Jai vu, petit garçon, un sorcier de village ouvrir un lapin vivant et lappliquer, encore chaud, sur la poitrine dun malade. Le curé sacharnait à discréditer ces pratiques mais les pouvoirs secrets du rebouteux étaient redoutés. Lutilité du curé, pour dire la messe, confesser, marier, donner lextrême-onction, nétait pas discutée par le village mais, pour retirer la fièvre dun malade, rien ne valait un lapin. Entre curé et sorcier, la guerre faisait rage. Jai découvert, sur un petit coin de terre, la manipulation des esprits. Et lâpreté du combat politique. La manipulation des esprits dans la lutte pour le pouvoir est le tissu de nos vies. Je lai appris, petit garçon.
Jai connu, aimé ces paysans, ces jeunes mariés, ces curés, ces sorciers qui nourrissent le Cochon noir. Jai couru sur leurs collines. Laction de cette pièce populaire se situe pendant une semaine sanglante de lHistoire de France. Du massacre des Communards ne parvient quun faible écho. Paris est loin.
A laube du XXIe siècle, aux quatre coins de la planète, les semaines sanglantes succèdent aux semaines sanglantes. Dans le village planétaire, les luttes pour le pouvoir sont âpres. Lutilisation des idéologies, des religions, de la morale pour la manipulation des esprits est générale. Nos vies et nos amours sinsèrent comme ils peuvent dans les maigres espaces qui restent.
Roger Planchon
1999
15, rue Malte Brun 75020 Paris
Station de taxis : Gambetta
Stations vélib : Gambetta-Père Lachaise n°20024 ou Mairie du 20e n°20106 ou Sorbier-Gasnier
Guy n°20010