La nuit les brutes

Boulogne Billancourt (92)
du 25 au 27 novembre 2010

La nuit les brutes

Deux femmes partagent le même appartement. Elles passent leur journée à de menues actions et la nuit venue elles se perdent dans des bars à la recherche de brutes à aimer. Ethel et Maria sont dépendantes d’une violence choisie dont elles se nourrissent en permanence.
  • La pièce

Deux femmes partagent le même appartement. Elles passent leur journée à de menues actions et la nuit venue elles se perdent dans des bars à la recherche de brutes à aimer. Ethel et Maria sont dépendantes d’une violence choisie dont elles se nourrissent en permanence. Enfermées, harcelées, battues, elles en redemandent. Mais elles savent aussi administrer le prix de la violence à leur bourreau quand elles rentrent chez elles.

C’est ainsi qu’elles expriment leur ennui. Ethel et Maria ne sont ni sœurs, ni amies, ce sont deux femmes liées à jamais par un terrible secret qui glace les os. Quel secret ? Cette joyeuse tragédie, faite d’amour et d’inhumanité, relève du répertoire « théâtre musical » mis en scène par Roland Auzet, musicien et soliste international. Fabrice Melquiot a inventé un texte à couper le souffle, un « opéra-fiction » qui nous interroge sur l’amour et ses démesures. Il donne à ses personnages des traits à la fois comiques, facétieux et inquiétants pour un suspens garanti !

  • Note d'intention

Et si l’adieu à la violence était aussi impossible que l’adieu à l’enfance ou l’adieu à l’amour ? La Nuit les brutes fait danser victimes et bourreaux, dans la même salle de bal transparente et trouble, jusqu’à dissolution des victimes dans les bourreaux, déplacement des lignes de force et de faiblesse.

Ici, la maison est un tribunal répétitif, soumis au quotidien, au coeur duquel deux femmes, Ethel et Maria, s’obstinent à haïr, jusqu’à la douleur et la répétition de la douleur, jusqu’au plaisir qui naît de la douleur répétée, un homme qui, dans l’administration de sa violence, leur a volé l’évidence de l’amour, la possibilité de l’amour sans ses oripeaux guerriers.

La Nuit les brutes est une oeuvre de théâtre-musical construite à partir du texte dont nous avons passé commande à Fabrice Melquiot. Les comédiennes Anne Alvaro et Clotilde Mollet, le chanteur Jean-Claude Saragosse seront accompagnés d’un ensemble de musiciens inscrits dans un dispositif audio / vidéo informatique.

La pièce traite de la tension née du lourd secret qui lie deux femmes, Ethel et Maria, qui partagent le même appartement et le même ennui de « rentières décharnées ».

La nuit, elles vont de bar en bar à la recherche de brutes à aimer, de brutes à provoquer, à pousser à bout…

Une vision tragi-comique de ce monde, une réflexion sur l’amour et ses démesures, sur la mort et la vie, sur la ville, sur le jour et la nuit.

C’est une approche de la question du genre humain, qui est fait de bonté, d’amour, mais aussi d’horreur et d’inhumanité.

De quoi l’humanité est-elle capable ?

Le pièce interroge notre capacité de lucidité sur nous-mêmes. En ce sens, cela nous fait éprouver plus que jamais combien la difficile tâche de discernement est essentielle à l’humain.

Fabrice Melquiot parle d’opéra-fiction, qui nourrit un rapport imaginaire entre théâtre et musique. Le rapport à la voix sera parlé et chanté. Les musiciens seront là pour « témoigner » d’une ancestralité du propos, d’une vision archétypale détournant le prisme d’un possible voyeurisme. Le dispositif audio et vidéo nous mettant face à face avec une réalité bien contemporaine.

Selon Fabrice Melquiot, « la dramaturgie sera morcelée, trouée d’ellipses tranchantes, avec des scènes livrées en rafales, comme des instantanés tronqués … »

L’écriture scénique (scénographie, jeu …) et musicale (partition exigeante et mise en scène de la musique) ne se mettront à l’abri de rien de ce qui fait l’humain de ce récit... jusque dans sa capacité d’inhumanité.

Roland Auzet

  • Note de l'auteur

De plus en plus, je consens à ouvrir et partager l’espace d’invention d’un texte. Certes, il m’apparaît toujours comme le territoire d’expansion des secrets, le laboratoire où l’imagination altère la mémoire en creusant les obsessions et fixant des rêveries, mais de plus en plus j’apprends à restaurer au sein de ce processus intime d’écriture une place pour ceux qui donneront à voir le poème. Le metteur en scène. L’acteur avec lui.

Tout le théâtre réclame d’apprendre à faire avec l’autre ; aussi, quand un metteur en scène me « commande » un texte, j’y vois la chance de saisir en sa compagnie un univers esthétique cohérent, détonnant, inattendu pour moi-même comme pour lui car délimité collectivement. C’est également une manière de couper dans les habitudes de chacun, d’exalter ses penchants en les tordant au contact de l’autre. Et je crois que plus le désir d’un metteur en scène s’exprime clairement, plus grande est la liberté de celui qui doit rêver sur, à partir de ou autour. Car déjà la route est dégagée.

J’ai rencontré Roland Auzet, qui m’a proposé d’écrire un texte pour deux actrices, Anne Alvaro et Clotilde Mollet, texte à incarner, mais aussi à mettre en musique. Une sorte d’opéra-fiction, dont j’ai posé la structure et les premiers fragments. Je cherche à élaborer une dramaturgie morcelée, trouée d’ellipses tranchantes, avec des scènes livrées en rafales, comme des instantanés tronqués (donnés à voir alors que la scène a déjà commencé, s’interrompant alors qu’elle n’est pas encore achevée).

Glisser ainsi de scènes dialoguées à un enchâssement de monologues croisés, passer par de brefs récits étranges (descriptions de tableaux – Death on a pale horse de William Turner, La femme à la perruche de Renoir… - ou d’objets – étui à violon, lampe-tempête… - portraits de saintes martyres ou de brutes épaisses…) entre lyrisme et quotidienneté, tragique et drôlerie.

En creux, pèserait le secret qui lie les deux personnages, femmes d’aujourd’hui, d’hier et de demain ; deux femmes primitives, donc, Ethel et Maria. Il s’agit moins d’un suspense que d’une pulsation sourde, une tension noire, comme si les sols étaient volcaniques. Un mot sur la « fable » : Ethel et Maria partagent le même appartement, à la périphérie d’une ville qui n’a plus de centre – sinon son hôpital – à moins que ce ne soit sa prison – et où les bars, à mesure qu’ils se multiplient, dégorgent leur vide sur les trottoirs. Le jour, elles dorment ou hantent l’appartement, s’abandonnent à de menues actions (tâches ménagères, toilette, lecture, jeux, examens médicaux...)

J’aimerais explorer la minutieux ennui des rentières, pauvres rentières, qui vivent fragilement d’héritages décharnés. Et puis la nuit, elles sortent dans la ville et passent de bar en bar à la recherche de brutes à aimer, des brutes à provoquer, à pousser à bout, des brutes pour les massacrer, leur donner le mal qu’elles souhaitent. Deux femmes qui cherchent des brutes.

Femmes battues volontaires. Cognées victorieuses. Masochisme ? Mais que j’aimerais aussi joyeux, comique, facétieux, que dans la chanson Fais-moi mal, Johnny.

Le temps dans lequel se déroule l’action serait immuable, autant qu’incontrôlable ; on pourrait être en 2030 comme cent ans plus tôt ; réflexion faite, on est en 2030 et cent ans plus tôt. Temps changeant, comme les objets dans l’appartement, qui se métamorphosent à certaines heures (la pièce pourrait s’ouvrir sur la transformation sous nos yeux d’un verre à pied en étui à violon). Comme si le chaos avait trouvé sa fluidité, l’évidence de sa victoire : une chose en devient une autre, sans prévenir, imposant leur loi (et soudain, comment boire à un violon ?)

Je me sens engagé sur des brisées expressionnistes : la ville, le jour et la nuit, l’ombre, le double, des lieux habités par la mort (hôpital, morgue), le fracas du réel bourgeois. Pour aboutir à une vision profondément tragi-comique de ce monde et de cette relation d’amour vénéneux entre femmes, parmi les mâles.

Fabrice Melquiot

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Spectacle terminé depuis le samedi 27 novembre 2010

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