Le Banquet du faisan est avant tout l’occasion d’un festin de mots. La table et les cuisines y trouveront leur fonction culturelle, mais le premier objectif est la parole mise en scène, un lieu de poésie, une scène pour l’écriture et la voix.
Cela remonte au célèbre Vœu du faisan.
En ce temps-là la cour de Bourgogne était pleine de rhétoriqueurs.
De poètes rhétoriqueurs.
La cour était une volière à paroles.
Il y avait surabondance de paroles.
La simplicité des choses disparaissait sous l’ébouriffement des couleurs.
On admirait les faisans.
Ce faisant les faisans ne parlaient plus.
Les faisans se taisaient.
Les faisans étaient guettés puis rattrapés par l’aphasie.
La Belgique d’aujourd’hui est le souvenir de cette période.
Belgique c’est déphasage des parlants par rapport aux faisans - ceux qui font.
Belgique c’est l’histoire d’une abondance devenue dépressive par excès.
Ce qui vaut faisantis faisandis pour notre époque.
Nous sommes tous des faisans belges en puissance d’abondance dépressive.
Nous aimons nous asseoir au banquet de nos propres pitreries.
Nous aimons les victoires rhétoriques plutôt que les piteuses croisades.
Nous aimons la messe des mots faisandés plutôt que le mirage de la pureté.
Ne nous dérangez pas nous sommes à table !
Ne nous dérangez pas nous mangeons de bon appétit !
Jacques Bonnaffé
Le Vœu du faisan fut l’occasion de fêtes grandioses au Palais ducal de Lille décidées par Philippe le Bon, duc de Bourgogne, en 1454. Il promettait le départ aux croisades vers Constantinople. Le banquet fut une prouesse d’abondance et d’inventions. Les invités découvraient des tables spectaculaires à l’image des pays de Cocagne. Entremets où s’agitaient une scénographie vivante et des miracles de machinerie. Tout était réjouissance et l’occasion de créations poétiques déclamées ou d’imageries théâtrales mêlant joyeusement le sacré et le profane. Les poésies savantes succédaient aux fatrasies dialectales, les joutes poétiques aux jongleries.
Dans son principe, le banquet itinérant se met à la disposition des circonstances qui favorisent un rapport au livre, à l’écriture et aux déclamations littéraires. Quelquefois, elles seront inaugurales, grandioses, historiques. D’autres fois, elles retrouveront cette évidence des grands repas de famille, cette chaleur inoxydable du Nord où se trouvent leurs racines ouvrières.
L’abondance fait presque figure de banalité aujourd’hui. Il faudrait opposer Carême à Mardi-Gras, s’amuser des jours maigres, dire et déclamer la grande bouffe avec trois boîtes de sardine sur la table. L’iconographie rurale flamande est un guide, retrouver sans doute aussi le plaisir du pain et des frugalités.
Il y a des thèmes aux banquets selon les villes où ils se déroulent, ou selon les circonstances. Le Banquet du faisan veut être avant tout l’occasion d’un festin de mots. La table et les cuisines y trouveront leur fonction culturelle, mais le premier objectif du banquet est la parole, mise en scène. C’est un lieu de poésie, une scène pour l’écriture et la voix. Et pas question d’y être experts, sans être drôles.
Jacques Bonnaffé
15, rue Malte Brun 75020 Paris
Station de taxis : Gambetta
Stations vélib : Gambetta-Père Lachaise n°20024 ou Mairie du 20e n°20106 ou Sorbier-Gasnier
Guy n°20010