Le mythe de l’innocence
J’ai fait un rêve
Le Rêve d'un homme ridicule déploie toute l’histoire de l’humanité à travers le mythe adamique de la Chute, dont le rêveur, l’homme ridicule, s’imagine qu’il est responsable. Lassé du monde, résolu au suicide, il en est détourné par la rencontre fortuite d’une petite fille en haillons, écrasée par le chagrin et qui l’appelle à l’aide au détour d’une rue déserte. Rentré chez lui, il plonge dans un profond sommeil. Il rêve qu’il vient de commettre un suicide et se retrouve à l’Âge d’or. L’humanité innocente fait la fête au désespéré. Elle veut l’apaiser et le guérir. Mais l’homme désespéré nourrit son mal de la projection infinie de son être dans la douceur originelle et impossible qu’il rêve d’avoir blessée.
Dostoïevski invite à prendre le mythe de l’innocence à rebours : de la mort à l’origine. Le mythe ne raconte plus la tentation et l’invention du mal par l’homme non souillé à l’origine, mais la contamination de l’humanité innocente devant l’apparition du mal. Le désir profond du nihilisme n’est pas de commettre le mal, il est de culpabiliser l’innocence : « Oui, oui, à la fin je les ai tous corrompus ! […] Comme une trichine dégoûtante, comme un atome de peste qui contamine des pays tout entiers, ainsi, moi-même, j’ai contaminé toute cette terre qui, avant moi, vivait heureuse et sans péché. »
Le récit s’accélère et l’essentiel de l’histoire de la culture de l’humanité défile jusqu’à l’apparition du désir de réintégration de l’unité perdue : « Quand ils devinrent méchants, ils parlèrent de fraternité, d’humanité et comprirent ces idées. Quand ils devinrent criminels, ils inventèrent la justice […]. » La violence précède la loi. La culpabilité précède le crime. La fable dit aussi que le nihilisme est un impossible désir de régénération. Seul l’homme ridicule, l’homme moderne, le nihiliste, croit l’innocence originelle et première. Il n’imagine pas que l’innocence est celle qui doit répondre de tout et de tous.
Siegrid Alnoy
Le Rêve d'un homme ridicule dans le texte français d'André Marcowicz est paru aux Éditions Actes Sud / Babel, Arles, 1993.
J’ai fait un rêve qui m’a totalement surpris, parce que je n’avais jamais fait de rêve semblable. À Dresde, à la pinacothèque, il y en a un de Claude Lorrain, « Acis et Galatée », je crois, d’après le catalogue, mais moi, je l’ai toujours appelé « L’Âge d’or », je ne sais trop pourquoi moi-même. Ce tableau, je l’avais déjà vu, mais, cette fois, trois jours auparavant, je l’avais remarqué, à nouveau, en passant. C’est de ce tableau-là que j’ai rêvé, mais pas comme d’un tableau, non, comme si c’était une sorte de réalité.
Il s’agit d’un coin de l’archipel grec ; des vagues caressantes, bleu ciel, des îles et des rochers, un rivage fleuri, un paysage magique au loin, un soleil couchant et appelant - pas moyen de le dire avec des mots. C’est là que l’humanité européenne a gardé souvenir de son berceau, là que se passent les premières scènes de la mythologie, son paradis terrestre… Là ont vécu des hommes de beauté ! […] Rêve inouï, erreur sublime ! Songe le plus invraisemblable de tous les songes qui ont jamais été, songe auquel toute l’humanité, durant toute sa vie, a donné toutes ses forces, pour lequel elle a tout sacrifié, pour lequel les prophètes se sont fait crucifier et sont morts et sans lequel les peuples ne veulent pas vivre et même ne peuvent par mourir.
Toute cette sensation, c’est comme si je l’avais vécue dans mon rêve ; je ne sais pas ce dont je rêvais précisément, mais les rochers, la mer, mais les rayons obliques du soleil couchant - tout cela, c’est comme si je le voyais encore quand je me suis réveillé et j’ai ouvert des yeux littéralement mouillés de larmes, la première fois de ma vie. […] J’ai refermé les yeux, très vite, comme si je voulais rappeler le rêve qui venait d’avoir lieu, mais, brusquement, comme au milieu d’une lumière brillante, mais brillante, j’ai vu une sorte de point minuscule. Ce point, il acquérait une espèce d’image, et, brusquement, c’est une petite araignée rouge minuscule qui m’est très nettement apparue.
Fedor Dostoïevski
Les Démons, texte français André Markowicz, Éditions Actes Sud / Babel, Arles, 1995
Ce fut une pièce prenante et angoissante ! Partager les pensées d'un homme, essayer de les comprendre, parfois on se demande s'il ne serait pas fou... C'est un exploit de la part de Carlo Brandt de faire une prestation de plus d'une heure et demi, seul, avec une mise en scène orginale et troublante. Un grand bravo à Carlo Brandt !
Ce fut une pièce prenante et angoissante ! Partager les pensées d'un homme, essayer de les comprendre, parfois on se demande s'il ne serait pas fou... C'est un exploit de la part de Carlo Brandt de faire une prestation de plus d'une heure et demi, seul, avec une mise en scène orginale et troublante. Un grand bravo à Carlo Brandt !
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