Synopsis
Un projet de l’intime
Note d’intention
L, ancien mannequin et prétendument dédié à l’écriture de ses mémoires, retrouve au milieu de son salon un frigo, cadeau d’anniversaire de sa mère. La présence provocatrice de cet appareil sera un déclencheur. L rentrera dans un tourbillon kaléidoscopique qui, avec l’ombre de la mort qui rôde deviendra frénétique. L jouera à tour de rôle sa propre intrigue à travers ses fantômes et les limites de sa vie ordinaire commenceront à s’élargir.
Dans cette pièce Copi explore les ambiguïtés sexuelles de ses personnages dans une théâtralité grotesque et joyeuse où la marge entre l’homme et la femme n’existe plus. Il transforme tout ce qu’il fait naître à la manière d’un enfant qui s’invente des histoires en se servant des objets qui l’entourent. L’extérieur n’existe plus. Tout est concentré « à l’intérieur » dans des enfermements successifs : le frigo, la pensée, l’appartement.
Le frigo clos, objet essentiel au cœur de l’espace, déclenchera un tourbillon sous un air de folie, de fantasmes érotiques où tout éclate dans une confusion pleine de mélancolie.
Par la Compagnie Dodeka.
Il y a dans l’univers de Copi, une vraie interrogation sur la forme théâtrale qui se situe dans une esthétique particulière des années 70. Il me semble important de saisir ces différentes quêtes d’expression dans un contexte contemporain, dans le questionnement d’une nouvelle forme d’identification. Je me rends compte que la parole et le style direct de Copi résonnent encore aujourd’hui et parfois avec plus d’impétuosité. Elle est une écriture vivante et universelle.
Copi, dessinateur, romancier, auteur dramatique et acteur. Personnage pluridisciplinaire atypique, qui a joué avec sa propre image pour rendre au monde l’expression de sa pensée. Il a écrit et joué lui-même Le frigo en 1983, il est décédé quatre ans plus tard. Si on prend en compte le rapport personnel de Copi à son oeuvre, Le frigo devient « un soupçon » présent de la maladie, l’ombre d’une possible mort à venir.
Ce texte est arrivé dans mes mains de la même façon que le frigo de Copi apparaît au milieu du salon de L le personnage principal de la pièce, comme un besoin absolu plein d’étrangeté qui déclenchera chez moi, comme chez L une réaction en chaîne. Mon histoire avec Copi commence avec cette pièce. Pendant sa lecture j’ai eu un véritable coup de foudre qui m’a tout de suite donné envie de la faire partager aux autres.
De l’auteur, je ne connaissais que son parcours, ses dessins, son histoire, mais je n’étais jamais entré dans l’intimité de son écriture. J’ai découvert dans les textes de Copi un vrai questionnement sur l’expression théâtrale, ses différentes formes et comment il les utilise à sa guise passant du comique le plus loufoque au tragique le plus extrême avec grâce et fluidité. Sa langue résonne comme ses dessins : d’un coup de crayon, d’un seul trait. On y retrouve une théâtralité cynique et poignante, parfois violente sous un fond de pudeur et d’élégance qui font partie de sa poésie et de son univers onirique.
Derrière l’humour des situations imaginées dans Le frigo, je retrouve la trame complexe de l’effroyable solitude. L reste dans son huis clos gardé par sa geôlière Goliatha, c'est-à-dire L. Le dehors n’existe plus, seulement l’enfermement des murs, l’intérieur de L. avec ses luttes, son désespoir, cette spirale hantée de fantômes, et l’explosion des tabous. Le personnage devient plus réel que jamais dans une déchéance formidable pleine de densité tragique. Copi donne à ce personnage une liberté extraordinaire pour qu’il puisse faire exulter son être le plus secret. Et le frigo restera clos au milieu du salon, comme l’insinuation d’une possible mort, comme l’enfermement ultime.
Cette pièce arrive à un moment charnière de ma vie, où de nombreux questionnements sont en jeux. Je sens le besoin obsédant, comme le personnage de la pièce, de partir dans un voyage féerique par l’exploration théâtrale de ce brutal huis clos intérieur qui nous tracasse tous et dont Copi parle.
J’aurais sûrement pu rêver ce projet en espagnol ou même en catalan, mes langues maternelles. Mais le fait d’être installé depuis longtemps en France, me donne encore plus de courage pour créer la pièce tel que Copi l’a écrite, en français. Je serai aussi un étranger qui portera tout son passé derrière lui et qui exprimera ses peines et ses joies dans sa langue maternelle d’adoption. Je rêve que cette page blanche soit remplie d’imaginaire, de poésie et comme dirait le personnage de la pièce, « un chapitre pour mes mémoires ».
Carles Romero Vidal
J’aime l’idée de la commande. L’appropriation d’un texte dont j’ignorais l’existence quelque temps avant de le mette en scène. Certains sont gardés précieusement à l’abri et d’autres arrivent sur le bureau pour être montés dans la foulée. C’est le cas du Frigo de Copi. Carles Romero-Vidal, interprète du spectacle, est le déclencheur du projet, ainsi que Pauline Biais, la scénographe. Me retrouver face à la complexité de l’oeuvre. Explorer ses tiroirs secrets. M’enivrer de cette nouvelle écriture. Essayer de la maîtriser à ma manière.
Carles Romero-Vidal m’a proposé cet objet théâtral absolument fascinant : Le frigo, pièce jubilatoire du dénommé Raul Damonte Botana dit Copi crée en 1983 par l’auteur lui-même. Un vrai cadeau tout comme ce meuble calorifugé, pièce maîtresse amenée en surprise à trôner au centre du décor. Tel un météorite, cet objet encombrant restera au centre du plateau sans être ouvert ni touché. Il est considéré comme très dangereux renfermant des secrets explosifs, inquiétants, dérangeant. On vient l’observer, le prendre en photo de la même manière que l’« urinoir inversé de Duchamp ». Pourtant, c’est un frigo ou un réfrigérateur ou encore un frigidaire - cela dépend du personnage qui le nomme…
Copi, l’un des héritiers d’Artaud et de Feydeau, décloisonne nos signifiants linguistiques, active la subjectivité de ses fantasmes pour faire naître un théâtre polymorphe. A la manière d’un enfant qui s’invente des histoires en se servant des objets qui l’entourent, Copi raconte un enfermement dans une écriture loufoque pseudo-boulevardière. On ne sait jamais tout à fait qui parle. Ce texte est écrit pour un comédien, multipliant les personnages : hommes, femmes, chien, rat, horloge parlante, fantôme, poupée…
L’acteur évolue dans un espace clos, une boîte où dominent les couleurs noires et blanches. Nous restons enfermés dans l’appartement de L. Le salon est exposé au public, tandis que le corridor, la cuisine (citée plusieurs fois dans le texte), la garde-robe sont suggérés en fond de scène, derrière une cloison. Cloison transparente afin de jouer avec le off, l’invisible. Un choix scénographique qui accentue le voyeurisme du public. Jeu possible avec les ombres, les silhouettes. Le spectateur peut suivre ainsi les transformations et les métamorphoses de l’acteur.
Les changements font partis de la mise-en-scène. Ils rythment la journée de L. Chaque apparition d’un nouveau personnage entraîne L dans ses propres névroses où il se retrouve face à lui-même, face à ses monstres indestructibles. Ces bouleversements sont montrés par ce décor dévoilant ses coulisses. Derrière cette cloison se jouent des changements de costumes, mais aussi des situations de jeu. Espace étroit, éclairé en « demi-teinte » où le public devine l’action. Il est à nouveau placé dans une position de voyeur.
J’aborderai ce texte comme un conte pour enfant. Emmener le spectateur dans un monde onirique où tout est attrapé de manière extravagante. Ces métamorphoses ludiques, inquiétantes sont manipulées par cet objet perturbateur, sorte de boîte de Pandore. Le Frigo est la cause, ce jour-là, des bouleversements de L. Un quotidien de solitaire transformé en un défilé loufoque d’individus férocement drôles. Le monologue devient dialogue. A l’aide d’éther, de champignons et de poudre blanche, le grotesque prend la mesure de L. Tout devient monstrueux, cynique, joyeux. Le dialogue ne change donc jamais de bouche, la voix de L s’adapte aux différents caractères, le corps évolue. Chaque personnage emprunte le corps de l’acteur pour exulter. Encore et toujours l’enfermement.
Vincent Poirier
190, boulevard de Charonne 75020 Paris