”, il n'existe pas, il n'existera jamais. Et il sera trop tard lorsqu'il arrivera vraiment. Que le désordre, c'est-à-dire l'accumulation des biens, doit être résolu d'une façon extrêmement pénible, par la séparation d'avec les biens. Je crois que toutes les femmes souffrent de ça, de ne pas savoir jeter, se séparer. Il y a des familles qui, lorsqu'elles ont une grande maison, gardent tout pendant trois siècles, les enfants Monsieur le Comte, maire du village, les robes, les jouets.

J'ai jeté, et j'ai regretté. On regrette toujours d'avoir jeté à un certain moment de la vie. Mais si on ne jette pas, si on ne se sépare pas, si on veut garder le temps, on peut passer sa vie à ranger, à archiver la vie. C'est souvent, que les femmes gardent les factures d'électricité et de gaz, pendant vingt ans, sans raison aucune que celle d'archiver le temps, d'archiver leurs mérites, le temps passé par elles, et dont il ne reste rien. " 

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Spectacle terminé depuis le samedi 2 avril 2005

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