THÉSÉE Je me demande si le lion va parler ?
DÉMÉTRIUS Et pourquoi pas, monseigneur ? Un lion peut bien parler quand il y a tant d’ânes qui le font.
Shakespeare
Après sa trilogie Molière, la compagnie La Nuit surprise par le Jour revient à l’Odéon, mais cette fois-ci à Berthier et avec Yann-Joël Collin à la mise en scène. C’est avec cette comédie, l’une des pièces les plus séduisantes du répertoire, que le jeune Shakespeare, s’affranchissant de toute convention réaliste, paraît découvrir la puissance expérimentale de son langage théâtral, et s’en amuser lui-même. « Le prétexte du Songe d’une nuit d’été », note Yann-Joël Collin, « est un mariage qui se décline ensuite en féerie et s’achève par où il a commencé, en théâtre ».
Le Songe lui-même, pour La Nuit surprise par le Jour, est à son tour un « prétexte », une occasion : celle de créer une fête de théâtre, à l’exemple de Shakespeare. Selon certains érudits, en effet, la pièce aurait été conçue pour être présentée au cours des réjouissances marquant la célébration d’un grand mariage aristocratique. Or, dans Le Songe, les noces de Thésée et d’Hippolyta entraînent l’organisation d’un divertissement… Oui, mais lequel ? Celui que propose le théâtre des artisans, qui aspirent à participer à la fête et décident de répéter en grand secret une tragédie en l’honneur de leur seigneur ? Celui qu’offre à leur insu le ballet des amoureux, ce quadrille dont les amours, contrariées dès l’exposition, ne cessent de se faire et de se défaire ? Celui de la représentation surnaturelle, où une Reine des fées désire déifier un homme à tête d’âne ? En fin de compte, les artisans parviendront à jouer leur pièce…
Et pour Yann-Joël Collin et ses compagnons, leur troupe improbable révèle, par son art naïf, la nécessité du théâtre même. Car depuis des années, La Nuit surprise par le Jour travaille, sinon à la façon de ces artisans, du moins dans le même esprit. Comme eux, ses membres font flèche de tout bois, si dérisoire soit-il. Comme eux, ce qui les anime avant tout dans ce projet, c’est l’envie de partager un moment de joie en entraînant le public dans leur sillage. Il y aura donc à Berthier, plutôt qu’un décor ou une scène, une piste, un podium, bref, des lieux conçus pour qu’on y danse, comme si la salle tout entière avait été louée pour une soirée exceptionnelle. En cette époque où se multiplient les événements (ou prétendus tels) intitulés « La Nuit de… » (tout ce qu’on voudra), cette fête-ci aurait vraiment le droit de revendiquer ce titre pour elle : La Nuit du songe, en quelque sorte, ou encore Le Songe d’une nuit d’été surprise par le jour…
« Dans le grand espace des Ateliers Berthier de l’Odéon », conclut Yann-Joël Collin, « la pièce de Shakespeare est donc pour nous l’occasion de convier le public à la fête et de l’inviter à y participer ».
Par La Nuit surprise par le Jour. Traduction : Pascal Collin.
"Le bonheur théâtral est léger et profond comme un songe, et joyeux comme une fête. Aux Ateliers Berthier, la deuxième salle de l'Odéon-Théâtre de l'Europe, à Paris, la troupe La Nuit surprise par le jour, emmenée par Yann-Joël Collin, joue la pièce la plus magique de Shakespeare : Le Songe d'une nuit d'été, écrite aux alentours de l'an 1595. Le spectacle devrait être un des succès de cette fin d'automne : elles sont (trop) rares en France, les troupes capables de créer une telle jubilation théâtrale en s'appuyant sur un travail sérieux et pertinent." Fabienne Darge, Le Monde, 20 novembre 2008
8, boulevard Berthier 75017 Paris
Entrée du public : angle de la rue André Suarès et du Bd Berthier.