Les oies se gardent entre elles

Ici, il y a encore vingt-cinq ans on le retournait le monde, dans tous les sens. Et on essayait de comprendre. On essayait de comprendre, parmi toutes les options possibles et imaginables et folles, quelle tête aurait aujourd’hui l’humanité. Ici, du scotch, du souffle et du verbe. Ici, on ne cherchait pas à convaincre, on savait qu’on serait un peu plus vivant que la veille. On savait que la nuit ferait son office. On savait que maintenant n’aurait rien à voir avec demain. Et on en profitait, on en profitait. Tout ça, jusqu’à ce que tout se renverse. Le monde, à l’envers.

Antoine De La Roche

Ils sont là, tous, enfin. Et arrivera ce qu’on n’attendait plus. Ils sont cette famille désarticulée qui a longtemps vécu sous le sceau des arrangements. Manger, boire, dormir pour que le passé ne soit qu’un souvenir enterré, qu’il n’ait pas d’incidence. Mais aujourd’hui tous se confrontent à l’absence, aux espoirs déçus, aux querelles silencieuses. Ces figures cassées se bousculent et se prennent des murs, comme dans un dernier espoir de cohésion, de paix, d’humanité. Et si les fantômes reprenaient forme, et s’ils pouvaient les étreindre une dernière fois ? Et si la tempête permettait enfin d’accueillir ces oiseaux migrateurs qui, au loin, peinent à se poser ?