Le Voyage a La Haye / Music-Hall / Le Bain. Une seule soirée pour découvrir trois textes de Jean-Luc Lagarce, la mise en scène sublime l’auteur, l’interprétation est bouleversante.
« Marcher à pas mesurés, dans la fragilité de la lumière qui sépare le rêve de la veille, la scène de la lumière. Aller au-devant de notre propre imagination peut-être, entrer dans notre roman, passer cette frontière où se retrouvent les spectateurs pour, face à la lumière, être les acteurs du conte » notait Jean-Luc Lagarce à propos de L’Illusion comique de Corneille qu’il mettait en scène. Posant la réflexion en exergue de son spectacle, François Berreur qui associe trois pièces apparemment différentes (Music-Hall, Le Bain, Le Voyage à La Haye) éclaire ses intentions sur la mise en perspective de ces trois œuvres de Lagarce dont il fut le compagnon de route artistique.
Music-Hall raconte l’histoire de trois artistes ratés égarés dans une minable salle de spectacle au fin fond « du trou du cul du cul de la fin du monde ». La salle est vide et le restera, ils le savent mais s’accrochent à un improbable miracle et répètent. Ce faisant, ils se livrent. Sous les paillettes, les plumes, le ringard du caprice, les blessures sont béantes, indicibles.
Music-Hall, pièce à l’humour féroce et noir est suivie de deux textes plus évidemment autobiographiques. Le Bain, récit d’une nuit d’amour avec G., amant malade du sida et Le Voyage à La Haye, étape d’une tournée à l’étranger, l’artiste se sait mourant, il est égocentrique, râleur, insupportable.
Hervé Pierre, dont l’épaisseur de la silhouette suggère la bonhomie plutôt que les ravages de la maladie, est prodigieux d’humanité et de féroce drôlerie. Il y a chez cet acteur un art étonnant de la suggestion et endossant les soies et le strass de la diva de Music-Hall, son art a plus à voir avec celui de l’Onagata, que du travesti. Sur fond d’une rengaine de Joséphine Baker, il est le fil conducteur qui donne la cohérence au spectacle.
François Berreur qui a longtemps travaillé aux côtés de l’auteur a eu l’intelligence de ne pas réduire le spectacle à la chronique d’une mort annoncée mais de nous faire sentir ce qu’il y a d’élégante pudeur dans l’humour de Lagarce, de nous rendre ce qu’il y a de vivant, de palpitant dans son théâtre. À ce jeu-là Hervé Pierre est l’atout maître.
« Les acteurs sont époustouflants, leur jeu est d’une justesse, d’une délicatesse rare ; ils font preuve d’une légèreté et d’une gravité sans faille. On est soufflé par l’enchaînement entre Music-Hall et Le Bain. Avec Le Voyage à La Haye éclate l’univers onirique de Lagarce. » L’Humanité
« Tous les éléments semblent réunis pour un morceau de théâtre intimiste, l’histoire vraie d’un combat désespéré, avec larmes à la clé, or pas du tout. » Libération
Place Jacques Brel 78505 Sartrouville