La vie sexuelle de Catherine M.

du 8 octobre au 29 novembre 2003
1H15

La vie sexuelle de Catherine M.

Elle nous offre ses souvenirs avec des mots crus pour mieux en révéler leur force, leur recherche d’amour. Elle a tout connu. Comme eux, comme nous. L’humour, le plaisir, la jalousie, la douceur de l’émotion, le sexe. Ses paroles sont celles de la première fois, comme un rideau qui s’ouvre sur la scène de la vie. Nous sommes ses complices, elle nous parle, nous interpelle. Elle, c’est Catherine M. Elle nous raconte sa vie sexuelle.

Synopsis
Note de l'auteur

Note de l'
adaptateur
Note du metteur en scène

Note du producteur

Elle rentre chez elle. Elle est éblouie comme un papillon dans les phares d’une voiture. Il est tard, trop tard. Le jour va bientôt se lever, inutile de se coucher. Alors, avant de repartir travailler, elle range sa chambre comme on range ses idées. Elle se change, elle se maquille, modifie son apparence comme la vision de nous-même se modifie parfois quand on a trop réfléchi sur soi. Les souvenirs reviennent. Ceux de l’innocence et des douceurs de l’adolescence.

La découverte du plaisir. Le plaisir qui procure l’anéantissement et qu’elle recherche tout au long de sa vie. Les hommes perdent leur visage et les lieux leur signification. Les parkings, les campagnes, les appartements deviennent des lieux de rencontre.

Elle nous offre ses souvenirs avec des mots crus pour mieux en révéler leur force, leur recherche d’amour. Elle a tout connu. Comme eux, comme nous. L’humour, le plaisir, la jalousie, la douceur de l’émotion, le sexe. Ses paroles sont celles de la première fois, comme un rideau qui s’ouvre sur la scène de la vie. Nous sommes ses complices, elle nous parle, nous interpelle.
Mais la lumière du jour est déjà là. Elle doit partir.

Elle, c’est Catherine M. Elle nous raconte sa vie sexuelle.

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On croit que l’humanité a inventé l’écriture parce que les générations voulaient transmettre quelque chose de leur expérience et de leur savoir aux générations suivantes. Ce n’est certainement pas faux mais une autre raison, plus profonde, plus urgente, a sûrement prévalu. Si les êtres humains ont commencé à se donner beaucoup de mal pour graver des signes dans la pierre (et l’invention de l’ordinateur n’a que modérément réduit l’effort nécessaire à ce travail), c’était pour dire à leurs contemporains, à leurs proches, ce qu’ils n’osaient pas leur dire de vive voix, c’est-à-dire en face, c’est-à-dire les yeux dans les yeux.

Étant donné ce qu’ils avaient à dire, ils craignaient tellement d’être mal compris, que leur langue fourche, que les autres n’aient pas toute l’attention requise, qu’ils ont trouvé le moyen de retourner mille fois le mot dans leur tête avant de l’écrire, parce qu’on ne le retourne jamais plus de cent fois dans sa bouche lorsqu’il s’agit de le prononcer.

Imaginons que plutôt que d’écrire la Vie sexuelle de Catherine M., j’aie préféré la raconter à des amis, ou à l’homme avec qui je vis. J’aurais vu fuir certains de ces amis, je m’en serais peut-être attaché d’autres, mais sûrement à partir de malentendus, enfin il est bien possible que j’aie pris le risque d’un divorce. Or il se trouve qu’un metteur en scène, avec la complicité d’un auteur de théâtre, une actrice, un producteur et un directeur de salle ont trouvé à s’associer dans le dessein de transgresser l’interdit qui était le mien,- et pas seulement le mien. Ils ont entrepris de rendre à la parole l’intimité extrême que l’écrit lui avait confisquée.

Voilà en quoi cela consiste : faire entendre des mots obscènes dont il faut bien savoir qu’ils n’ont pas d’équivalents ni dans le vocabulaire savant, ni dans le vocabulaire poétique. Aussi ces mots ne sont pas une provocation mais l’expression d’une vérité. Il s’agira aussi d’exposer des pensées le plus souvent cachées, non pas comme le croient les esprits courts, pour susciter un voyeurisme, mais évidemment pour inviter ceux qui en sont témoins, à plonger pareillement au fond d’eux-mêmes.

Parce que l’écoute, et la vision, sont des fonctions bien plus sensibles que la lecture, en présence de ces mots, de cette intimité, les spectateurs seront sans aucun doute plus « exposés » que les lecteurs. Au moins, dans ce cas, la partie est-elle égale entre l’auteur et le public. Et le premier peut-il considérer que son objectif est atteint : même si c’est par l’intermédiaire d’un corps et d’une voix qui ne sont pas les siens, il s’adresse à ses contemporains « en face ».

Catherine Millet

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L’amitié vous entraîne quelquefois dans des aventures qu’on ne soupçonne pas. Ainsi lorsque Jacques Malaterre au détour d’une conversation me confiait vouloir abandonner pour un temps l’image au profit du théâtre et me demandait si j’accepterais de l’aider à adapter un texte littéraire pour la circonstance, je lui répondais naïvement et sans réfléchir : Oui, oui bien sûr.

J’aurais dû savoir que cet homme ne s’intéresse qu’aux défis impossibles. Il tombait sous le sens qu’il ne me demanderait pas d’écrire l’adaptation d’une nouvelle de Maupassant, ni d’une légende provençale dont il aurait trouvé quelques feuillets dans la maison familiale. Non, il ne pourrait s’agir que d’une entreprise impossible, risquée, « casse gueule  » ; le novice qu’il était en matière théâtrale n’allait pas mettre sous l’éteignoir l’homme qui a pour credo de vivre sans filet. Le rêve qu’il portait en lui et qu’il allait me soumettre correspondrait absolument à cette définition.

J’avais promis de l’aider certes, mais là, j’étais prêt à me parjurer. Adapter le livre de Catherine Millet relevait du pari fou. Mon devoir d’ami était de le dissuader, il courrait au devant de tous les tracas. Après le battage médiatique qui a entouré ce livre et dont le titre est une star, on lui prêtera les pires intentions, il sera lapidé avant même de commencer la première répétition, il sera taxé d’opportunisme, de voyeurisme, accusé de sacrifier à la mode. Jacques n’en démordait pas.

Catherine Millet vint à mon secours. Elle-même était surprise qu’on veuille en « faire » du théâtre, même si un projet était né en Allemagne. Je cherchais un compromis. Puisque le livre ne possède pas en lui une dramaturgie, puisque la progression dramatique est inexistante : d’accord pour une lecture ; le texte a de grandes qualités littéraire, permettons par le biais d’une lecture de le faire découvrir au plus grand nombre. Rien à faire. « Relis le livre ! Je veux que cette femme soit incarnée, je veux mettre en scène son témoignage, je veux que ça soit sur une scène de théâtre. »

J’ai donc relu La vie sexuelle… en essayant de comprendre ce qui initiait en lui ce désir impérieux de donner ce texte à entendre. Je ne sais pas si j’ai découvert ses motivations propres, j’ai en tout cas découvert les miennes qui m’ont paru suffisantes pour me lancer dans cette collaboration.

Au fil des lectures, une personnalité s’est dégagée, un « personnage » riche, riche de son affirmation ; riche de sa timidité, de sa passivité, de son humour, de sa vérité. Le personnage peu à peu sortait de sa gangue littéraire, sa parole prenait vie, sa singularité s’imposait ; son verbe menaçait à chaque instant l’équilibre, il était donc théâtral.

Le déséquilibre personnel que cette parole engendre en chacun de nous ne serait-il pas en fin de compte la dramaturgie la plus parfaite ? L’écho de ce témoignage, l’acceptation ou le rejet de cette vérité énoncée et entendue non pas dans l’intimité d’une lecture mais dans une salle de spectacle, sera la progression dramatique que je n’avais pas devinée au premier moment.

Arnaud Bédouet

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En avril 2001 (et bien avant qu’il soit le succès que l’on connaît) lorsque je refermais le livre La vie sexuelle de Catherine M., j’eus l’étrange sensation d’avoir lu plus qu’un texte mais une véritable parole de femme. Catherine Millet se livrait à nous, sans provocation, sans jugement. Ni confession, ni aveux, mais tout simplement une réflexion, un questionnement sur soi, les autres, le désir, le plaisir. Sans recherche d’érotisme et sans tabou, elle offrait, à travers des mots crus, sa simple féminité, à la recherche de l’anéantissement. Aujourd’hui, où se trouve la soi-disant liberté sexuelle ? Enfermée dans des magazines spécialisés ou dans des clubs réservés à une certaine classe sociale ? Et dans ce siècle entièrement dédié à la communication, où se cache la vulgarité ? Certainement pas dans les mots quand ils sont dits avec le cœur mais peut-être dans les émissions de télévision quand un homme seul peut choisir une femme parmi vingt. Catherine Millet ose écrire ce que peu ont essayé.

Le texte est là, dans toute sa générosité et son amour. J’eus envie de le mettre en scène, le théâtre serait le creuset de son oralité. L’adaptation, d’un livre sans début ni fin, devait être sûre de la voie qu’elle prendrait car plus de mille chemins s’offraient à elle. Le travail que nous avons fait avec Arnaud Bédouet a été avant tout de respecter l’écriture de l’auteur, mais aussi de révéler à travers les morceaux choisis le parcours de cette femme comme les autres.

Ainsi au fil des mots, Catherine M. passe d’hier à aujourd’hui, de l’extérieur à l’intérieur, du partage à la possession, de la sensation physique à la précision de l’image, à l’imaginaire. Parcours d’un personnage qui arrive à un stade de sa vie où se pose la question du bien et du mal. De ses choix, de ses désirs et de son rapport aux autres avec tout simplement l’envie de mettre de l’ordre dans sa tête, comme inlassablement on peut ranger le même appartement.

Au bout d’un an, la pièce était là, et c’est ma rencontre avec Jean-Marc Ghanassia qui permet à mon rêve de voir le jour. Son amour pour cette histoire allait permettre au projet d’exister.

Vint ensuite le choix de la comédienne. Qui allait pouvoir porter le texte, le dire chaque soir comme une première fois, et nous amener à nous reconnaître, à nous identifier dans la vie sexuelle de Catherine M. ?

Choix d’actrice, mais aussi choix de femme, car sa personnalité révélerait de nouvelles couleurs au manuscrit et prolongerait les mots sur le papier. Chemin intrinsèque à toute naissance de spectacle. Marie Matheron rejoint alors l’aventure. Actrice de talent, elle conduit le texte avec générosité. Avec pudeur et sans protection, elle nous livre aussi bien les recoins intimes du personnage, que sa propre parole de femme. Les « mots orduriers » perdent alors leur sens premier et deviennent la musique intérieure des gens simples, des gens généreux. Elle est Catherine M.

Maintenant personnage de fiction qui rentre un soir chez elle et met de l’ordre dans la symbolique d’une chambre, comme elle met de l’ordre dans ses pensées, ses souvenirs. Un temps arrêté. Une fin de nuit, un début de jour. Juste avant de repartir travailler quand la fatigue devient énergie et que la lassitude nous permet d’ouvrir des portes jusque-là condamnées.

Ce témoignage féminin, cette quête d’absolu, ce livre, ce spectacle sont avant tout les mots, les idées, les émotions de tous. Les choses que l’on pense et que l’on n’ose dire. Les soi-disant interdits que l’on cache de peur d’être jugés. Nos pensées intimes qui ne sont en fait qu’une recherche de nous-même et révèlent toujours notre véritable besoin d’amour.

Jacques Malaterre

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Lorsqu’un ami, dans une discussion anodine, m’a informé que quelqu’un avait le projet d’adapter au théâtre le récit de Catherine Millet, j’ai été très intrigué. Comment pouvait-on imaginer que cette mise à nu des désirs et des plaisirs d’une femme, écrite presque sous l’angle de la confidence, puisse être tout à coup portée sur une scène, incarnée par une actrice, jouée sous le feu des projecteurs ?

L’initiateur de ce projet était Jacques Malaterre dont je suivais la carrière de metteur en scène depuis quelques années. On s’est rencontré. Il m’a donné le texte de l’adaptation écrite par Arnaud Bédouet avec sa collaboration et m’a exposé ses partis pris de mise en scène. J’ai tout de suite été séduit. La rencontre avec Marie Matheron, dont le talent de comédienne m’a impressionné, a achevé de me convaincre.

Je me suis tourné vers Dominique Deschamps, directeur du Théâtre Fontaine, pour lui exposer avec enthousiasme les éléments de mon projet. Très vite il m’a répondu oui. Mais il m’a rappelé, à juste titre, que c’était un sacré pari.

En effet, contrairement aux autres arts d’expression : peinture, sculpture, cinéma, littérature, poésie, chanson etc. le thème de la sexualité est peu présent au théâtre. A part quelques grandes exceptions, l’univers du théâtre, sans doute parce qu’il est le lieu de la parole, semble résister à l’érotisme. Pourtant, c’est justement par la parole ; par ce qu’elle raconte, suggère, décrit - par l’émotion des mots quand ils sont dits - que ce thème trouve sa plus forte intensité, sa plus juste expression.

Mettre en lumière ce qui est caché, dire tout haut ce qui se murmure à peine, voilà notre ambition, notre pari.

Jean-Marc Ghanassia

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Théâtre Fontaine
10, rue Pierre Fontaine 75009 Paris
Spectacle terminé depuis le samedi 29 novembre 2003

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