C’est l’histoire de trois femmes algériennes plongées dans la tourmente. Trois générations, Raïssa, Leïla et Saïda, distribuées selon les tessitures alto, mezzo, soprano colorature, pour conférer à chacune sa couleur propre. Ce sont trois époques différentes de l’Histoire de la France et de l’Algérie : la Guerre d’indépendance, les bidonvilles de Nanterre-la-Folie et l’après 1988. Raïssa, Leïla et Saïda croient, à un moment donné, au bonheur. Mais pour chacune, la promesse est repoussée parce que l’Histoire fait irruption dans leur vie et saccage tout. Toutes les trois sont, sans cesse, dépossédées et contraintes au combat. Pour Laurent Gaudé, ce dont il est question, c’est bien de « faire entendre, sur un plateau de théâtre, à travers ces trois personnages, le cri de rage et de révolte de ces femmes ».
Dix interprètes sur scène font un ensemble vocal qui traduit la variété d’écriture chorale et déploie une large palette du parlé-rythmé au chanté. Le souffle de l’écriture de Laurent Gaudé appelle cette expansion lyrique, notamment dans les monologues, en forme de lamentos dévolus aux trois sacrifiées. Des situations extrêmes voulues par le dramaturge confrontent le compositeur à l’essence même de l’opéra, à ce qu’on pourrait désigner comme son « extrémisme » esthétique.
Les grands thèmes chers à l’art lyrique habitent aussi cette oeuvre (la malédiction, le sacrifice, la « défaite des femmes »), alors même que l’histoire la plus récente (la Guerre d’Algérie, l’émigration, le fanatisme religieux) est présente mais traitée par Laurent Gaudé comme « matériau pour la fiction ». Thierry Pécou reprend à son compte le même enjeu : parvenir à faire du théâtre lyrique le lieu où résonnent les tragédies d’aujourd’hui.
Musique Thierry Pécou d’après la pièce de Laurent Gaudé (texte édité chez Actes Sud-Papiers, 2004)
Direction musicale Laurent Cuniot, Ensemble TM+ .
106, rue Brancion 75015 Paris