Conte pour adulte à venir, de 7 à 99 ans…
Mammadera et Favilla vivent dans un pays où certains enfants, pour se défendre, possèdent des armes. Favilla a un pistolet. Mammadera a des souliers magiques qui doivent lui permettre de s’échapper vers le Sud, pays mystérieux où “ Eux ” ne la trouveront pas. Toutes deux veulent en finir avec la vie impossible des enfants de la rue. Alors, un soir à la tombée de la nuit elles se mettent à courir. Courir,... courir, courir et partent pour toujours sur les routes du monde vers... le Sud ?
Par la Cie Alegria Kryptonite. La pièce est publiée à L’école des Loisirs, traduite de l’Italien par Bernard Tesla.
A quoi, à qui, Mammadera et Favilla veulent-elles échapper ? Quels sont ces souliers qu’elles cherchent ? Elles se sauvent vers le Sud, un pays que Mammadera imagine comme une merveille de bonheur et de paix…
Ces deux adolescentes sont animées d’un immense appétit de vie, quand on les découvre pour la première fois, c’est en courant qu ‘elles entrent en scène. Elles courent d’impatience, elles cherchent les souliers rouges, retournent la terre, creusent des trous et brassent de l’air. C’est à la tombée du jour qu’elles arrivent brusquement sur une route inconnue. Cette pièce militante, impitoyable et boulversante nous parle de la cruauté d’un monde qui peut retirer aux enfants ce qu’il y a de plus précieux à préserver : l’enfance.
Contre qui se révolter ? Contre qui se révolter si le pouvoir et les valeurs sont vacants ou corrompus ? Ou, pour le formuler sur un ton plus grave encore, qui peut se révolter si l’homme est devenu une personne tout juste libre de zapper pour choisir sa chaîne ? Je schématise et durcis le tableau de notre actualité pour mieux mettre en évidence ce que nous ressentons tous : non seulement la révolte politique s’enlise dans les compromis entre des partis dont nous percevons de moins en moins les différences, mais, surtout, une composante essentielle de la culture européenne, culture faite de doutes et de critiques, est en train de perdre de sa portée morale et esthétique. Cette dimension morale et esthétique se trouve marginalisée et n’existe plus qu’à titre d’alibi décoratif toléré par la société du spectacle, quand elle n’est pas la culture-divertissement, la culture-performance, la culture-show.
Cette pièce est en marge, c’est un lieu d’utopie à l’envers du désespoir, un lieu où l’imaginaire s’acharne à réinventer la vie. Malgré un sujet terrifiant, nous y avons trouvé la fantaisie et la joie propre à l’énergie de l’enfance. Le sens de l’humour vrai et l’anarchie du rire sont au rendez-vous.
Amélie Nouraud
62, rue René Binet 75018 Paris