Le songe d’une nuit d’été

Bobigny (93)
du 5 mars au 3 avril 2007

Le songe d’une nuit d’été

Jean-Michel Rabeux nous entraîne dans un théâtre féerique et sensuel, où le rêve et l’amour sont rois. Dans la forêt profonde tout change, se métamorphose, se désagrège, jusqu’aux limites extrêmes du désir et du travestissement. Une des pièces les plus riches de Shakespeare.

Théâtre féérique et sensuel
Notes
Entretien avec Jean-Michel Rabeux

  • Théâtre féérique et sensuel

Fascinant Songe à la fois léger, violent, fantastique, extravagant, sauvage et malicieux qui met en rapport le visible et l’invisible, le réel et l’imaginaire. Exemple le plus parfait d’un théâtre élisabéthain qui manie allègrement la verdeur et la crudité des propos, la finesse et les contradictions du sentiment amoureux, qui multiplie à l’infini les possibilités de tous les travestissements, qui entremêle les sexes en leur ôtant toute connotation sociale, qui parle avec simplicité de l’inconscient et de l’animalité qui sommeillent en chaque être humain, qui glorifie le sexe érotique face au sexe conjugal, qui déclare l’amour polymorphe et le fait triompher de la loi.

Un théâtre qui est aussi une déclaration d’amour au “Théâtre”, une célébration de “l’Art” du théâtre, simple, pauvre mais essentiel que vont pratiquer les artisans d’Athènes pour réjouir leurs princes. Un théâtre de passion sans beaucoup de moyens, animé par le seul désir de ces amateurs fous qui dans leur générosité maladroite vont produire un moment de convaincante beauté.

Jean-Michel Rabeux veut entrer dans la nuit et le rêve, dans la forêt profonde où tout change, se métamorphose, se désagrège. Entre comédie et tragédie, il veut pousser dans ses limites extrêmes le travestissement et sur les pas de Shakespeare, faire entendre l’inépuisable voix d’un auteur qui revendique pour chaque humain la liberté absolue, celle qui permet de mettre au centre de sa vie la réalisation de ses désirs, même les plus fous…

Démétrius : Je te dis, je te crie : Je ne t’aime pas ! Je ne t’aimerai jamais.
Héléna : Plus tu le dis, plus je t’aime.
Je suis ton épagneul, Démétrius,
Plus tu me bats, plus je me couche à tes pieds.
Traite-moi comme ton chien,
Repousse-moi, frappe-moi.
Seulement, permets que je te suive comme ton chien.
Le songe d’une nuit d’été, extrait

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  • Notes

"C’est érotique dans le sens où tout est mu par le désir, tout est désirable, tout est désiré : le roi et la reine, les artisans, les dieux, la nature entière, la lune, les bêtes, les eaux…"

"Le théâtre est fait pour dire non à certaines choses. C’est une utopie, sans doute, mais féroce, résister à ça en allant puiser dans le secret de chacun ce qui échappe au social."

"J’aime les songes. Tous mes spectacles sont des songes tendus vers les spectateurs, comme on tend les bras. Par songe je veux dire Terra incognita où l’homme s’évade des interdits, des bienséances, de la mort même, puisqu’au théâtre, comme en songe, on ressuscite. Par Songe je veux dire pays des plaisirs, ce qui en nous échappe à notre raison, plonge dans les forêts de l’enfance, bruissantes de désordres, de voluptés, de peurs, de jouissances. Le mot moderne pour cet inconnu c’est l’inconscient.

Le songe d’une nuit d’été est un double rêve, il est le rêve dans le rêve, comme on dit le théâtre dans le théâtre. A l’intérieur du rêve qu’est tout théâtre, s’en joue ici un autre, j’allais dire véritable, qui entraîne tous les personnages au royaume érotique, qu’on peut appeler amoureux si l’on préfère, qu’on peut appeler vital.

Le texte nous dit, nous chante, nous chuchote que la Nuit a toujours raison sur le Jour, que l’Amour a toujours raison sur la loi, que le désir a toujours raison de toutes nos raisons. Pour une fois, sur un de mes plateaux, tout ne concourra qu’à la vie. La Mort, ici, n’existe pas. Alléluia !"

J.-M. Rabeux

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  • Entretien avec Jean-Michel Rabeux

Le songe d’une nuit d’été est sans doute une des pièces les plus riches de Shakespeare tant au niveau des thèmes abordés que des formes théâtrales qu’elle propose. Avez-vous fait des choix dans votre travail ? Avez-vous privilégié certains univers ?
Inconsciemment probablement, mais consciemment non. J’ai essayé de faire en sorte que tous les niveaux de la pièce soient vivants, présents, interpénétrables et se répondent les uns aux autres. Il faut que tous ces “mondes” cohabitent et s’entremêlent dans le savant désordre initié par Shakespeare. Le monde de la Cour et du pouvoir, d’abord, avec le danger mortel qu’il représente, même s’il est “grotesqué”. Le monde du merveilleux, du songe à proprement parler, des fées, des reines et rois de la nuit. Celui des amoureux éparpillés les uns au travers des autres, interdits d’amour et puis éperdus d’amour, ou de désir, comme on préfère. Bien sûr le monde des artisans, qui met en dérision et l’amour, et le pouvoir, et la nuit et le théâtre même. Mais en respectant tous ces entremêlements j’ai essayé de les extraire de la sphère de la convention“romantique” pour les amoureux, “ouvriériste” pour les artisans, “kitsch” pour les elfes. Tous les personnages, y compris ces “dieux” qui n’en sont pas, doivent offrir leurs failles véritables, ils doivent témoigner de leur douleur. De la nôtre.

Quelle traduction avez-vous utilisée ?
C’est la première fois que je monte Shakespeare, parce que ce qui m’intéresse dans un texte, au-delà de ses thèmes, c’est la matière textuelle. J’ai monté très peu d’auteurs étrangers à cause de ça. À la lecture des différentes traductions je n’étais pas satisfait de ce que je lisais. Non pas parce qu’elles manquaient de fidélité ou de poésie. Elles ont toutes des qualités, mais elles ne me satisfaisaient pas scéniquement, théâtralement. Elles ne satisfaisaient pas l’urgence, le “ici et maintenant” qu’est une représentation. Donc j’ai décidé d’y aller. Je me suis servi de traductions littérales, ou vieillies, romantiques justement, comme pour m’y opposer et libérer ma propre inventivité. C’est une sorte d’adaptation libre. Je rentre à l’intérieur de Shakespeare, de sa langue, de ses thèmes, et j’en use, j’en abuse. C’est un rapt, un viol, un acte très incorrect, très peu honnête, pas démocratique, pas déontologique pour un rond, c’est juste amoureux fou. Je suis amoureux fou de la langue de Shakespeare. Bref, je fais comme je peux.

Parmi les thèmes dont nous parlions il y en a un de très présent dans tous les univers, c’est celui du désir. Avez-vous le sentiment qu’il y a pour tous les personnages le besoin de satisfaire leurs désirs avant que ces désirs s’estompent ?
Oui, il y a une urgence. Le “Songe” dont il est question n’est pas seulement le songe dans lequel vont être plongés les jeunes gens drogués par les filtres amoureux des dieux, c’est la totalité de la pièce qui est un songe. Il y a le songe dans le songe, celui des amoureux, comme il y a le théâtre dans le théâtre, celui des artisans. Mais on est livré à un songe sans cesse. Tout est songe. De ceux dont on a peur de s’éveiller tellement ils sont délicieux, on se dépêche d’aller au bout du rêve avant le terrible réveil qui nous remettra dans l’univers du pire, celui où tous les désirs vont sombrer, où tout ce qui a été rêvé, la folie des âmes et des coeurs, va pâlir puis s’effacer à la lumière du jour.

L’érotisme est très présent dans cette pièce ?
C’est érotique dans le sens où tout est mu par le désir, tout est désirable, tout est désiré : le roi et la reine, les artisans, les dieux, la nature entière, la lune, les bêtes, les eaux… C’est en deçà du libertinage je crois, c’est plus près de Villon, de Rabelais et de sa truculence, que de Sade ou de Laclos. C’est plus libre que libertin, c’est joyeux, cruel et vivant. C’est très dur à jouer, le désir, le faire sentir dans la langue autant que dans les corps. Comment faire sentir le sang qui bat violemment dans chaque personnage sans tomber dans le ridicule, sans donner dans la pornographie. Il faut que tout soit présent mais toujours en suspend.Quand on scrute l’inconscient érotique sur un plateau, il faut le faire d’une façon qui permette d’aller au plus dangereux, sans rémission, mais en laissant à l’imaginaire du spectateur une porte de sortie. Parfois c’est le rire, parfois c’est une extrême délicatesse, parfois c’est la grâce des corps, leur énigme. Shakespeare faitça et je veux lui être fidèle.

Le désir est aussi un moyen de mettre en cause l’ordre social ?
Oui. C’est ça le théâtre, non? C’est le seul lieu social où le social est mis en cause par l’art. L’art en général met en cause le social, mais quand on lit on est seul face à l’oeuvre. Au théâtre on est entouré d’autres humains tout proches dans ce lieu social qui, très étrangement, violemment, dangereusement, avec une force qui pénètre l’imaginaire de façon durable, fracasse toutes les lois sociales. Evidemment il faut un ordre social, mais cette évidence est tellement puissante qu’il faut la remettre en cause en permanence pour que l’on n’aille pas vers cette société où il y a une caméra de surveillance pour quatorze britanniques. On sait le danger qui fait que trop d’ordre fait basculer la société vers un désordre terrible. Le rôle du théâtre est de rappeler à l’ordre ceux qui veulent créer ce désordre là, celui de trop d’ordre. Plus jamais d’étoile jaune, plus jamais de triangle rose, et on est en plein dedans, autrement, mais dedans… Monter Le songe est une façon de résister, résister et lutter contre toutes les formes de dictatures, qui se mêlent de nos secrets. C’est une façon de résister contre l’abus que le social exerce sur le singulier. Le théâtre est fait pour dire non à certaines choses. C’est une utopie, sans doute, mais féroce, résister à ça en allant puiser dans le secret de chacun ce qui échappe au social. Il n’y a pas le Bien d’un côté et le Mal de l’autre, la sauvagerie de l’homme singulier d’un côté, et la mise en ordre harmonieuse de l’homme en société de l’autre. Il faut trouver un équilibre entre ces deux pulsions humaines du trop de sauvage et du trop d’ordre, et le théâtre est le “lieu” de ça. À notre époque il faut questionner très vertement le social, c’est une nécessité impérieuse, une survie. Le poids de la loi augmente, sa puissance technologique envahit, la zone secrète s’amenuise de jour en jour, les prisons sont de plus en plus pleines, les peines de plus en plus lourdes et de plus en plus longues. Il n’y a plus beaucoup de forêts nocturnes où s’échapper… mais cela beaucoup d’entre nous le savent.

Pour en revenir aux artisans, et à leur représentation du théâtre, comment les imaginez vous comme acteurs puisque ce sont eux qui choisissent de devenir comédiens sans aucune injonction du pouvoir ?
Les artisans me font penser aux handicapés acteurs de la compagnie de L’Oiseau Mouche, avec lesquels j’ai travaillé. Ce qui est bouleversant chez eux c’est que leur maladresse laisse apparaître, béante, leur humanité. Ce qui bouleverse le théâtre ce n’est pas le savoir faire d’un acteur mais son humanité, ce qui passe de sa nature de mortel. C’est sa personne, souffrante, ridicule, touchante, magnifique parce qu’unique, qui m’est essentielle sur le plateau. Moi j’aime la maladresse chez les acteurs, elle me touche souvent plus que leur adresse. Les hommes sont touchants, car ils sont maladroits. Je suis même méfiant face au trop de savoir faire, c’est un masque, il rend commun. J’aime ce mot de Sarah Bernhardt : “C’est un acteur, ce n’est pas un artiste…” Avec les artisans la difficulté c’est que le travail de clown doit être méticuleux, extrêmement précis, mécanique presque, mais en même temps derrière cela, ou devant, il doit demeurer des êtres humains. C’est l’art de l’acteur à son comble.

Comme il est indiqué dans le titre même de la pièce toute cette aventure se passe la nuit ? Quel est pour vous son rôle, son statut ?
La nuit du Songe est aussi vraisemblable que celle que l’on trouve dans les contes… La nuit est ici la métaphore de l’ombre, mais de l’ombre portée que l’acteur, comme le personnage, comme nous tous, a en lui. C’est l’endroit de la liberté, de l’éros, c’est l’endroit où la loi est remise en cause ou plus exactement“oubliée”… C’est la nuit des boites, des bars, des travestis, des backrooms, des théâtres, celle des noctambules. Cette nuit du Songe est vraiment le contraire du jour, comme l’amour est le contraire de la loi et la passion le contraire de la raison. La lune de cette nuit-là ce sera une boule tango… une énorme boule tango… C’est une nuit électrique, la voûte céleste se reflétera sur un sol en miroir. Notre nuit sera celle de la Voie lactée.

Peut-on dire que Le Songe est une pièce païenne ?
Oui c’est très païen. C’est à côté du monothéisme. Shakespeare, et c’est son génie, parvient à échapper à la dualité morale, à la pensée monolithique du monothéisme. C’est très mythologique, en dehors du fait que cela se passe à Athènes, une sorte d’Athènes, tout est imprégné de cette culture polythéiste… Ovide et ses “Métamorphoses”, mais Aristophane, Lucrèce… C’est une pièce des yeux, du danger mortel des yeux. C’est dionysiaque, le dieu des yeux. Il y a aussi un lien avec le monde surnaturel dans lequel vivait encore les anglais de l’époque shakespearienne, celui des fêtes rurales pré-chrétiennes peuplées d’êtres magiques.
C’est avant l’invention de Dieu, l’Unique. Quel homme !

Entretien avec Jean-Michel Rabeux, réalisé par Jean-François Perrier, novembre 2006.

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Sélection d’avis du public

Le songe d’une nuit d’été Le 4 février 2007 à 19h19

Magnifique spectacle, beaucoup de prises de risques et un véritable engagement artistique. Un jeu tout en finesse, des corps qui se cherchent, vascillent, s'emprisonnent et se libèrent. Le texte de Shakespeare est exploré dans toute son intemporalité et ses sens cachés. Tout le mystère des relations humaines, de l'expression et du ressenti du corps, et l'infinité de possibles du théâtre existent sur scène de façon légère. L'humour et la poésie donnent forme à un contenu grave et trouble. Désopilant, de façon profonde et féroce; porteur de rêverie, de façon énigmatique et espiègle; enfin percutant, ce spectacle interpelle le spectateur et le renvoie au mystère de son être et aux difficultés d'appréhender son corps et à la relation à l'autre... A voir de toute urgence!!!

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Le songe d’une nuit d’été Le 4 février 2007 à 19h19

Magnifique spectacle, beaucoup de prises de risques et un véritable engagement artistique. Un jeu tout en finesse, des corps qui se cherchent, vascillent, s'emprisonnent et se libèrent. Le texte de Shakespeare est exploré dans toute son intemporalité et ses sens cachés. Tout le mystère des relations humaines, de l'expression et du ressenti du corps, et l'infinité de possibles du théâtre existent sur scène de façon légère. L'humour et la poésie donnent forme à un contenu grave et trouble. Désopilant, de façon profonde et féroce; porteur de rêverie, de façon énigmatique et espiègle; enfin percutant, ce spectacle interpelle le spectateur et le renvoie au mystère de son être et aux difficultés d'appréhender son corps et à la relation à l'autre... A voir de toute urgence!!!

Informations pratiques

MC93

9, bd Lénine 93000 Bobigny

Accès handicapé (sous conditions) Bar Garderie (sous conditions) Grand Paris Librairie/boutique Restaurant Seine-Saint-Denis Wifi
  • Métro : Bobigny Pablo Picasso à 472 m
  • Tram : Hôtel de Ville de Bobigny à 90 m
  • Bus : Hôtel de Ville à 84 m, Karl Marx à 181 m, Maurice Thorez à 274 m
  • Voiture : A3 (Porte de Bagnolet) ou A1 (Roissy) ou RN3 (Porte de Pantin) sortie Bobigny / centre-ville ou A86 sorties N° 14 Bobigny /Drancy.
    Parking à proximité (un parking gratuit dans le centre commercial Bobigny 2 est accessible les soirs de représentation)

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Plan d’accès

MC93
9, bd Lénine 93000 Bobigny
Spectacle terminé depuis le mardi 3 avril 2007

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