Rencontre avec l’équipe artistique à l'issue de la représentation mardi 27 juin.
Pour travailler avec le Groupe 42 du Théâtre National de Strasbourg, Thomas Jolly, artiste associé au TNS, a choisi d’embarquer ces jeunes artistes dans un « huis clos au milieu de l’océan » où se pose avec cruauté une question touchant à la racine du théâtre, art collectif et art du collectif : ce que l’être humain, cet animal qu’on dit sociable, appelle être ensemble.
« En 1940 », écrit Georg Kaiser, « un vapeur qui devait conduire au Canada des enfants de villes anglaises bombardées fut torpillé en pleine mer. » Sur cette donnée simple et tragique, le dramaturge allemand (1878-1945) imagine un drame d’un dépouillement absolu où se rejoue sous forme concentrée l’histoire de toute l’humanité. La pièce s’ouvre sur un effroyable naufrage. À l’aube, douze survivants sont découverts dans une unique embarcation : six garçons et six filles. Aucun ne paraît avoir plus de treize ans. Deux d’entre eux se distinguent. Ann serre contre elle un thermos de lait encore chaud. Allan a pensé à emporter son écharpe. Ils sont les premiers à se réveiller. « Allan et Ann » : leurs deux prénoms prononcés ensemble sonnent comme s’ils étaient « seuls au monde ». Et c’est sans doute au premier couple, Adam et Ève, plus encore qu’à Noé, survivant du Déluge, qu’ils songent tous deux en contemplant la mer.
Quand les autres enfants se réveillent à leur tour, Allan sait trouver les mots qu’il faut. À trois jours au moins des côtes, il leur faudra ramer et partager les quelques provisions de secours chargées sur le canot. Le partage est justement la règle que tous ont adoptée spontanément : chacun sans exception a bu un peu de lait dans le gobelet qu’Ann leur a tendu. Les enfants ne sont-ils pas l’innocence incarnée ? Eux-mêmes le croient. La charité d’Ann, l’énergie d’Allan, feront merveille en unissant les forces de tous. Et la découverte d’un dernier passager, caché à la poupe sous un pan de toile, paraît d’abord le confirmer. Ce n’est qu’au deuxième jour, à l’heure où les enfants s’apprêtent à manger « ensemble », qu’Ann s’avise qu’ils sont désormais treize. « Treize ! » Dès lors, tout va basculer. Treize est le nombre du malheur, de la malédiction, la fêlure minuscule par laquelle Ann va réintroduire la loi adulte en invoquant « Jésus et ses douze apôtres »...
Thomas Jolly l’a noté : le texte de Kaiser, sous son apparente limpidité, met à jour « le mécanisme de la monstruosité » par lequel s’accomplissent « la scission d’une communauté, la lutte pour le pouvoir, la force d’endoctrinement... » Comme si l’humanité, condamnée à se répéter, ne pouvait se constituer et s’unifier qu’au prix d’un sacrifice. Ou comme si, à la sublime utopie d’une communauté ouverte, devait fatalement succéder la fermeture de la société réelle, autour d’un autre partage : après celui du lait, celui du sang, du crime et du silence... Peut-on échapper à l’Histoire ? Qu’est-ce qui fonde le lien social : la solidarité de tous, ou l’exclusion d’un bouc émissaire ? Thomas Jolly a aimé cette pièce trop peu connue, l’une des dernières de celui qui fut dans les années 20 le maître incontesté de l’expressionnisme. Il y a vu une interrogation portant à la fois sur notre nature, notre histoire et – malheureusement – « notre actualité ».
Traduction de l'allemand : Huguette et René Radrizzani (éditions Fourbis, 1997)
« Les jeunes comédiens sont à la hauteur de cette scénographie à la fois sobre et splendide, en proposant un jeu quasi millimétré, où leurs voix, comme des cris chuchotés dans la pesante obscurité, portent une fausse naïveté enfantine qui douloureusement soutient la tragédie. » Ondine Bérenger, Theatreactu.com, 22 juillet 2016
« Le jeu travaillé avec les douze élèves (...) est un peu formel, mais très choral, et tout cela finit par donner toute sa force à la pièce de Kaiser. » Fabienne Darge, Le Monde, 20 juillet 2016
« Le metteur en scène leur impose un jeu stylisé un brin lyrique, ni enfantin, ni vraiment adulte, qui fait ressortir l'écriture équivoque de Kaiser - lorsque d'une réplique naïve, le texte passe sans crier gare à un monologue éloquent. » Philippe Chevilley, Les Echos, 19 juillet 2016
« La mise en scène de Thomas Jolly est d'une rigueur, d'une précision remarquables. » Armelle Heliot, Le Figaro, 18 juillet 2016
Sommes-nous si mauvais ? Sommes-nous déjà des adultes ? Nous voulons seulement fuir devant les horreurs des adultes. Les adultes sont si horribles. Nous sommes des enfants, qui ne font jamais un mal aussi épouvantable. On cesserait d’être cruel, si on nous voyait. Si on voyait seulement comment l’un d’entre nous, qui est aussi dans la détresse, répartit ces quelques gouttes de lait et fait boire tout le monde. Explosant. Les journaux du monde entier devraient en parler : comment les enfants sont entre eux, lorsqu’on les laisse être des enfants. Pourquoi les adultes sont si impitoyables dans leur méchanceté ?
Grande déception après la louangeuse critique de France Culture ! La scénographie est certes excellente, mais le jeu de l'actrice principale qui - pardonnez-moi - gueule en permanence sans articuler et gesticule mécaniquement irrite et frustre le spectateur qui ne peut en rien juger du texte, dont, d'après Thomas Jolly, " chaque réplique est une sculpture", dont "l'écriture est saisissante".
Une belle mise en scène qui exacerbe la tension qui monte au sein des rescapés sur leur canot de sauvetage jusqu'au drame final. Lumières, bruitages et décors contribuent à rendre presque palpable l'atmosphère d'espoir mêlé à l'angoisse qui pèse sur la pièce. Deux bémols importants : D'abord le texte de la pièce elle-même : le fait que la tension à bord naisse d'une croyance superstitieuse /religieuse et se focalise sur elle, soulignée par les chants chrétiens que les acteurs entonnent à plusieurs reprises, affaiblit le propos. Les motifs de tension voire de haine entre enfants d'un même groupe condamnés à rester en vase clos sont en effet autrement plus complexes et variés que ce que nous dit l'auteur (cf. Sa Majesté des Mouches). La complexité des relations entre enfants, la perversion qui pointe sous l'apparente candeur, les rivalités, rien de cela n'est vraiment montré. Ensuite l'actrice principale (et qq autres aussi) crie(nt) en permanence, sans articuler pour autant , ce qui rend l'audition de ses paroles un peu pénible et nuit nettement à la crédibilité de son jeu ; il est d'autres manières de traduire la peur de la mort qu'éprouve une enfant de 12 ans que de hurler comme une forcenée...
superbe et intelligente mise en scène par Th Jolly d'une pièce très intéressante d'un auteur allemand assez peu connu, un très beau spectacle
Pour 3 Notes
Grande déception après la louangeuse critique de France Culture ! La scénographie est certes excellente, mais le jeu de l'actrice principale qui - pardonnez-moi - gueule en permanence sans articuler et gesticule mécaniquement irrite et frustre le spectateur qui ne peut en rien juger du texte, dont, d'après Thomas Jolly, " chaque réplique est une sculpture", dont "l'écriture est saisissante".
Une belle mise en scène qui exacerbe la tension qui monte au sein des rescapés sur leur canot de sauvetage jusqu'au drame final. Lumières, bruitages et décors contribuent à rendre presque palpable l'atmosphère d'espoir mêlé à l'angoisse qui pèse sur la pièce. Deux bémols importants : D'abord le texte de la pièce elle-même : le fait que la tension à bord naisse d'une croyance superstitieuse /religieuse et se focalise sur elle, soulignée par les chants chrétiens que les acteurs entonnent à plusieurs reprises, affaiblit le propos. Les motifs de tension voire de haine entre enfants d'un même groupe condamnés à rester en vase clos sont en effet autrement plus complexes et variés que ce que nous dit l'auteur (cf. Sa Majesté des Mouches). La complexité des relations entre enfants, la perversion qui pointe sous l'apparente candeur, les rivalités, rien de cela n'est vraiment montré. Ensuite l'actrice principale (et qq autres aussi) crie(nt) en permanence, sans articuler pour autant , ce qui rend l'audition de ses paroles un peu pénible et nuit nettement à la crédibilité de son jeu ; il est d'autres manières de traduire la peur de la mort qu'éprouve une enfant de 12 ans que de hurler comme une forcenée...
superbe et intelligente mise en scène par Th Jolly d'une pièce très intéressante d'un auteur allemand assez peu connu, un très beau spectacle
8, boulevard Berthier 75017 Paris
Entrée du public : angle de la rue André Suarès et du Bd Berthier.