Une vie tient parfois à un fil. Quand cette évidence vous frappe, brutalement, elle peut vous abattre plus ou moins durablement. Et si l’on trouve alors la force de résister, la lutte est sans merci. Contre soi-même et contre le monde qui vous regarde crever sans ménagement.
Laurent Sauvage déploie avec un égal bonheur les registres de l’accablement ou de la rage, donnant à entendre toutes les nuances des sentiments et l’articulation de la pensée intime d’un être en crise. L’adaptation sensible et inventive de Julien Gosselin confère à ce conte moral une intensité hypnotique.
Par la Compagnie Si vous pouviez lécher mon cœur.
D’après L’homme incertain de Stéphanie Chaillou, publié aux Éditions Alma.
« Terrien, touchant, Laurent Sauvage endosse ce rôle avec un naturel qui frôle l'évidence. (...) « Le Père » renoue avec l'essence radicale de Julien Gosselin, celle d'un théâtre de l'expérience. La musique y est assourdissante, la lumière aux néons crue, le rapport au texte direct. Projetés en fond de scène ou déclamés face public, parfois dans le noir total, souvent dans la pénombre, les mots semblent devenir le meilleur remède aux maux, les armes vitales de la résilience face à l'effondrement des promesses. » Vincent Bouquet, Les Echos, 14 septembre 2018
« Mais nous sommes chez Julien Gosselin. Alors si Laurent Sauvage dompte son phrasé, de prenantes envolées déferlent par vagues successives. Elles sont portées par une musique pulsatile et dopées par une lumière grimpante qui révèle le brouillard dans lequel est piégée la silhouette du comédien. » Joëlle Gayot, Le Monde, 17 septembre 2018
En 2016, vous nous disiez qu’au sortir d’un gros projet, vous ressentiez souvent l’envie « d’aller vers quelque chose d’un peu plus réduit, de faire un théâtre un peu sec. De revenir à un pur théâtre d’acteurs, sans technique autour. » Le Père appartient clairement à cette veine-là...
Julien Gosselin : Oui, clairement. Il y a un peu de technique tout de même. je dis souvent ça, mais c’est comme de la musique. Quand on compose un opéra ou une symphonie, il y a plusieurs mouvements, plusieurs actes. Et bien de temps en temps, j’ai besoin d’écrire des chansons : un mouvement, un sentiment, un geste.
Du livre L’Homme incertain de Stéphanie Chaillou, dont est tiré votre pièce, vous dites justement qu’il vous a bouleversé comme seules peuvent le faire certaines chansons...
Julien Gosselin : j’ignore pourquoi. La phrase : « Quand j’étais jeune et que je jouais au foot, j’étais heureux. Je courais derrière le ballon. Et rien d’autre ne comptait. Il y avait seulement cette évidence du ballon au milieu du terrain. Le ballon après lequel il fallait courir. Et je courais. Et j’étais heureux. » C’est une des premières phrases du livre. Et ça me touche tellement. Mais c’est très intime cette émotion. Comme quand Dominique A chante une chanson telle que Le Détour. Ça me rappelle des choses. Des vies autour de moi. Ma propre vie. Alors ce n’est plus une histoire de thématiques. De récit politique non plus. Ça le devient par la force du théâtre peut-être. Mais ça part d’ailleurs.
Quel est l’enjeu de ce texte selon vous – et pourquoi en avoir changé le titre ?
Julien Gosselin : Le titre, quand je l’ai lu pour la première fois, c’était Le Père. Stéphanie l’a changé au moment de l’édition du livre. L’enjeu du livre, ce n’est pas l’agriculture. C’est l’histoire d’un homme qui n’est pas capable. Qui pensait qu’il était capable et qui se retrouve englouti, fini. Qui croit l’être. Qui croit tout perdre. Et je voulais qu’on voit rentrer Laurent au plateau en pensant : « C’est lui, le père. » Parce que ça raconte quelque chose à tout le monde, ça.
Vous dites avoir voulu avec votre mise en scène « retrouver l’émotion intime que peut procurer la lecture »
Julien Gosselin : je ne crois pas que le théâtre soit le lieu du collectif pour ce qui concerne le spectateur. C’est pour moi le lieu de la solitude acceptable, parce que vécue ensemble. C’est le lieu où des centaines de gens peuvent vivre chaque soir une pure expérience de solitude et d’introspection au milieu d’autres. Presque comme la lecture. Presque. Mais c’est plus puissant encore. Parce qu’au théâtre on peut confronter sa solitude. Et je projette beaucoup de textes, tout le temps. Un jour je ne ferai peut-être que ça... Proposer une pure expérience de lecture au milieu des autres.
Ce spectacle – ou plutôt cette performance – pourrait-il exister sans Laurent Sauvage ?
Julien Gosselin : Non, ce spectacle, c’est Laurent. C’est lui, le texte et puis l’espace. C’est son corps à lui qui rentre dans un lieu, puis qui sort de ce lieu. C’est sa voix. C’est son corps. Et cet échec décrit par Stéphanie dans le texte. Le spectacle ne naît que de ça.
Propos recueillis par David Sanson.
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