C’est un jeune homme de 31 ans qui, en janvier 1637, fabrique un chef-d’œuvre dans un milieu théâtral tenu par les acteurs et les soucis de la mode. Un milieu en proie à une réglementation littéraire sévère, dans lequel on se doit d’inventer dans le respect de la poétique d’Aristote. Avec Le Cid, Corneille contient et transforme tous ces éléments. En effet, dans son Discours sur le poème dramatique, Corneille annonce d’emblée que l’histoire d’amour entre Rodrigue et Chimène n’est pas au centre de la pièce, et que l’enjeu du drame est politique. Dès lors, les scènes d’exposition qui nous ont si souvent parues ennuyeuses, dessinent en réalité un monde clos, dans lequel les règles strictes, issues d’une tradition forte, lient irrémédiablement le destin de Chimène à celui de Rodrigue.
La scène du soufflet vient ébranler le tracé évident de la vie de nos protagonistes. Car plus qu’une querelle entre deux familles, c’est un monde ancien qui s’écroule. (...) Don Diègue, l’outragé, n’aura d’autre possibilité que celle de se défendre par l’intermédiaire de son fils. Et dès lors, le combat dans lequel Rodrigue s’engage déterminera son avenir : il peut choisir de mourir (avec le monde ancien) ou de réinventer un destin, c’est à dire assumer son origine et poursuivre l’œuvre du père en sauvant ce qu’il lui reste de désir. C’est à cet endroit que Corneille noue l’enjeu puissant de ce qui constitue le mythe. Comment continuer l’œuvre des anciens en répondant au désir conquérant de la jeunesse. (...)
Un nouveau monde verra le jour. Ce sera l’œuvre de Rodrigue, très justement replacée par Corneille dans un dialogue constant avec le père, qui jamais ne lui indique la « marche à suivre », mais lui permet d’accompagner sans révolution, ni rupture artificielle, le mouvement du monde. (...) C’est aussi du travail de son auteur dont il s’agit ici : avec cette pièce, Corneille passe du classicisme contraignant à une dramaturgie plus active. Et il assume la responsabilité de sa génération de devoir réinventer le monde dans un mouvement où la rupture pourrait n’être que gageure.
Résistant aux tumultes des époques qu’il a traversées, Le Cid s’inscrit à chaque moment dans le présent et le texte réaffirmé nous parvient, portant avec lui les voix de ceux qui, en leur temps, sont entrés dans le combat. L’histoire du Cid, nous rappelle que nous ne venons pas de « nulle part » et que l’art ne saurait nier son passé. Que toute œuvre s’inscrit dans un mouvement qui n’est pas sans origine, que tout homme inscrit son lendemain au regard de son passé.
Après Le Château de Cène où Bernard Noel réinvente une langue qui affirme ses racines mallarméennes, après Murale dans lequel Mahmoud Darwich refonde la poésie arabe en allant chercher les formes les plus complexes de la poésie arabe antéislamique, il est intéressant de terminer ce cycle poétique par une œuvre dont le projet, l’histoire et la puissance de la langue forment une synthèse et un commencement, puisque ces auteurs deviennent les pères dont il nous faudra réinventer le mouvement.
Wissam Arbache
Une très belle mise en scéne et des superbes seconds roles, notamment le roi dans une composition originale, drôle, vraie... en un mot parfaite, l'infante est aussi une actrice extraordinaire. un très bon spectacle.
Une très belle mise en scéne et des superbes seconds roles, notamment le roi dans une composition originale, drôle, vraie... en un mot parfaite, l'infante est aussi une actrice extraordinaire. un très bon spectacle.
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