« Quelle horrible puissance m’a poussée vers vous ? La faiblesse attirée par la force ? Celle qui tombe vers celui qui monte ! Ou était-ce l’amour ? » Suède, 1888, la nuit de la Saint-Jean.
Ce soir-là a lieu la grande fête des domestiques pour honorer le solstice d’été.
Dans la cuisine, Mademoiselle Julie joue à séduire le valet de son père, Jean qui est fiancé à Kristin, la cuisinière.
Tout les oppose : leur classe sociale, leur sexe et surtout leurs valeurs et leurs aspirations profondes.
Mais ce jeu dangereux sans règle ni limite va faire glisser les personnages hors réalité jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus y revenir...
Dans Mademoiselle Julie, Strindberg aborde avec âpreté les thèmes fondamentaux et indémodables que sont la lutte des classes, la religion, le pouvoir et la prise de pouvoir sur autrui, la quête de l’amour et la complexité des rapports homme-femme ou encore les barrières psychiques ou sociales qui peuvent empêcher un être humain de se réaliser ou de trouver sa place au monde. Mais la question centrale de la pièce est bien : si la vie ne peut être celle que nous rêvons, vaut-elle la peine d’être vécue ?
J’ai choisi de placer l’action au XXIème siècle pour ne pas empêcher les résonnances intemporelles. Tout se déroule dans la chambre de Jean, un squat organisé au sous-sol du domaine. Ainsi se trouvent sur le plateau un lit, un coin toilette, un micro-onde, un miroir et un portrait du comte.
Pour le jeu, l’axe qui m’intéresse particulièrement à traiter est ce qui est dissimulé et ce qui est révélé, démêler le vrai du faux, montrer les personnages qui glissent entre la réalité et un ailleurs. Les trois personnages de la pièce ont une personnalité complexe, véritables puzzles psychologiques. Les mensonges, les dévoilements de personnalités, les revirements dramaturgiques et la confrontation des opinions et des valeurs sont autant de matière riche pour le jeu de l’acteur et contribuent au suspens de la pièce et amène le spectateur là où il ne s’y attend pas.
Le travail de la lumière à la bougie, mobile et mystérieuse mobile ira dans ce sens. Plus tard dans l’intrigue, l’ambiance confidentielle et romantique propice à la rencontre sera cassée par une lumière au néon, brute et dure.
La traduction de Terje Sinding me paraît la plus moderne et la plus proche de ce que dit Stindberg à propos de ses dialogues : « J’ai laissé les cerveaux travailler sans règle comme ils le font dans la réalité, où une conversation n’épuise jamais un sujet, mais où les cerveaux s’envoient mutuellement des leurres qui leur permettent de rebondir ».
Géraldine Martineau
77, rue de Charonne 75011 Paris