Cinq enfants ont grandi dans l’horreur et la violence démesurée. À leur libération, ils se lient et décident de vivre en marge de la société, loin des limites imposées par les adultes. Aujourd’hui, sous le joug de Hoche, leur chef, ils vagabondent en périphérie des villes. Leurs préoccupations quotidiennes consistent à éviter les loups et à trouver de quoi se nourrir. Tout bascule, lorsqu’un enfant naît d’une des membres du clan.
Dans son roman Yann Andrea Steiner, Marguerite Duras dépeint une scène où des adultes regardent des enfants rescapés des camps de la mort, jouer ensemble dans un bassin d’eau. Et, Duras dit que les enfants se blessent dans leur euphorie et volent ce qu’ils veulent dans l’hôtel où on les a recueillis. Les adultes, eux, les laissent faire sans intervenir. Duras écrit qu’on ne peut plus rien interdire à ces enfants qui reviennent de l’horreur démesurée.
L’image m’a saisie. Des enfants surexcités de joie dans un bassin d’eau qui devient rouge du sang de ces petits que la douleur n’arrête plus. Des enfants à qui l’on n’ose plus rien interdire. Et, ensuite, qu’arrive-t-il à ces enfants à qui l’on n’interdit rien ? Que deviennent ceux qu’on laisse évoluer à leur gré, traînant avec eux des images et des souvenirs plus lourds que le monde ?
C’est ça le défi de La peur et le pain : imaginer cinq enfants qui aurait survécus à… (quoi ?)… l’innommable, l’inimaginable, l’inconcevable cruauté… et qui auraient grandis sans limites imposées par les adultes. Il ne faut surtout pas y chercher l’histoire de la Seconde guerre mondiale. Elle agit ici littéralement à titre de pré-texte.
Anne-Marie Ouellet
1 rue Charles Garnier 93400 Saint-Ouen