Le silence et la peur

Ivry-sur-Seine (94)
du 27 février au 8 mars 2020
2 heures

Le silence et la peur

La vie de Nina Simone est une traversée terrible et sublime, une épopée de 70 ans qui se termine dans une solitude presque totale. David Geselson raconte son histoire.

David Geselson a entrepris une recherche documentaire, mêlant biographies et documents historiques, avec une équipe afro-américaine et française. Ils font apparaître une figure de Nina Simone à la vie tragique et grandiose, héritière de quatre siècles d'histoire coloniale. Spectacle en français et en anglais surtitré en français.

Spectacle en français et en anglais surtitré en français.

  • Notre héritage occidental

Pour répondre à ces questions, David Geselson a traversé l’Atlantique et composé une équipe afro-américaine et française. Avec ses cinq interprètes, il a partagé sa recherche, mêlée de biographies et de documents historiques sur la vie de Nina Simone. Il a aussi confronté leurs points de vue sur l’Histoire et la lutte des droits civiques en Amérique. En commun, ils font apparaître les fantômes des blessures et les silences transmis depuis la conquête meurtrière du « Nouveau Continent » à travers la figure de la chanteuse iconique. Descendante d’une Amérindienne et d’un esclave africain, Nina Simone incarne avec puissance la question de l’héritage, chère à David Geselson. « Une cicatrice qui ne guérit pas » dira la femme blessée.

Sur scène, l’altérité se dit en anglais, en français ou encore en ngambay. Et ce principe de fluidité, propre à l’écriture du metteur en scène, permet de s’affranchir de la chronologie tandis que s’entrecroisent ou fusionnent librement fiction et documentaire. Pour la comédienne Dee Beasnael, il s’agit moins d’incarner Nina Simone que de nous raconter son histoire. Des pans de vie qui glissent, comme ce décor mouvant, d’un bar à une loge, d’un intérieur modeste à un joli salon. Nous rencontrons le père, le mari, la professeure de piano… et Eunice Waymon de son vrai nom apparaît. Et lorsque son interprète nous fait sentir sa colère et soudain parle en son nom propre, Nina Simone disparaît pour laisser place aux émotions de chacun.

Être loin, être proche… Le Silence et la peur nous offre la possibilité du déplacement. Pour réfléchir notre Histoire tout en sentant la peur d’être détruits.

Elsa Kedadouche

Par la compagnie Lieux-Dits.

  • La presse

« Un spectacle de réappropriation culturelle partagée, d'une humanité ravageuse. La preuve par trois du talent inouï de David Geselson pour faire de l'histoire un bien commun. » Les Inrocks

« David Geselson est l'un des metteurs en scène les plus pertinents du moment car il arrive à imposer, dans la douceur, un mélange de faits historiques et de trajectoires personnelles avec un sens aigu du plateau ; il sait créer des images sensibles sans démonstration et donne avec humilité et bienveillance une leçon d'humilité à chacune de ses créations. » i/O Gazette

« David Geselson, excellant dans l’art de raconter des épopées individuelles, a tout de suite vu une matière théâtrale dans la destinée de la star noire américaine. » La Croix

« Le silence et la peur, écrit et mis en scène par David Geselson, croise avec bonheur biopic et inventivité formelle autour de la figure de la chanteuse Nina Simone. » La Terrasse

« Aucun pathos dans l'écriture et le jeu. Les cicatrices de Nina Simone sont représentées avec distance et retenue. L'osmose entre les excellents comédiens d'horizons différents fait le reste. L'âme ressuscitée de Nina la rebelle n'a pas fini de nous hanter. » Les Échos Week-end

« Le metteur en scène David Geselson s’est penché avec goût et délicatesse sur cette histoire d’une femme noire, mue par cette quête intime pour la reconnaissance existentielle et par celle d’une lutte politique qui résonne fort encore aujourd’hui. (...) Un spectacle éclairé par la passion musicale, la noblesse existentielle d’une figure morale que la mélancolie assombrit en échange. » Hottello

« Même si le poids de quatre siècles de crimes pèse parfois un peu lourd sur le spectacle, la dramaturgie tisse habilement les liens, crée des échos. (...) Les comédiens sont remarquables et le choix de leur offrir de grands moments face au public les met en valeur. » Les trois coups

« Les séquences s'enchaînent subtilement grâce à une scénographie soignée. (...) Nina-Eunice (...) l'incarne. Elle impressionne. » Mathieu Perez, Le Canard enchaîné, 4 mars 2020

  • Note d'intention

La vie de Nina Simone est une traversée terrible et sublime, une épopée de 70 ans qui se termine dans une solitude presque totale, en France en 2003, à Carry-le-Rouet. C’est à la fois l’histoire d’une quête intime éperdue pour la reconnaissance et celle d’une lutte politique vitale qui résonne aujourd’hui encore. Figure tragique d’une révolte, Nina Simone, presque trop connue pour que l’on puisse s’en approcher, est sans doute irreprésentable sur un plateau de théâtre. Jouer une Nina Simone, faire chanter comme Nina Simone, est un pari risqué : on sera toujours pâle à côté du réel.

Pourtant il y a là quelque chose d’infiniment attirant. Non contente d’avoir vécu une vie épique, de l’enfant prodige effrontée de Tryon dans le fin fond de la Caroline du Nord, à la star américaine de show business devenant l’une des voix du mouvement afro-américain de lutte pour les droits civiques, Nina Simone côtoie aussi l’histoire des plus grandes figures du Mouvement : de Martin Luther King à James Baldwin, en passant par Stokely Carmichael (1er ministre des Black Panthers en 1968), à Langston Hugues. Elle est aussi malgré elle l’héritière directe d’une bonne partie de l’histoire des États-Unis : arrière arrière-petite-fille d’une amérindienne mariée à un esclave noir africain, elle porte en elle quatre siècles d’histoire coloniale. En racontant son histoire, c'est aussi le récit de la conquête meurtrière des Amériques par les différents empires occidentaux (espagnols, portugais, anglais, hollandais et français) à partir du XVème siècle qui est évoqué, et ce faisant, une partie de l’histoire des afro-américains, dont les tragiques destinées sont chevillées à la conquête du « Nouveau Monde ».

De l’arrivée de Christophe Colomb aux Bahamas, au chef Skyuka massacré avec sa tribu amérindienne dans l’actuelle Caroline du Nord, en passant par l’histoire des africains-américains victimes de l’esclavage, la pièce tente, à travers l’histoire de cette femme, de raconter et d’interroger ainsi une partie de notre histoire et de notre héritage occidental contemporain.

Le projet interroge et donne à voir, à ressentir, ce que la peur (de l'autre) peut faire taire. Comment la peur d’être détruit parce que l’on est ce que l’on est, diffuse dans les corps et les esprits de ceux qui la subissent des cicatrices indélébiles, et qui se transmettent, génération après génération ? Européens, occidentaux, nous sommes les héritiers de ces blessures, infligées ou subies. Victimes ou bourreaux, nos histoires sont le fruit des bouleversements provoqués par le développement des empires qui deviendront plus tard l’Europe sur les terres habitées des Amériques à partir du XVème siècle.

Comment faire récit commun ? Quelle légitimité pour ce faire ? Raconter l’intimité de Nina Simone est une tentative de lire une part des cicatrices et des combats de l’Histoire à travers la vie d’un individu. Le faire depuis le seul point de vue français, blanc, serait une erreur majeure. Il ne s’agit pas là de s’approprier une histoire qui n’est pas nôtre, celle des africains-américains, mais plutôt de tenter de faire communauté. De faire se rencontrer les protagonistes héritiers de deux histoires aux conséquences bien différentes, et tenter de construire, au-delà des cicatrices laissées par nos aïeux, un lieu commun : celui d’un théâtre qui fait revivre les morts pour construire un lien entre les vivants.

À l’heure où les questions d’appropriation culturelle deviennent un enjeu important pour les artistes de théâtre comme de cinéma, une équipe a été constituée pour plonger de plain-pied dans la grande Histoire, une équipe forte des expériences et des histoires de chacun, de chaque côté de l’Atlantique. Pour raconter ces histoires, pour approcher quelque chose de ce que Nina Simone porte en elle, il a été indispensable de travailler avec des artistes afro-américains. L’équipe artistique est donc construite sur la rencontre entre deux mondes, deux héritages, deux façons de travailler : franco-européen et afro-américain. Après une première session de travail en juillet 2018 à New-York à la Harlem Stage, la compagnie Lieux-dits a proposé à trois artistes afro-américains de se lancer dans l’écriture et la construction du projet. Aussi, le spectacle est à la fois en anglais et en français.

Dans la lignée de ses précédents projets, Doreen et En Route-Kaddish, David Geselson compose à plusieurs mains une forme construite à partir de documents réels et d’éléments historiques. Les biographies, autobiographies, récits intimes et l’histoire américaine servent de base de travail. Il s’agit ainsi de faire exister dans une fiction travaillée par la grande Histoire (notamment les luttes livrées entre 1945 et 1970 par des figures du Mouvement des droits civiques comme Malcolm X, Martin Luther King, Angela Davis... afin de mettre un terme à la ségrégation raciale) ce qui habite Nina Simone, ceux qui l’ont accompagnée sa vie durant, et ses fantômes, comme différentes facettes d’une pierre que l’on ne pourrait jamais embrasser d’un même regard, pour, peut-être, transcendant les peurs et les silences de l’histoire, proposer un lieu commun où se reconnaître.

« Cinquante années passées dans la peau de Nina Simone m’ont fait oublier mon nom. Et c’est une drôle de chose, à la fin, que de devoir porter un nom qui n’a jamais été le sien. Pour vivre un destin qui n’était pas le sien. » Nina Simone

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Spectacle terminé depuis le dimanche 8 mars 2020

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