Le Fait d'habiter Bagnolet

du 9 septembre au 29 octobre 2005
1H30

Le Fait d'habiter Bagnolet

C’est ce soir. Sans raison apparente, il parlera de choses un peu anciennes. L’entraînement du judo tous les mardis soirs jusqu’à l’âge de 14 ans, une correspondante allemande teinte en bleu et prénommée Hanke. Elle évoquera sa mère professeur de géographie au collège Paul Vaillant-Couturier et les coquilles Saint-Jacques reconverties en cendriers, dans la salle des profs. Ayant chacun livré des morceaux du passé, ils auront l’impression de se comprendre…

La pièce
Mot de l'auteur
Extrait du prologue de la pièce

Rencontre avec Sophie Lecarpentier

La compagnie Eulalie

La presse

Un homme et une femme sont assis dans un restaurant italien. « Sans raison apparente, il parlera de choses un peu anciennes. L’entraînement du judo tous les mardis soir jusqu’à l’âge de 14 ans, une correspondante allemande teinte en bleu et prénommée Hanke. Elle évoquera sa mère professeur de géographie au collège Paul Vaillant-Couturier et les coquilles Saint-Jacques reconverties en cendriers, dans la salle des profs. Ayant chacun livré des morceaux de passé, ils auront l’impression de se comprendre et ils s’embrasseront sur le trottoir à 23h43, devant la vitrine d’un serrurier doubleur de clés en cinq minutes. Ce sont les derniers instants. Avant le rapprochement des visages. Avant la nuit et le plafond blanc de la chambre. »

La langue de Vincent Delerm traque les consciences dans leurs recoins cachés d'une manière drôle et contemporaine. Le travail minutieux de la mise en scène, dans un décor sobre et précis, nous invite à l'indiscrétion : on assiste aux minuscules pudeurs, aux audaces avortées, aux questionnements intérieurs des deux personnages qui tentent de se séduire sans se trahir.

 

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En ce moment, je suis plutôt dans une phase conciliante. C’est ce soir. Sans raison apparente, il parlera de choses un peu anciennes. L’entraînement du judo tous les mardis soirs jusqu’à l’âge de 14 ans, une correspondante allemande teinte en bleu et prénommée Hanke. Elle évoquera sa mère professeur de géographie au collège Paul Vaillant-Couturier et les coquilles Saint-Jacques reconverties en cendriers, dans la salle des profs. Ayant chacun livré des morceaux du passé, ils auront l’impression de se comprendre et ils s’embrasseront sur le trottoir à 23h43, devant la vitrine d’un serrurier doubleur de clés en cinq minutes.

Vincent Delerm

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De leur conversation, nous n’entendrons pas un mot, ne nous parviendront que des bribes déformées par le frémissement des balbutiements d’une relation amoureuse. Aucun discours direct : ni conversation, ni dialogue. Seules les pensées s’entremêlent, se répondent en échos, nous faisant entrer dans l’intimité des consciences. Quiproquos et malentendus créent une dramaturgie singulière et drôle, qui infiltre les instants “ pré-relationnels ” d’un amour en devenir.

L’un et l’autre se livrent et se cachent, s’offrent et se dérobent au cours d’une conversation anecdotique et fondamentale. Par rebonds, puisque nous ne partageons que leurs pensées, ils s’apprivoisent et apprennent à s’aimer. Sous les mots et bribes de vie les plus quotidiennes deux êtres se dévoilent. Et l’on assiste aux minuscules pudeurs, aux audaces avortées, aux questionnements intérieurs des deux personnages qui tentent de se séduire sans se trahir, qui s’inventent en se disant.

“ Ni l’un ni l’autre ne se connaissent encore. Il faut donc se raconter : “ Voici ce que je suis. ” C’est la jouissance narrative, celle qui tout à la fois comble et retarde le savoir, en un mot, relance. Dans la rencontre amoureuse, je rebondis sans cesse, je suis léger. ”

Fragments d’un discours amoureux, Roland Barthes

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Qu’est ce qui vous a touchée dans la pièce de Vincent Delerm ?
Nous sommes constitués de tous ces instants anecdotiques, qui se mélangent et s’entrechoquent, jusqu’à faire de nous ce que nous sommes, changeants et dérisoires, émouvants et insupportables, uniques.
Vincent Delerm porte un regard tendre sur le quotidien, un regard qui questionne l’autre, comme une interrogation riche de contradictions et de points de suspension… Il interroge aussi notre mémoire, sélective et partiale, qui trie dans la multitude d’événements imposés par la vie pour construire une personnalité, la révéler. Peut-être que chacun ne devient que ce qu’il est, mais c’est son regard porté sur le monde qui le façonne.
Monter Le fait d’habiter Bagnolet, c’est rire de nos propres incertitudes, nos allégresses et nos gaucheries familières.
Chez Vincent Delerm, l’humour pousse à la lucidité ; la fascination pour le minuscule, le prémice et le dérisoire, trahit assurément une quête mélancolique du mystère des affinités électives.

Vincent Delerm est reconnu pour ses qualités de chanteur- compositeur. Dans quelle mesure est-ce un auteur dramatique ?
Dans la lignée de ses chansons, qui aiment à explorer les méandres de la pensée intime, les tropismes individuels ou collectifs, Le fait d’habiter Bagnolet traque les consciences dans leurs recoins cachés, inavouables et indicibles, avec un réel plaisir du détail, une manière de savourer, de façon presque sensuelle, l’infiniment petit du discours amoureux. La pensée est disséquée, inspectée à la loupe jusqu’à devenir un enjeu érotique. Privés momentanément de corps, les amants se dévoilent dans le jaillissement du langage, fut-il avorté, bredouillé ou murmuré.
La pièce retranscrit ce qui a eu lieu et ne pourra plus se reproduire : l’instant jubilatoire de la cristallisation amoureuse. En cela nous sommes vraiment au coeur d’un univers théâtral, dans le mécanisme dramaturgique de l’irrémédiable.
Chez Vincent, cette cristallisation- loin de tout romantisme stendhalien- est avant tout drôle et ultra contemporaine. Son écriture fluide, concrète et sur- référencée, appelle totalement l’oralité et une relation « interactive » avec les spectateurs. Ce ne sont ni la lumière, ni le parfum d’un jardin d’automne qui lui servent de décor, mais l’odeur d’une pizza paysanne ou l’art de couper les toasts de tarama !
Les temps ont changé, les repères se déplacent, se transgressent dans un mouvement ironique, ludique, mais jamais dénué de tendresse.

Comment travaillent ensemble un chanteur/auteur et un metteur en scène ? Quel a été le point de convergence de vos deux univers ?
Curieusement, c’est un troisième univers, celui du cinéma, qui a favorisé notre complicité. Vincent, Frédéric Cherboeuf, Marie Payen et moi avons la même admiration, la même fascination pour la Nouvelle Vague ; Truffaut, notamment fait parti de nos repères, de notre langage commun. C’est autour de ces références que nous avons construit le travail avec l’équipe artistique : la série des Doinel, mais aussi Mélo ou Pierrot le fou, et par rebonds Dieu seul me voit de Podalydès, étayaient les répétitions. D’où notre proposition à Véronique Silver de prêter sa voix aux prologue et épilogue, en hommage à son rôle de Mme Jouve dans la Femme d’à côté…

Le dispositif scénique a été conçu pour permettre une version théâtrale du travelling, des gros plans et autres mouvements de caméra, et faire du spectateur un acteur de la rencontre…Enfin, le traitement sonore, pour l’essentiel en direct, est envisagé comme un troisième personnage qui donne la respiration du spectacle. Tandis que les acteurs donnent vie aux pensées des personnages, le son libère le sentiment, le sensible dissimulé sous le torrent des mots.

Comment passe-t-on de l’univers de Patati patatra et des tralalas, de Dieudonné Niangouna, monté avec des acteurs congolais et dénonçant la violence des guerres ethniques africaines, à cet univers anecdotique, quotidien et contemporain ?
Ma relation à ce texte s’inscrit naturellement dans le parcours de la compagnie. J’ai toujours aimé les contrastes, les allers-retours entre curiosité face au monde et curiosité face à la construction intime des êtres humains. Après notre aventure africaine dure, violente, politique, j’avais envie de dire oui à la légèreté, qui mérite, elle aussi, je crois, un engagement. La pièce de Vincent m’a d’abord séduite par son humour. C’est intéressant de se confronter à la difficulté de faire rire un public, de faire entendre la cocasserie du quotidien.

Et puis, Le fait d’habiter Bagnolet est un défi pour un metteur en scène et des acteurs : comment monter et jouer un texte dans lequel rien n’est au style direct ? Quelle théâtralité se dégage d’une partition qui s’inscrit entre le scénario et la littérature romanesque ?
Ce texte, monologue croisé de deux consciences qui dialoguent, interroge notre relation au monde, à l’autre…Sous la comédie joyeuse d’une rencontre amoureuse se devine l’égocentrisme tragique d’une génération qui passe plus de temps à s’auto- analyser qu’à ouvrir les yeux sur le monde extérieur. Quand on ne conçoit plus l’altérité, on sombre dans la stérilité… Finalement, je crois que ce spectacle, dans sa forme ludique, est encore un constat un peu violent sur la difficulté de vivre aujourd’hui. Comme dans mes précédentes pièces !

Propos recueillis par O. Saksik

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La compagnie Eulalie créée en 1995, à Rouen, trouve sa spécificité dans une recherche sur la langue française, sa poésie, ses sonorités suggestives, ses rythmes variés et évocateurs. Son travail s’oriente particulièrement vers la création de textes contemporains (Catherine Anne, Tahar Ben Jelloun, Gérard Watkins, Marc Delaruelle, Dieudonné Niangouna) et la recherche d’une forme épurée donnant à entendre la musicalité du langage, dans des “ lectures mises en espace ” (Le fusil de chasse de Yasushi Inoué, Les petites filles respirent le même air que nous de Paul Fournel, Antigone de Jean Anouilh, Le mensonge de Nathalie Sarraute, Nouvelles de Marcel Aymé).

Sophie Lecarpentier défend aujourd’hui l’idée d’un théâtre de l’intime, d’un art qui peut être le lieu d’une prise de parole individuelle et personnelle ; car chaque vie ressemble à un destin à partir du moment où elle est racontée, parce que chaque histoire porte en elle, humainement, la grande Histoire. Parler de l’intime est un moyen de dire le monde.

Ses trois dernières mises en scène sont nées de rencontres avec des auteurs qui ont décidé d’écrire pour la compagnie Eulalie.

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"Vincent Delerm jette là tous les fragments de son discours amoureux. Les interprètes, tenus dans la main ferme et amicale de Sophie Lecarpentier, sont remarquables." Armelle Héliot, Le Figaro

"Vincent Delerm peint ce qui se passe dans la tête d'un jeune homme et d'une jeune femme, Simon et Alice, quelques heures avant le premier baiser. (...) Le public entre 25 et 40 ans exulte : il s'y retrouve. Vincent Delerm a le sens des effets, du dérapage, des situations maladroites que provoque le désir." Vincent Josse, France Inter

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Sélection d’avis du public

Le Fait d'habiter Bagnolet Le 23 mai 2004 à 17h00

Texte plus grave qu'il n'y parait Mise en scéne subtile, organisant une dramaturgie peu présente dans l'écriture Acteurs justes, drôles, refusant les effets faciles Scénographie simple, efficace et belle Son original, rare BRAVOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO!

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Le Fait d'habiter Bagnolet Le 23 mai 2004 à 17h00

Texte plus grave qu'il n'y parait Mise en scéne subtile, organisant une dramaturgie peu présente dans l'écriture Acteurs justes, drôles, refusant les effets faciles Scénographie simple, efficace et belle Son original, rare BRAVOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO!

Informations pratiques

Théâtre du Rond-Point

2 bis, avenue Franklin Roosevelt 75008 Paris

Accès handicapé (sous conditions) Bar Champs-Elysées Librairie/boutique Restaurant Vestiaire
  • Métro : Franklin D. Roosevelt à 148 m, Champs-Élysées - Clemenceau à 216 m
  • Bus : Rond-Point des Champs-Élysées à 74 m, Rond-Point des Champs-Élysées - Franklin D. Roosevelt à 203 m, Rond-Point des Champs-Élysées - Matignon à 214 m, Palais de la Découverte à 237 m
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Plan d’accès

Théâtre du Rond-Point
2 bis, avenue Franklin Roosevelt 75008 Paris
Spectacle terminé depuis le samedi 29 octobre 2005

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