Depuis 2012, dans le cadre d’un vaste chantier de recherche intitulé Au point mort d'un désir brûlant, le théâtre de Lena Paugam explore un moment complexe dans la trajectoire d'un individu, d’un groupe ou d'une société, celui de la crise du désir. La metteure en scène s'intéresse à l'état de suspension, tendu entre désir et sidération, qui saisit l'individu confronté à la responsabilité de son existence. Les Sidérées, texte issu d'une commande d'écriture passée au dramaturge et comédien Antonin Fadinard, s'inspire librement de la pièce Les Trois Sœurs de Tchekhov.
Olga, Macha et Irina parlent toujours d'aller à Moscou, mais cette aspiration à une vie autre reste seulement une projection et ne devient jamais un projet susceptible d'être réalisé. En n'accomplissant pas leur désir, que ce soit pour le meilleur ou pour le pire, les héroïnes de Tchekhov se condamnent à l'immobilisme.
Lena Paugam s’interroge sur ce que signifie le fait de rester figer ainsi « en puissance mais jamais en acte ». Est-ce que cela ne renvoie pas à un certain renfoncement contemporain à l'action et à l'engagement politique ? C'est cette tension entre une aspiration profonde et l'absence de réaction qu'accompagne paradoxalement ce sentiment d’alerte qu'elle s'efforce d'exprimer dans son théâtre, car comme le disent ses héroïnes, « il faut vivre tout de suite, sans attendre, quoi qu'il en coute de douleurs, de deuil, d'effacement ». Avec le souci d'élaborer un langage approprié pour rendre compte d'une sensibilité au monde qui, au delà de tout récit, est éprouvée comme un état physique.
Par la Compagnie Lynceus théâtre.
« Ce texte foisonnant est mis en scène avec beaucoup d’intelligence et de sensibilité par Lena Paugam. Il est servi par des comédiens remarquables qui savent rendre avec finesse les diverses facettes de leurs personnages. » Jean François Picaud, Les Trois Coups
Initiée par un trio de monologues féminins composé autour des trois phrases finales des Trois soeurs de Tchekhov (« Si l’on pouvait savoir » dit Chloé / Olga, « Il faut vivre » dit Eileen/Macha, « Je travaillerai » dit Joyce/Irina), la pièce se construit comme un commencement ininterrompu, une succession de propositions pour construire un devenir commun auxquelles viennent s’opposer les irréductibles points de vue existentiels.
Chaque personnage revendique une manière de penser et d’envisager le sens de son existence. La vente de la maison apparait comme un prétexte pour les faire dialoguer. Se succèdent seize scènes faisant alterner des tableaux vivement rythmés aux dialogues entrelacés où l’ensemble des personnages se répartissent des micro-actions de registres divers, et des scènes intimes dans lesquelles deux personnages confrontent leurs points de vue et envisagent (sans succès) une association au nom d’une attirance mystérieusement réciproque.
La pièce d’Antonin Fadinard reflète la turbulence impatiente d’une société incapable de s’entendre. Ses personnages sont constamment tendus par des fantasmes impossibles à réaliser reposant sur des principes non compris, non pensés, figés idéologiquement dans des gestes et des paroles usées. Ils héritent d’un blocage et ne parviennent pas à le dépasser, si ce n’est à la fin en jouant comme six enfants à faire la liste pléthorique de ce dont ils auraient envie.
La pièce nous invite à réfléchir sur la responsabilité qui incombe à ceux qui considèrent les cendres du passé et s’engagent aujourd’hui à reconstruire les conditions de possibilités de nouveaux lendemains.
Lena Paugam
41, avenue des Grésillons 92230 Gennevilliers
Voiture : Porte de Clichy, direction Clichy-centre. Tout de suite à gauche après le Pont de Clichy, direction Asnières-centre.
A 86 Sortie Paris Porte Pouchet. Au premier feu tourner à droite, avenue des Grésillons.