Un homme croise une étrange vieille dame dans la rue, tenant dans ses bras une pendule sans aiguille. Il la retrouve plus tard dans son propre appartement, morte ! Il devra tout faire pour s’en débarrasser. Mais comment se libérer d’un cadavre qu’on n’a pas tué ? A partir de cette nouvelle qui oscille entre le fantastique, le roman noir et l’absurde, ce spectacle musical à trois voix entraîne le spectateur dans une course effrénée dans les rues de St Pétersbourg, sur des airs de Brel, Mozart, Schumann, Sheller, Gonzales…
Un narrateur hanté par une pianiste espiègle et un bruiteur espion : voilà les quelques acteurs de ce récit musical et décalé, balade poétique entre humour et frisson pour s’amuser de l’absurdité d’un monde sans raison.
Pour la quatrième fois, La Nouvelle Fabrique se plonge dans l’univers si particulier de Daniil Harms, en se lançant un nouveau défi cette fois : travailler une narration continue, et non plus la matière fragmentaire de cet auteur singulier. Pour nous, cela signifie aussi entrer de façon plus intime dans l’oeuvre et la personnalité de l’auteur.
Le narrateur de La Vieille est un jeune auteur, tout comme Harms, qui se pose les mêmes questions que lui, sur la mort, sur Dieu, sur la police, sur la faim, sur les femmes. On sait que Harms était persécuté par l’autorité, et interdit de publier autre chose que de la littérature pour enfants. Ici notre narrateur-auteur prétend qu’il est un génie sans rien écrire, hait les enfants, et se voit persécuté par une vieille dame à qui il a eu le malheur de demander l’ heure dans la rue. Même si le récit prend des tournures loufoques incontrôlables, il développe une paranoïa qui n’est pas sans rappeler les multiples pressions que Harms a lui-même subies. La précarité dans laquelle il vit, la surveillance constante de ses voisins, le mouvement incessant de la ville nous offrent un climat d’ angoisse et de soupçons qui va croissant tout le long de cette nouvelle, écrite au printemps 1939.
Pour accompagner la narration de cette nouvelle, nous avons choisi d’y mêler musique et sons étranges, qui viennent colorer ou ponctuer le récit. La pianiste suit donc notre narrateur dans ses ballades, que ce soit dans les rues de St Pétersbourg ou dans sa propre tête. La pianiste incarne également toutes les femmes de la nouvelle, et le bruiteur les différents interlocuteurs masculins du protagoniste : petit à petit ce sont eux qui font monter l’angoisse, prennent de plus en plus de place, jusqu’ à incarner les propres pensées de l’auteur.
Ce qui semblait être un accompagnement musical et ludique devient une persécution, qui sonde le protagoniste jusqu’au tréfonds de l’âme, tout en apportant un relief étonnant à la nouvelle narrée dans son intégralité.
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