L’Orchestre La sourde s’attèle à créer une symphonie particulière : une symphonie dont chacun des mouvements serait façonné par les histoires, les récits de personnes volontaires qui ont raconté aux musiciens leurs « miracles », ces signes de l’invisible qu’ils ont perçus.
Après leur exploration de la question de l’interprétation avec Concerto contre piano et orchestre, l’Orchestre La sourde s’attèle à créer une symphonie particulière : une symphonie dont chacun des mouvements serait façonné par les histoires, les récits de personnes volontaires qui ont raconté aux musiciens leurs « miracles », ces signes de l’invisible qu’ils ont perçus. À travers différentes rencontres en Ehpad, en prison, dans une école primaire ou encore en micro-trottoir, l’Orchestre a rassemblé des récits de vie pour composer une musique avec ces voix qui reconvoquent le souvenir de ces énigmes intimes, qui ont été comme un point de bascule dans leurs existences.
« Un spectacle aérien, surprenant, toujours en suspension. Un miracle fragile » Sceneweb
« Musicalement c'est un voyage savant et profane, qui évoque autant Gustav Mahler que les fanfares populaires ou le cinéma en noir et blanc. Moment tragique et burlesque, une voix raconte une avalanche à l'issue miraculeuse. » France TV info
Qu’est-ce que la musique ? rien. Que peut-elle ? tout. (d’après Jean-Luc Godard)
Dans Concerto contre piano et orchestre, Samuel Achache, Eve Risser, Florent Hubert et Antonin-Tri Hoang plongeaient une oeuvre de Carl Philipp Emanuel Bach dans la dérive d’une soliste en prise avec son l’orchestre. Cette forme venait regarder le rapport entre une soliste et l’orchestre, un individu et le groupe. L’orchestre La sourde a maintenant pour ambition de créer une symphonie particulière : une symphonie dont chacun des mouvements serait façonné par les histoires, les récits de personnes que nous avons rencontrées et qui nous ont raconté leurs « miracles ».
Ce projet s’inscrit dans une recherche sur les miracles. Cette notion évoque le 19ème siècle ou le moyen-âge. Mais aujourd’hui, où sont passés les miracles ? Nous faisons l’hypothèse qu’ils existent sous d’autres formes, peut-être plus personnelles, intimes. La technique et la science n’épuisent le champ de nos espoirs et de nos croyances. Il y a toujours un endroit du réel qui résiste. Qui n’a jamais parlé avec des êtres disparus, qui n’a jamais cru au pouvoir des objets, qui n’a pas imaginé l’intervention d’une volonté extérieure ?
La musique nous démontre sans cesse le pouvoir de l’invisible. Elle a la capacité de déployer le caractère extraordinaire d’un moment. Par la manière dont l’orchestre va transformer une voix individuelle, donner l’illusion d’une musique qui apparaît comme « par miracle » en suivant une parole quotidienne, nous passons de l’ordinaire à l’extraordinaire.
Le désir de faire naître cet orchestre vient de la recherche menée à l’origine par la compagnie La Vie Brève dirigée par Samuel Achache et Jeanne Candel « comment regarder la musique » et donc également « comment écouter le théâtre ».
Nous voulons monter un ensemble un peu particulier et qui découle directement de ce travail. L’orchestre est constitué de musiciens et de musiciennes venant de la musique « classique », de la « musique ancienne » jouant sur instruments d’époque comme l’archiluth et la viole de gambe et des « musiques improvisées ».
Tous et toutes travaillent depuis plusieurs années avec La Vie brève et avec La sourde, et sont à l’origine de ce chemin exploratoire entre la musique et le théâtre. Ils ont l’habitude de cette recherche qui a pour centre le jeu de l’acteur et celui du musicien. Ce ne sera pas un ensemble de musiciens spécialisés dans un style musical particulier, mais dont la « spécialité » sera de pouvoir traverser différents répertoires et de les faire siens.
Trouver une « troisième musique » qui ne serait pas exactement celle que le compositeur a écrite, ni celle pour laquelle sont formés initialement les musiciens qui la joueront, mais une musique qui naîtrait de la rencontre entre ces deux pôles. Comme si chacun faisait un chemin vers l’autre. C’est à ce point de rencontre que doit se construire le théâtre. Car il s’agit bien d’un orchestre de « plateau ». Un ensemble qui donne à voir la musique. Qui ne donne pas de concert à proprement parler, ni ne fait un spectacle de théâtre de manière classique. C’est l’endroit du seuil entre ces deux arts que nous voulons explorer.
Un orchestre qui vient jouer une symphonie devant un public est déjà un spectacle en soi. La ritualisation du concert, par son organisation spatiale, son rapport au chef d’orchestre, sa cérémonie extrêmement codifiée : « la tenue de concert » des musiciens, l’ordre des entrées en scène, l’arrivée du chef d’orchestre, l’accord des instruments, la structure musicale des oeuvres, l’organisation des saluts par pupitre de familles d’instruments, les applaudissements... Tous ces éléments produisent déjà du « théâtre » et un rapport sacré à la musique et son exécution. Au concert on vient écouter de la musique et assister (presque participer) à une cérémonie ritualisée. Cela est une sorte de pièce de théâtre dont on peut changer le « texte » : l’oeuvre jouée mais pas le cadre, la mise en scène.
C’est l’ensemble de ce dispositif passionnant qui sera l’objet de la recherche de notre orchestre. Comment l’accident, le déplacement de la situation initiale vient nous faire voir, entendre, jouer la musique autrement qu’à son habitude.
Square de l'Opéra-Louis Jouvet, 7 rue Boudreau 75009 Paris