Le choix du texte
La mise en scène
Extraits de presse
Le Non de Klara, c’est l’histoire d’un retour du camp d’Auschwitz, le retour de Klara, jeune femme juive allemande émigrée à Paris. C’est la voix d’Angélika, sa belle-sœur et amie, qui nous parvient à travers un journal personnel qu’elle tient de juillet à septembre 1945. C’est par ce regard et cette oreille extérieurs à l’enfer du camp que nous saisissons l’histoire de Klara.
La qualité épurée de l’écriture de Soazig Aaron fait de ce roman une matière littéraire particulière, à la limite du romanesque et du dramaturgique. Il est écrit à la première personne et rapporte des dialogues du passé. L’énonciation est donc déjà celle du texte théâtral. Le parti pris subjectif de l’écriture du journal par la « narratrice » donne au récit une force d’évocation particulière et un caractère elliptique qui offre un espace de jeu.
L’adapter au théâtre, c’est avant tout lui donner le présent, le corps et le souffle de l’acteur en correspondance avec la vibration de l’écriture du journal. C’est aussi développer une construction d’images des temps et espaces de l’expérience de Klara.
Le roman, unanimement salué par le monde littéraire et la critique nous amène à de multiples questionnements :
La mémoire du mal absolu des camps nazis
Comme l’affirme Jorge Semprun, bientôt les rescapés des camps de la mort ne seront plus là pour témoigner et rappeler jusqu’où l’être humain peut aller dans l’abomination ; c’est à la fiction et aux artistes de relayer cette mémoire. Le livre de Soazig Aaron est une des rares tentatives contemporaines de cet ordre.
La question du retour
Retours de camp, de guerre, de prison, ou de drames plus individuels (la maladie, le deuil), retours de points-limites où la personne a été ruinée mais a pourtant survécu. Devenir un survivant (« souvivant » comme le dit Klara), revenir et dire ce qui a été : l’histoire de Klara nous parle de la résilience que l’individu peut opposer à l’horreur.
La résistance
La croyance, le rire et le refus sont trois armes contre l’oppression dans tout combat humain pour la survie. Klara connaît les trois, et les décline sur tous les modes. C’est finalement le refus, le « Non » qui la sauve. Ce n’est pas « une belle figure de victime » que Klara nous propose, mais un archétype de la résistance.
Le regard des autres
Le journal est écrit par Angélika, une femme qui n’a pas vécu la déportation. Son regard est le notre, effrayé devant l’horreur, incrédule parfois, captant malgré lui la réalité portée par Klara. Tout le récit passe par cette personne extérieure qui doit reconnaître son incapacité à la « catharsis », son incompréhension, ses limites ; comme nous, en somme…
Deux principes guident la mise en scène de ce texte :
- Tout passe par le regard d’Angélika, la narratrice du roman, la rédactrice du journal, qui n’a rien vu des camps, mais assiste au retour de Klara, et montre ce qu’elle peut en comprendre (point de vue subjectif de la spectatrice).
- Klara est un chantier ouvert entre deux mondes, un espace humain dévasté qui peut rester abandonné ou bien devenir le lieu d’une construction nouvelle, selon les formes que prendra son refus.
Les personnages retenus pour l’adaptation sont tantôt incarnés par les comédiens, tantôt « racontés » par la marionnette. C’est un glissement permanent et réversible entre le théâtre dramatique et le théâtre épique :
La comédienne est Angélika qui vit le présent et qui raconte, mais représente aussi Klara, par sa voix et la manipulation de la marionnette.
Le comédien incarne Alban, le mari d’Angélika, le médecin bienveillant, et devient une sorte d’accoucheur, de « sage-homme », pour les personnages et leur récit.
La marionnette est un outil spectaculaire puissant qui a le pouvoir particulier de créer une distanciation, tout en maintenant un lien sensible. Son utilisation permet d’aborder l’inmontrable et de mettre à distance l’émotion.
A la forme littéraire du journal, les marionnettes proposent une équivalence théâtrale.
Dans le livre, Angélika décrit et rapporte ce qu’elle vit ; dans le spectacle, les comédiens donnent à voir, mettent en scène le récit par les marionnettes.
L’espace scénique, un parcours de grandes tables, où acteurs et marionnettes jouent, est le lieu de croisement de plusieurs temporalités :
- celle de l’écriture du journal au jour le jour,
- celle du passé lumineux de l’avant-guerre,
- celle de la déportation de Klara,
- celle de Berlin en ruine, où Klara a erré quelques temps.
« Le récit de Soazig Aaron […] n’est pas un témoignage, c’est une fiction. C’est là que se situe le miracle. C’est là que s’enracine et que prolifère le bonheur abominable et lumineux de cette lecture. C’est ce qui en fait le prix incalculable. J’attendais depuis quelque temps un récit comme Le Non de Klara. Je ne m’attendais pas à cette qualité, elle est inespérée. » Jorge Semprun, Le Nouvel Observateur, 28 mars 2002
« Le Non de Klara […]par une étonnante opération dont la littérature seule est apte à receler le secret, ce livre extraordinaire nous apparaît et nous bouleverse en raison d’un motif indubitable : sa vérité. […] Une vérité qui va plus loin, plus profond que la réalité visible. Il ne s’agit pas seulement d’une émotion sans contours, d’une dramatisation gratuite de cette réalité mais d’une authentique connaissance, d’une exacte pertinence du pire. » Patrick Kéchichian, Le Monde, 10 mai 2002
« Ce journal nous donne une parole nue, grattée, plus vraie et efficace que Le Choix de Sophie, roman de William Styron, avec la sobriété abyssale du premier Grand cahier d’Agota Kristof. Klara n’a pas fini de marcher au-dessus de nos têtes, surtout si elle est encore vivante, quelque part en Amérique… » Dominique Durand, Le Canard Enchaîné, 16 janvier 2002
« L’un des plus beaux livres de ce début d’année est un récit bouleversant qui nous ramène aux moments les plus noirs du siècle atroce qui vient de se terminer. Lorsqu’on a achevé la lecture de ce texte, Le Non de Klara, de Soazig Aaron, bien des fictions paraissent futiles, anodines, voire insignifiantes. » F. de Martinoir, La Croix, 17 janvier 2002
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